"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

jeudi 21 juillet 2011

Dérives de l'information : Murdoch ou Internet ?

«Internet conduit à toutes les dérives. On lit n’importe quoi sur le Web. Les réseaux sociaux provoquent la désinformation. Les blogueurs sont sans foi ni loi.» 

Ah oui, vraiment ?

Ne croyez-vous pas plutôt que le pire dérèglement criminel récent dans le domaine de l’information vient davantage de la bonne vieille presse écrite ? Un système quasi mafieux à l’échelle de la planète. Je veux parler de l’empire Murdoch.

Rupert Murdoch, australo-américain de 80 ans, dirige une constellation de médias disséminés sur plusieurs continents : Europe, Amérique du Nord, Asie et bien sûr Australie. Cette machine gigantesque génère un chiffre d’affaires de 20 milliards de dollars par an.

On parlait jadis en France de «la pieuvre Hachette». Tout petit calamar par rapport à Murdoch and Co, cet animal tentaculaire qui encercle tout sur son passage, y compris des titres prestigieux comme «The Wall Street Journal» et «The Times» de Londres.

Murdoch et sa famille disposent d’un pouvoir supranational sans précédent, tenant sous leur coupe les gouvernements et les organismes de contrôle. Le Congrès américain s’est plié à Murdoch, en aménageant à son profit la régulation des médias. Les premiers ministres britanniques, travaillistes ou conservateurs, ont mangé dans la main du magnat octogénaire qui a fait et défait les gouvernements. La France a échappé à son emprise car la maison Murdoch est pratiquement absente dans nos médias. Mais Murdoch a réussi à amadouer les dirigeants les plus rigides, comme ceux de la Chine communiste.

L’empire Murdoch est en train de vaciller à cause du scandale d’un des titres les plus nauséabonds de sa conglomérat : «News of the World», un hebdomadaire dominical publié depuis 1843 au Royaume Uni.  Ce journal populaire à très grand tirage (2,8 millions d’exemplaires) n’a jamais fait dans la dentelle. Les équipes de Murdoch l'ont transformé en réceptacle à ragots sensationnels. Une presse de caniveau qui révélait souvent (mais à quel prix !) de vraies informations inédites sur la vie privée de personnalités de tous horizons, y compris leurs secrets médicaux.

 «News of the World» a été torpillé récemment par son propriétaire. Le titre, du jour au lendemain, a cessé de paraître et le personnel a été remercié. C’est la conséquence de la découverte étrangement tardive des méthodes criminelles utilisées par «News of the World» pour obtenir ses informations : infiltration de la police et des institutions par des informateurs grassement payés, usage immodéré des écoutes téléphoniques des communications et des boîtes vocales de nombreuses célébrités et politiciens.

«News of the World» ne craignait même pas d’appliquer ses pratiques illégales pour s’immiscer dans l’entourage de la Reine d’Angleterre. Un collaborateur proche de David Cameron était un ancien rédacteur en chef de «News of the World». Scotland Yard était mouillé de la même manière.

La démocratie britannique s’est enfin réveillée. Plusieurs arrestations ont été opérées. Rupert Murdoch et son fils James, héritier putatif, ont été convoqués par une commission parlementaire. Une vaste enquête policière et judicaire est en cours.

L’opinion française, peu au fait de ce qui se passe dans le monde anglo-saxon, n’a pas vraiment saisi l’ampleur de ce scandale planétaire, plus dommageable en un sens que celui du Watergate, limité à l’époque à un seul pays et à un seul dirigeant.

Les pratiques illégales de «News of the World» ne constituent sans doute que la partie émergée de ce qui se trame dans le reste de l’iceberg Murdoch. On peut supposer que les comportements plus que douteux de la rédaction de «News of the World» se reproduisent sous d’autres formes, plus subtiles et moins voyantes, dans d’autres publications du groupe à la façade plus respectable.

Dans le domaine de la télévision, la réputation sulfureuse de «Fox News», station Murdoch aux Etats-Unis, leader du marché de l’information en continu, n’est plus à faire. Murdoch a réussi aussi à affadir «The Times» et «The Sunday Times» en enlevant à ces deux fleurons de la presse britannique une bonne part de leur pugnacité et de leur crédibilité. Et, aux Etats-Unis, «The Wall Street Journal» depuis qu’il est dans le giron de Murdoch, s’est dangereusement durci dans le ton réactionnaire de ses analyses. Elles n’ont jamais été, il est vrai, proches du marxisme-léninisme...

En France, Serge Dassault a transformé «Le Figaro» en grossier tract électoral pour l’UMP. La campagne présidentielle qui commence nous le confirmera dans les prochains mois. Son prédécesseur Robert Hersant, dirigeant brutal et très marqué idéologiquement, n’en était pas moins un homme de presse. Hersant n’a jamais voulu sacrifier la qualité du journal phare de son groupe. Sous Hersant, «Le Figaro» était incontestablement un journal de droite. Mais un bon journal de droite.

Murdoch, c’est Serge Dassault en bien pire et en beaucoup plus dangereux. Dassault n’a jamais laissé ses équipes enfreindre la loi. Murdoch n’a pas ces scrupules et, à la différence du lilliputien Dassault, il couvre la planète entière de ses médias.

Alors, reposons la question : où sont les dérives criminelles ? Où la désinformation règne-t-elle ? Sur Internet ou dans la presse écrite, sauce Murdoch ? Qui met le journalisme en danger ?

J’aimerais entendre les réponses de celles et ceux qui conspuent à tort et à travers le Web sans vraiment le connaître et le pratiquer.

4 commentaires:

DominiqueD. a dit…

Bien dit.

Cela me rappelle le No 1 du (feu-)magazine Transfert dédié aux nouvelles technologies, et en particulier, à Internet.
A la sécurisation accrue demandée par certains pour Internet, Transfert faisait remarquer qu'il y avait bien pire car le papier n'était pas sécurisé (et n'est toujours pas sécurisé), et que l'on n'avait pas idée des courriers que les citoyens pouvaient s'échanger, en toute impunité, sans surveillance.
Manifestement, la presse n'était pas en reste.

GED a dit…

Il est également curieux que la presse française ne s'intéresse pas plus à Paul Desmarais. Il faut lire la presse québecoise pour avoir une vue réelle des rapports de ce milliardaire avec l'Elysées et Charest le premier ministre du Québec.

Manu, de Quebec .... a dit…

En reponse a GED :

Desmarais exerce plutot une influence sur la politique canadienne au niveau federal. Le provincial, Quebec en l'occurence, n'est que tres peu touche.

Il est l'un des hauts financiers du scandale des commandites et de toutes autres, plus ou moins legales, campagnes pro-federalistes au Quebec.

Cependant son empire mediatique au Quebec, a l'oppose de celui de Murdoch, reste bien marque par la libre-pensee. Les journaux phares de cet empire, d'une importance considerable au Quebec, 'La Presse' et 'Le Soleil' ne demontrent absolument aucune tendance politique en faveur du federalisme canadien. Seuls 'Le Nouvelliste', journal regional a faible tirage et a faible influence, et 'Le Droit', journal d'Ottawa, sont ouvertement federalistes et en faveur du Parti Liberal du Canada.

'Le Soleil' est un journal de faits divers, simplement plus intelligent que ceux de l'empire Quebecor. 'La Presse' est un journal qui a fait, et fait toujours, sa reputation sur de solides editorialistes ayant carte blanche pour leurs papiers, Foglia est un exemple flagrant !

Alors oui, bien sur, les Desmarais, pere et fils, ont une forte influence sur la politique canadienne, mais aucunement a travers leur empire mediatique ( GESCA Limitee ).

Cette influence, aussi fortement presente en Europe, se fait par le biais de relations personnelles, de pouvoir financier et de placement de personnel. Il suffit de penser a tout les derniers premiers ministres canadiens issus du Parti Liberal du Canada : (ex) haut grades de Power Corp ....


Manu, still ....

P.S. : Quant a Charest, ce n'est qu'un pion, mais un pion qui s'efforce de garder une distance avec le tres corrompu parti homonyme canadien ...

Anonyme a dit…

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