Puisque tout le monde s'y met, je vais vous raconter, moi aussi, mon 10 mai 1981. J’avais 28 ans et j’étais journaliste dans une grande radio «périphérique», comme on disait alors.
Cette radio qui existe toujours était profondément giscardisée. Au point que l’évocation, même en bref, de «l’affaire des diamants» avait été censurée pendant plusieurs jours par la direction, après avoir été révélée par Le Canard Enchaîné.
La consigne dans ma radio, pendant la campagne électorale de 81, était de passer les déclarations de Giscard aux heures pleines (6h, 7h, 8h, 9h) et de diffuser les propos de Mitterrand dans les autres journaux, aux demi-heures (6h30, 7h30). Comme il n’y avait pas de journal à 8h30 et à 9h30, on entendait beaucoup moins Mitterrand. Et les journaux des heures pleines faisaient davantage d’audience, c’était prouvé.
Les éditoriaux de la station étaient toujours défavorables à François Mitterrand. Pour couvrir la campagne du candidat socialiste, c’est un journaliste sans grade (mais pas sans talent) qui avait été choisi, preuve supplémentaire que la direction de la station ne croyait pas à la victoire de la gauche.
Le jour du 10 mai, date du second tour, un dimanche, je ne travaillais pas mais je suis allé à la rédaction pour sentir l’atmosphère. Elle était fébrile. Vers 18 h 30, l’institut de sondages qui travaillait pour cette radio a annoncé à la rédaction en chef que VGE avait perdu, de manière quasi-certaine. Mines déconfites de la hiérarchie, incrédule et décontenancée. Chez les plus jeunes, dont j’étais, c’était plutôt l’euphorie. Pas parce que nous étions nécessairement «de gauche» mais parce que le scénario était plus amusant, plus neuf. Nous avons aussitôt téléphoné à nos amis et à nos familles pour annoncer la nouvelle en primeur. A l’époque, pas de Twitter ni de SMS. Pas de portable non plus, d’ailleurs.
Je suis rentré chez moi pour regarder l’annonce des résultats officiels à la télé. Comme des millions de Français, j’ai vu apparaître le visage de Mitterrand à 20 heures.
J’habitais alors à deux pas de la Place de la Bastille. Je m’y suis rendu très vite. La foule convergeait mais la sono et le podium n’étaient pas encore installés. L’ambiance était joyeuse. L’étonnement dominait. Comment est-ce possible, après 23 années d’un pouvoir sans partage de la droite ? Les gens se parlaient, s’embrassaient. C'était une fête spontanée, la plus belle que j’aie jamais vue dans les rues de Paris. Les illusions se sont dissipées dans les mois et les années qui ont suivi.
J’habitais alors à deux pas de la Place de la Bastille. Je m’y suis rendu très vite. La foule convergeait mais la sono et le podium n’étaient pas encore installés. L’ambiance était joyeuse. L’étonnement dominait. Comment est-ce possible, après 23 années d’un pouvoir sans partage de la droite ? Les gens se parlaient, s’embrassaient. C'était une fête spontanée, la plus belle que j’aie jamais vue dans les rues de Paris. Les illusions se sont dissipées dans les mois et les années qui ont suivi.
Le soir du 10 mai, je ne suis pas resté très longtemps sur la place, parmi la foule qui grossissait, car je devais me lever très tôt pour travailler le lendemain. J’ai donc échappé au gros orage qui a éclaté ensuite. Mais j’ai mal dormi à cause du vacarme. Pour la première fois et la seule fois, je suis arrivé en retard à la radio pour participer à la matinale. Au lieu de 3 heures, je suis arrivé vers 3h30. Je me souviens que mon taxi a traversé la place de la Bastille pour s’engager dans la rue Saint-Antoine puis dans la rue de Rivoli. Quelques attardés, trempés jusqu’aux os, célébraient encore l’événement.
Dans la rédaction de la radio, à l’aube de ce 11 mai 81, cela sentait nettement la fin de règne. Les hauts responsables avaient choisi le mauvais camp, celui du perdant, et ils savaient que leur sort était scellé. Il y avait de l’énervement dans l’air. On commençait déjà à régler les comptes politiques. Je me remémore une engueulade homérique entre le directeur de l’information et celui qui était la vedette de la matinale. Aucun des deux n’avait vraiment dormi. Les nerfs étaient à vif. J’ai présenté les journaux de 5h30, 7h et 9h, comme je le faisais tous les jours. Ce jour-là, c’était très facile. L’actualité était tellement porteuse.
Le climat dans la rédaction était en revanche tendu. Le directeur de l’information a été chassé au cours de l’été. D’autres têtes «de droite» ont été coupées ou placardisées. Les bons petits soldats de gauche sont sortis de l’ombre et ont pris en main les opérations. Pierre Juquin, membre du bureau politique du PCF, est parvenu rapidement à imposer un journaliste communiste parmi nous. D’autres journalistes communistes ont été implantés de la même manière au même moment dans différents médias audio-visuels. Mitterrand, de son côté, a dépêché à la radio où je travaillais un éditorialiste de son bord qui faisait chaque matin une chronique piteuse. Ça n’a pas duré tellement il était inécoutable. C’était ça aussi, 1981.
Les beaux esprits d’aujourd’hui vocifèrent contre la mainmise de Nicolas Sarkozy sur les médias. C’est une douce rigolade. J’ai vu le giscardisme en action sur les télés et les radios (même privées). J’ai vu ensuite la machine Mitterrand exerçant des purges et plaçant ses hommes liges.
Le 21 mai, je me suis mêlé à la marée humaine qui affluait vers le Panthéon où François Mitterrand, prenant ses fonctions, allait jouer, la rose au poing, le rôle solennel que Serge Moati avait mis en scène pour lui. Je n’ai rien vu, rue Soufflot. J’étais Fabrice à Waterloo. Sauf que c’était l’Austerlitz de la gauche. Je n’ai rien vu, mais j’y étais.
Le matin du samedi 13 juin 81, je présentais le journal de 8 heures sur cette radio encore «périphérique», avant que François Mitterrand ne libère les ondes et casse le monopole en ouvrant les vannes aux «radios libres».
Je viens donc de terminer mon journal de 8 h. Je sors du studio et on me dit : «Tu as un appel de l’Elysée». Je suis plutôt étonné : à mon humble niveau, cela ne m’était jamais arrivé. Je prends la communication.
La voix courroucée de la directrice du service de presse de la présidence de la République me fait un reproche cinglant : «Vous n’avez pas annoncé que le président Mitterrand va recevoir le roi Khaled d’Arabie Saoudite ! C’est très important ! ». Je lui réponds benoîtement qu’il n’y a pas urgence et que le roi n'est pas encore arrivé.
Et puis, je m’enhardis : «Madame, vous êtes novice dans ces affaires. Je vais vous apprendre quelque chose : il est inutile d’appeler directement un petit présentateur. C’est même maladroit car il risque de parler autour de lui, ce que je ne vais pas manquer de faire. Le plus efficace, c’est d’appeler le patron de la rédaction. C’est ainsi que procédaient vos prédécesseurs, sous Giscard. Les pressions, toujours au sommet, jamais à la base, c’est comme ça que ça marche ! Au revoir, madame.»
J’ai croisé quelques jours plus tard cette directrice du service de presse de l’Elysée. Je lui ai rappelé notre conversation téléphonique. Elle a souri. Elle avait compris la leçon.
Dans les années qui ont suivi, j’ai entraperçu plusieurs fois François Mitterrand à l’occasion de voyages officiels et de sommets internationaux. Ces reportages sont des calamités. On ne voit rien, on ne sait rien mais on raconte quand même.
L’épisode le plus piquant, c’était pendant le sommet du G8 à Houston en juillet 1990. Il faisait une chaleur écrasante, comme toujours au Texas en été. Le président américain George Bush (le père) avait organisé un rodéo assez spectaculaire, en prélude au sommet. Les chefs d’état et de gouvernement étaient conviés. Chacun avait adopté une tenue vestimentaire un peu western, même Jacques Delors (représentant l’Europe), coiffé d’un chapeau à la Gary Cooper et Margaret Thatcher qui avait chaussé des bottes rutilantes. Mais le vieux grigou Mitterrand avait flairé le traquenard. Il est arrivé le lendemain matin, après le rodéo où il ne voulait pas se ridiculiser.
A la fin du sommet, comme le veut la tradition, Mitterrand tient une conférence de presse. J’ai furieusement envie de poser une question sur le rodéo qu’il avait boudé. Ça pourrait donner une petite phrase insolite qui pimenterait un reportage qui s’annonçait lugubre. Mais je me dis que ce serait plus pertinent si la question était posée par un journaliste américain. Il y a à côté de moi dans la salle de presse un jeune journaliste du Houston Chronicle qui parle assez bien le français. Je lui rédige la question sur un petit bout de papier. Il se lève et il lance en français à Mitterrand : «Pourquoi n’avez-vous pas assisté au rodéo organisé par le président Bush ?» Mitterrand déteste ce genre de question. Il se renfrogne et, pour éviter l’incident diplomatique avec la Maison Blanche, il répond de manière très sèche : «Cet événement ne figurait pas au programme officiel du sommet !». C’est le seul souvenir que je conserve de ce sommet bien ennuyeux à propos duquel j’ai dû néanmoins faire une quinzaine de comptes-rendus pour la radio qui m’employait alors.
De Giscard, je garde une image plus personnelle. Un an après sa défaite du 10 mai 1981, Giscard se représentait devant le suffrage universel, à un niveau beaucoup plus local, pour les cantonales à Chamalières dans le Puy-de-Dôme. J’étais envoyé spécial pour ma radio en Auvergne. Le résultat n’avait aucune importance. Giscard allait forcément gagner dans son fief. Il s’agissait seulement de raconter comment l’ancien président faisait campagne dans sa bourgade, quelques mois après avoir quitté son palais doré.
Je l’ai suivi dans un porte-à-porte des commerces de Chamalières. C’était exquis. Je me souviens notamment de cet échange dans un salon de coiffure. VGE à la coiffeuse : «C’est une mise en plis ?» La coiffeuse à VGE : «Non, c’est une mini-vague, monsieur le président». Et Giscard, interloqué, s’interroge à haute voix pour lui-même, avec ses intonations chuintantes et aristocratiques : « Ah ! une mini-vague... ». Pour lui, ce concept capillaire restait visiblement très vague.
Je voulais évidemment interviewer l’ancien président. Cela aurait été un scoop énorme. J’étais le seul envoyé spécial d’une radio nationale. Il n’avait pas parlé dans un micro depuis sa défaite. Il a été fort aimable et m’a dit : «Venez à 15 heures à la mairie et nous parlerons, mais sans note et sans micro». Et c’est ainsi que j’ai eu un tête-à-tête d’une demi-heure avec Valéry Giscard d’Estaing, un an après sa défaite humiliante, dans le bureau du maire de Chamalières. J’ai respecté ma promesse. Je n’ai jamais utilisé cette conversation. Elle était d’ailleurs assez anodine. Le bougre était prudent et ne voulait surtout pas évoquer le plus gros échec de sa carrière. Mais je me souviens avoir été frappé par la vivacité et l’intelligence du personnage. Sans doute l’un des esprits les plus véloces intellectuellement que j’aie jamais rencontrés (avec Daniel Cohn-Bendit, mais ceci est une autre histoire).
Voilà ce qui revient à ma mémoire, 30 ans après ce 10 mai 1981. Je me souviens du choc qu’a provoqué l’arrivée de la gauche aux affaires. Choc mondial. En octobre 1984, j’ai participé à une émission de radio nationale aux Etats-Unis («coast to coast», comme on dit là-bas), sur le réseau de la chaine ABC, en direct de Los Angeles. Toutes les questions des auditeurs portaient sur les communistes (qui venaient de quitter le gouvernement français). Mais l’effroi n’était pas dissipé. Ironie de cette émission sur ABC : le dernier invité français avant moi dans ce studio de Los Angeles s’appelait Jacques Chirac, excusez du peu !
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