Je viens de terminer la lecture d’un livre proprement époustouflant.
Je n’ai rien découvert : l’ouvrage a été largement célébré par la critique et le public l’année dernière et couronné par le Prix Goncourt du premier roman. C’est sa parution dans «Le Livre de Poche» qui m’a permis de le lire avec un peu de retard. Si, comme moi, vous l’aviez raté à sa première publication, je vous encourage vivement à vous le procurer.
Le titre est abscons : «HHhH», acronyme en allemand pour «Himmlers Hirn heißt Heydrich» : le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich.
L’auteur en est Laurent Binet, professeur de lettres de 38 ans, qui offre ici un récit historique très personnalisé (et parfois récalcitrant, je vais expliciter) centré sur l’attentat qui a visé en 1942 Reinhard Heydrich, chef de la Gestapo et des services secrets hitlériens, planificateur de la Solution Finale, «la bête blonde», «le bourreau de Prague».
Les autres protagonistes sont deux jeunes résistants, un Tchèque et un Slovaque, parachutés de Londres à Prague et qui ont pour mission de liquider l’un des personnages les plus emblématiques du régime nazi, le redoutable Heydrich qui règne d’une main de fer sur leur patrie occupée.
J’ai dit «récalcitrant» à propos du récit de Laurent Binet. En effet, l’auteur s’interroge sans cesse sur la véracité des romans historiques. Quelle authenticité peut-on accorder aux dialogues reconstitués, aux mimiques supposées des personnages, à la couleur possible d’une voiture ou à une adresse probable mais pas totalement établie ?
C’est un récit doublé d’un roman. Le «making of» est la trame du livre. On suit le cheminement de l’auteur à travers les faits, ses doutes, ses rectifications continuelles. La forme est novatrice et intime. Laurent Binet a fait de cet épisode une histoire personnelle. Il n’est jamais sûr de ce qu’il raconte. Il prend ses précautions.
L’intrigue (totalement historique) est néanmoins palpitante, alternant entre l’ascension du dignitaire nazi et les préparatifs des jeunes résistants.
Tous les chapitres du parcours d’Heydrich, adjoint très efficace d'Himmler, sont évoqués, mais le plus souvent à distance : la nuit des longs couteaux, la nuit de Crystal, le conférence de Wannsee (l’organisation de la Shoah). Seul le rôle d’Heydrich à Prague, comme représentant suprême du Reich en Bohème-Moravie, est vraiment développé.
Le récit, très rythmé, culmine le jour de l’attentat. Heydrich en mourra. Les jeunes résistants, le Tchèque et le Slovaque, s’échapperont mais seront traqués et seront liquidés à leur tour, en combattant jusqu’à la dernière minute.
J’ai trouvé dans ce livre une description minutieuse de la mécanique implacable du IIIème Reich, un portrait édifiant d’Heydrich et une évocation chaleureuse de la résistance tchécoslovaque.
Ce livre foisonnant recèle aussi une longue promenade dans la ville de Prague, cité sombre et baroque, hantée par Kafka, frôlée par Mozart, terrorisée par les nazis avant d’être plus tard figée dans le glacis soviétique.
Pour toutes ces raisons, il faut lire «HHhH» de Laurent Binet. C’est republié par «Le Livre de Poche». Ça coûte 7,5€. Croyez-moi, c’est un très bon rapport qualité-prix.
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