Bon, ça y est. Après quelques roulements de tambours annonciateurs, «Le Monde» nous a pondu la nouvelle version de son numéro de fin de semaine (en vente le vendredi à Paris et dans certaines autres grandes villes et le samedi ailleurs). L’ensemble devient «Le Monde Week-end».
Ces derniers temps, «Le Monde» dans son numéro du vendredi proposait le quotidien (une vingtaine de pages) et un magazine assez mince («Le Monde 2» devenu ensuite «Le Monde magazine»). Maintenant le magazine s’appelle : «M, le magazine du Monde». Je vais y revenir.
A présent, le vendredi, l’offre du «Monde week-end» se décompose ainsi :
- le quotidien (24 pages aujourd’hui)
- un cahier de 8 pages : science et techno
- un autre cahier de 8 pages : sport et forme
- un troisième cahier de 8 pages encore : culture et idées
- et le magazine «M» : 132 pages en couleurs sur du beau papier.
Le tout pour la somme de 3,20 €. Jusqu’à la semaine dernière, le quotidien du vendredi et le magazine étaient vendus 2,60€. 60 centimes d’augmentation pour 24 pages supplémentaires (les trois cahiers spécialisés) et un magazine un peu moins famélique. Admettons.
Examinons maintenant le magazine «M». Sur les 132 pages, j’ai compté 45 pages de publicité. Ce qui nous laisse 87 pages d’espace rédactionnel. Enfin...‘rédactionnel’, les frontières sont ténues. Comment qualifier les 8 pages du «portfolio photographique» à la gloire de la marque de luxe Gucci ? Gucci qui a, par ailleurs, aimablement acheté une page de pub (la page 12, page de gauche, moins chère qu’un page de droite – ils sont un peu radins, ces Italiens...)
La présence de la pub ne me choque pas, bien au contraire. La presse écrite se meurt à cause, notamment, de l’érosion galopante des recettes publicitaires. C’est bien que «Le Monde» ait trouvé des annonceurs pour son magazine relooké.
De très beaux annonceurs, luxueux et haut de gamme. Je vous cite quelques marques : Vuitton, Rolex, Ralph Lauren, Van Cleef & Arpels, Tiffany & Co, BMW, Bulgari, Valentino, Alfa Romeo, Volvo, Chanel. Du beau linge, de belles carrosseries, des montres et des bijoux étincelants. Si ces annonceurs continuent d’être au rendez-vous pour les prochains numéros, il ne va pas être facile pour les journalistes de «M, le magazine du Monde» de glisser, entre ces réclames clinquantes, une enquête dénonçant le bling-bling, la vie insolente des riches et les dérives du capitalisme financier.
Enfin, comme dirait DSK : «on verra...»
La couverture de «M» cette semaine est consacrée justement à un patron du CAC 40 : Arnaud Lagardère, homme d’affaires multicartes, héritier récalcitrant de l’empire de son père et patron d’un groupe médiatique (Lagardère Active) qui est associé au journal «Le Monde». Lagardère Active est toujours actionnaire du site Internet du journal «Le Monde». C’est sans doute pourquoi le portrait réalisé par Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin (deux excellentes journalistes) est bien écrit, mais globalement bienveillant. Les publicités pour les marques de luxe se marient très bien avec le ton assez complice de l'article que l'on peut résumer par cette formule : "un héritier accablé par sa fortune et le nom qu'il porte". Il y aurait tant d’autres choses à dire sur Arnaud Lagardère...
Bon, je ne vais pas être inutilement sévère. «Le Monde» demeure l’un des rares journaux encore lisibles en France. Et dans le numéro d’aujourd’hui, il y a plusieurs articles très intéressants qui justifient les 3,20€ du prix de vente.
Permettez-moi néanmoins de faire un petit comparatif. L’édition dominicale du "New York Times" coûte 4 dollars en kiosque (2,86€ au cours d’ajourd’hui). Elle est très volumineuse et comporte une dizaine de cahiers épais et consistants et un excellent magazine. A la louche, je dirai qu’il y a dans un "New York Times" du dimanche quatre à cinq fois plus de matière journalistique (je ne compte pas la pub) que dans "Le Monde week-end". Pour 30 centimes d’euro de moins.
OK la pub fait vivre les journaux, mais il y a aussi d'excellentes revues qui s'en passent très bien, et dont la qualité n'a pas à en souffrir (je pense par exemple au magazine Le Tigre, 100% sans pub).
RépondreSupprimerLà, on frise l'indigestion. Une augmentation subtile du quota, pourquoi pas, mais alors pourquoi en rajouter autant et EN PLUS passer à 3€20 alors que la pub couvre déjà largement tous les frais supplémentaires de la nouvelle formule ? Non, quelques très bons articles ne justifient pas cette double violence (pour les yeux, pour le porte-monnaie). Pour ma part, je ne l'achèterai plus.