mercredi 4 avril 2012

Un débat présidentiel tronqué




Péniblement, France 2 a réussi à mettre sur pied deux émissions où l'on entendra la semaine prochaine tous les candidats à l'élection présidentielle. Deux groupes de cinq : le premier avec François Hollande et le second, le lendemain, avec Nicolas Sarkozy. Pas de débat, seulement une succession de monologues, entrecoupés de questions de David Pujadas et de Fabien Namias. Quelques jours plus tard, Yves Calvi réunira un plateau de dix invités, mais Sarkozy et Hollande se sont débinés et seront représentés chacun par un second couteau.

Ces contorsions médiatiques sont misérables mais elles découlent des absurdités de l'organisation de ce scrutin. On comprend aisément que Sarkozy et Hollande ne veillent pas être confrontés directement aux quelques hurluberlus qui ont réussi à récolter les 500 signatures nécessaires pour figurer dans le scrutin : le fantasque Jacques Cheminade et les deux trotskistes pathétiques. Deux trotskistes en France en 2012 ! On progresse : en 2002, ils étaient trois. Réveille-toi, Léon, ils sont devenus fous... C'est d'abord ce système de sélection qu'il faut revoir. Corinne Lepage ou Dominique de Villepin avaient largement plus de légitimité pour se présenter que ces trois parasites.

Ce qu'il faudra aussi réformer d'urgence, ce sont les règles ridicules de temps de parole imposées par le CSA. Ces comptes d'apothicaire entravent gravement le travail des journalistes et les rédactions en chef, par commodité, préfèrent réduire au minimum l'espace dévolu à l'actualité politique, même si nous sommes à quelques semaines de l'élection majeure dans notre pays. Un exemple hier soir, dans le 20 h de France 2 : le journal durait exactement 40 minutes. Il a fallu attendre 20 h 21 pour découvrir une séquence rabougrie de 2 minutes et 40 secondes consacrée à l'élection présidentielle. Sur cette portion congrue, 40 secondes étaient mangées par un sondage détaillé en plateau par David Pujadas. A suivi un reportage sur les interrogations suscitées par la percée de Mélenchon chez les militants socialistes. On n'a pas entendu une seule seconde la voix d'un candidat, cela afin d'éviter de devoir donner ensuite la même exposition aux autres prétendants, dans le respect des règlements tatillons du CSA.

Les télés avaient largement retransmis les débats des primaires socialistes, sans s'embarrasser de minutage. Les chaines d'info avaient ensuite diffusé in extenso les meetings des uns et des autres. Mais on n'était pas encore dans la période sacrée définie arbitrairement par le CSA. A présent, alors que le scrutin approche, les électeurs n'ont plus le loisir d'écouter les candidats, sauf par bribes saucissonnées. Ce système idiot empêche toute expression structurée sur le fond des dossiers. Les candidats et leur staff de campagne se contentent de forger des «petites phrases», des formules piquantes sans véritable contenu destinées à être reprises, si tout va bien, par des médias frileux qui picorent avec parcimonie.

Nicolas Sarkozy, encore aux affaires (sans jeu de mot), a la possibilité de faire campagne autrement en organisant un «bruit de fond médiatique», en multipliant par exemple les interpellations d'islamistes présumés dangereux. Cette agitation policière n'est pas décomptée de son temps de parole.

François Bayrou a eu raison de réclamer une vraie confrontation entre tous les candidats, même s'il aurait fallu au passage se coltiner les quelques olibrius qui ont franchi l'épreuve des 500 signatures. Ce débat n'aura pas lieu. La campagne sombre dans l'ennui et l'anecdotique. Il ne faut pas s'étonner que les prévisions d'abstention soient aussi élevées et que les citoyens doutent de plus en plus de l'utilité de cette élection.

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