dimanche 8 juin 2008
La sélection est un piège à cons. Tant mieux.
Je termine la lecture d'un petit bouquin chargé de venin et de talent. L'auteur est prolixe : trente-neuf livres dont celui-ci. Il a exactement mon âge. Dire que je n'ai pas encore pondu le moindre opuscule !
Rage et jalousie. Passons.
L'écrivain dont il est question est Richard Millet et son dernier ouvrage s'intitule : "L'opprobre, essai de démonologie." C'est publié dans la "collection blanche" de Gallimard. Ce n'est pas une surprise car Richard Millet est l'un des gourous du comité éditorial de cet éditeur. On n'est jamais mieux servi que par soi-même.
Richard Millet avait supervisé et accompagné la gestation du livre de Jonathan Littell "Les Bienveillantes", triomphe historique pour Gallimard. Ce qui n'empêche pas Millet d'être désormais fâché à mort avec Littell.
Richard Millet n'est pas un garçon facile. Il est d'une folle exigence. Ce cadre supérieur de Gallimard semble être en guerre, non seulement avec les romanciers, mais aussi, et c'est plus troublant, avec tout le genre romanesque en tant que tel.
Son petit livre crispé dont j'achève une lecture en pointillé (c'est possible et même conseillé car le volume se compose uniquement d'aphorismes et de notules éparses) est truffé d'observations décapantes, parfois odieuses, souvent lucides.
Je lis ceci que je ne cautionne pas :
"Dans ce wagon de métro qui m'emmène vers la banlieue nord de Paris, et où je suis le seul Blanc, et, sans doute, le seul Français, je songe à cette expression sociologique en vigueur il y a une trentaine d'années, le seuil de tolérance à l'immigration (i.e. une immigration 'visible'), et qu'on estimait à 10 % : idée bientôt battue en brèche par le libéralisme moralisateur qui a fourbi la gnose de l'idéal multiculturaliste, c'est-à-dire la destruction la destruction de la culture, renvoyant les uns et les autres à l'apartheid mental et au ghetto – à deux formes de survie violente."
Je répète avec force que je ne cautionne pas les conclusions de Richard Millet mais je confirme son témoignage : il m'est arrivé souvent d'être le seul blanc dans une voiture de métro à Paris. Vous remarquerez que je ne mets pas de majuscule à "blanc" comme Millet le fait dans son livre. Vous remarquerez que je n'utilise pas non plus le latin, comme Millet. Cuistre un peu assommant, Richard Millet utilise ces deux lettres surannées : "i.e.". Ça veut dire quoi ? Ça veut dire "id est". C'est du latin classique, même pas du latin de cuisine. Ça veut dire : "c'est-à-dire". Avouez franchement que Richard Millet est un petit marquis précieux. Car, trois lignes plus loin, il écrit "c'est-à-dire", en toutes lettres, en français.
Je préfère cet autre passage de ce petit livre énervant mais salutaire.
"Peuple braillard, mesquin, émasculé, mais le cerveau tiraillé entre Versailles, New York et Moscou, les Français refusent à grands cris toute idée de sélection, alors qu'ils révèrent comme de grands prêtres les sélectionneurs des équipes nationales, confondant ainsi l'idéal sportif (lequel est essentiellement spectaculaire) et cette forme de domestication qu'on appelle études supérieures, ignorant donc qu'en refusant toute sélection, au sein d'un univers présyntaxique et postpolitique , on ne peut en susciter qu'une autre qui est une tyrannie à peine déguisée."
Ce petit texte que je viens juste de citer, j'aimerais en être l'auteur. Là, je suis entièrement à l'unisson avec Richard Millet. La sélection, c'est la vie. On le sait depuis Darwin. L'impasse du système éducatif français, c'est d'avoir ouvert les vannes sans discernement.
On vénère le sélectionneur l'équipe de France de football. Mais on cloue au pilori celui ou celle qui aurait la moindre velléité de sélectionner les meilleurs lycéens ou étudiants dans une même classe d'âge.
Que veut dire ce chiffre baroque de 80 % de réussite au baccalauréat ?
Pour balayer cette mauvaise fable égalitariste qui handicape les candidats les plus modestes et les plus méritants, je suis convaincu qu'il faut sélectionner rigoureusement à l'entrée des universités.
Il faut fermer d'urgence le portillon automatique des facs qui ne sont que des parkings pour ratés, ces "losers" patentés propulsés en ligne droite sur la voie de garage de l'ANPE.
L'Allemagne a fait mieux que nous, en moins de temps.
L'Allemagne a géré sa réunification (pas une mince affaire) tout en résorbant le chômage de manière drastique, en améliorant sa formation professionnelle, en activant sans cesse l'apprentissage, en investissant sans relâche dans la recherche et le développement.
Pendant le même temps, la CGT en France, avec ses acolytes, nous bouchait la vue avec banderoles pleurnichardes et misérabilistes.
Oui, je suis d'accord parfois avec Richard Millet. "Peuple braillard, mesquin, émasculé." Il parle de nous, les Français. Cherchez à prouver le contraire.
Avez-vous lu la République de Platon? Vous y trouveriez sans doute de nombreux arguments dans votre sens.
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