Justin Bieber, pour ceux qui l’ignorent encore, est un jeune chanteur canadien anglophone, natif de l'Ontario. Il aura 17 ans le 1er mars prochain. Pour son anniversaire, sa mère et sa grand-mère vont lui offrir un appartement de 1,7 millions de dollars dans le quartier de Westwood à Los Angeles. On sait même que le sol du vaste logis sera de marbre blanc. Ce n’est pas facile à entretenir. Mais ce n’est sans doute pas Justin qui fera le ménage.
Justin Bieber jouit d’un succès international considérable, grâce à ses chansons, ses prestations publiques, ses clips et surtout son look : la coiffure de Justin Bieber est imitée par des millions d’adolescents à travers le monde. Pour être coiffé comme Justin, il faut avoir les cheveux relativement longs (et surtout pas frisés) et il est impératif de ramener toute la chevelure vers le devant, en masquant les oreilles et le front. Disons-le brutalement : cette coiffure est hors d’atteinte pour Michel Blanc ou Alain Juppé.
La musique de Justin Bieber n’est pas exceptionnelle, mais elle n’est pas indigne. Le gamin aime se référer à Michael Jackson. On est loin du compte, même si on peut imaginer que Michael Jackson, s’il vivait encore, ne détesterait pas la compagnie du jouvenceau canadien. C’était tout à fait son genre. Mais ceci est une autre histoire.
On ne pouvait rien reprocher de particulier jusqu’à présent à Justin Bieber. C’est un gentil garçon souriant qui fait rêver un très large jeune public sur tous les continents. Toutes les époques ont connu des phénomènes identiques. Rien à dire donc.
Mais voilà que Justin se retrouve en couverture des grands magazines internationaux. Il était le mois dernier le ‘cover boy’ de «Vanity Fair» et le voici à la une de «Rolling Stone».
Oui, «Rolling Stone», ce titre mythique qui a accompagné toute l’évolution du rock et de la pop. C’est dans ce magazine américain que Hunter S. Thomson avait développé son concept du «gonzo journalism». C’est aussi «Rolling Stone» qui, en juin dernier, par un article fracassant, provoqua la chute du général américain Stanley McChrystal, commandant suprême de la coalition occidentale en Afghanistan.
C’est ça, «Rolling Stone» : un journal avec du contenu, assez loin de «Gala» ou de «Voici». Mais les temps sont difficiles pour la presse écrite : il faut vendre, coco !
«Rolling Stone» fait donc sa ‘une’ sur le jeune Justin Bieber. Musicalement, c’est discutable. Commercialement, c’est impeccable. Comme «Rolling Stone» associe toujours ses sujets de couverture à un entretien, les journalistes américains ont tout naturellement interviewé le candide ado canadien.
C’est là qu’on franchit une frontière dangereuse. Le gosse est prié de s’exprimer sur les choses de la vie. Une vie si courte que Justin a déjà racontée dans une très précoce autobiographie publiée partout dans le monde et traduite en France : «De mon premier pas vers l'éternité : mon histoire» (Éditions Michel Lafon, 2010).
J’avoue que je n’ai pas lu cet ouvrage, sans doute fort intéressant. Mais j’ai lu l’interview que Justin a accordée à «Rolling Stone».
Justin Bieber dont la sexualité semble encore balbutiante pour ne pas dire incertaine confie qu’il «ne faudrait pas coucher avec quelqu’un dont on n’est pas amoureux. Je crois qu’on doit attendre de tomber amoureux pour ça».
Position d’attente qui ne mange pas de pain et qui ravira toutes les minettes amourachées de l’idole à la chevelure bien lissée.
Les choses se gâtent quand les journalistes de «Rolling Stone» se mettent en tête d’interroger le jeune garçon sur l’avortement. Oui, sur l’avortement ! Quelle opinion solide un gamin chanteur d’à peine 17 ans peut-il s’être forgée sur l’avortement ?
Justin répond néanmoins de manière assurée : «Je ne crois vraiment pas en l’avortement, c’est comme tuer un bébé !». Relisez bien ce que dit Justin : il ne croit pas vraiment en l’avortement. Que veut-il dire exactement ? Que l'avortement n'est pas réalisable ou fiable ? Ou croit-il que c'est une mauvaise pratique ? Situer cette question sur le terrain de la croyance est déjà bien discutable.
«C’est comme tuer un bébé», ajoute l’ado adulé qui ne fait, en disant cela, que restituer tels quels les slogans de toutes les associations anti-avortement d’Amérique du Nord et d’ailleurs.
La grande différence en qui concerne Justin Bieber, c’est qu’il bénéficie d’une forte audience auprès de la jeunesse de nombreux pays. Justin dit que l’avortement, c’est tuer des bébés. Le message simpliste est malheureusement facilement assimilable.
Les journalistes de «Rolling Stones» poussent un peu plus loin leur questionnement et demandent à Justin Bieber sa position sur un avortement après une grossesse provoquée par un viol. Là, le jeune homme s’embrouille et avoue que la question le dépasse : "Euh…et bien, je pense que c’est très triste, mais tout arrive pour une raison. Mais je n’ai jamais été dans cette situation, donc je ne suis pas en mesure de juger."
C’est le jeune Justin Bieber, avec franchise, qui montre clairement aux journalistes de «Rolling Stone» qu’ils ont poussé trop loin l’exercice.
Ce type de journalisme est navrant. Interroger une star éphémère au rayonnement mondial, un garçon qui n’a pas encore 17 ans, sur un sujet aussi complexe que l’avortement est proprement ridicule. C’est du journalisme plus trash que celui exercé par la pire publication à scandale.
Demander à Justin Bieber, à peine 17 ans, ce qu’il pense de l’avortement est aussi peu pertinent que de demander à Alain Delon ou à Josiane Balasko ce qu’ils pensent de la situation en Libye.
Mais en ce qui concerne Justin Bieber, les conséquences sont plus graves. Le jeune chanteur est très écouté par une fraction importante de la jeunesse du monde entier. Ses affirmations hasardeuses et infondées risquent d’être perçues par ce jeune public comme un vérité vraie.
Le jeune Justin, grâce sa gloire actuelle, bénéficie d’une tribune complaisamment offerte par une presse profondément irresponsable.
Ne parle pas de ce que tu ne connais pas, Justin. Chante pendant que ta gloriole durera. Et ne te laisse pas entrainer sur un terrain qui n’est pas le tien par des médias prêts à tout pour vendre leur camelote.
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Voici, en bonus, la vidéo diffusée par le magazine "Rolling Stone" accompagnant la séance photo de Justin Bieber :
la petite phrase assasine envers michael jackson n etait franchement pas indispensable .
RépondreSupprimerIl faudrait l'interroger comme il chante, en playback.
RépondreSupprimerTiens, fin février sort "Justin Bieber: Never Say Never" http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=183567.html
RépondreSupprimerCa va être sa stratégie de défense ? "Never Say Never" ?
Cher Anyhow,
RépondreSupprimerUn ado de 17 ans peut déjà avoir un avis sur la question. L'avortement les concerne, ou disons va les concerner un jour ou l'autre. Ce serait plus sont éducation, pour le moins conservatrice, qu'on pourrait s'attarder.
Mais sur le fond, je ne vois pas très bien ce que l'avis de Justin sur l'avortement apporte à la culture musicale... Je reste perplexe quant à la stratégie commerciale de ce magazine! mais bon, tu l'as dit toi-même: Il faut savoir vendre...
Excellent ! Bieber aurait dit que l'avortement était un droit fondamental pour les femmes et vous auriez louangé la précocité du gamin ! Mais comme il dit l'inverse, c'est un jeune con ! On ne peut que s'incliner devant votre objectivité ;-)
RépondreSupprimer@Gérard -
RépondreSupprimerVous me faites un procès d'intention.
Ce n'est pas la réponse de Justin Bieber qui me pose problème. C'est la question que l'on pose à ce gamin chanteur d'à peine 17 ans.
Si Justin Bieber avait déclaré son accord absolu pour l'avortement, j'aurais trouvé cela tout aussi ridicule.