jeudi 27 janvier 2011

Avant qu'il ne soit trop tard : "Le Président" Georges Frêche


Pour nous changer un peu de la Tunisie (sur laquelle j’ai beaucoup écrit ces derniers temps), faisons un petit détour par le Languedoc-Roussillon.

Mieux vaut tard que jamais. Je vais vous parler du documentaire «Le Président», film d’Yves Jeuland, sorti le 15 décembre dernier, le portrait fascinant d’un personnage hors normes : Georges Frêche (mort le 24 octobre 2010 à l’âge de 72 ans).

Au passage, un mot sur la distribution cinématographique en France. Pour voir fin janvier un film sorti à la mi-décembre, il faut que le spectateur fasse beaucoup d’efforts. C’est le principe de la distribution Kleenex : on jette aussitôt après usage. Dany Boon envahit les salles et s’y installe pour des mois. Mais les autres films sont poussés dans les oubliettes. Pourtant «Le Président» avait été salué par la critique et avait bénéficié d’une très bonne couverture médiatique.

Moins d’un mois et demi après son apparition sur les écrans, le film de Jeuland est devenu très difficile à voir. Il n’est plus projeté que de manière sporadique dans trois salles à Paris. Les provinciaux sont encore moins bien lotis.

C’est mon ami FD qui m’a interpellé la semaine dernière : ‘Comment ? Tu ne l’as pas vu ? Il faut absolument que tu ailles voir «Le Président» !’ Et FD d’ajouter : ‘Ce film devrait être projeté à tous les étudiants en sciences politiques et en journalisme.’

Répondant à cette injonction pressante, j’ai donc vu «Le Président». Je ne vais pas revenir en détail sur tout ce qui a déjà été écrit sur le film.

Quelques remarques cependant :

  • Yves Jeuland nous montre Georges Frêche comme on ne l’avait jamais vu : roublard, truculent, truqueur, sincère, joyeux, épuisé. Un animal politique. On peut porter tous les jugements que l’on veut sur ce vieux bonhomme, mais il faut mettre à son crédit d’avoir accepté d’être filmé sans restriction pendant 6 mois. A l’heure des communicants castrateurs qui surprotègent les politiques, c’est une bouffée d’oxygène.
  • Le film nous fait découvrir les coulisses d’une campagne (celle des régionales en Languedoc-Roussillon) comme jamais elles n'avaient été révélées, sauf peut-être avec Raymond Depardon (pour VGE en 1974) ou avec Jeuland lui-même (les municipales parisiennes de 2001).
  • «Le Président» offre aussi un éclairage passionnant sur le fonctionnement des médias. Quand Jean-Pierre Elkabbach est en déplacement à Montpellier pour interviewer Frêche sur Europe 1, on assiste à l’entretien préalable. On voit aussi Frêche faire avec gourmandise une tournée des médias nationaux dans la capitale. C’est irrésistible de drôlerie.
  • Le travail de Jeuland est fait de sobriété, de précision et de justesse. Pas un mot de commentaire, aucune interview de Frêche ou de ses collaborateurs. Il n’y a que des scènes spontanées, filmées discrètement. Il est évident que Jeuland a réussi à faire oublier sa petite caméra numérique pour filmer ce qu’il voulait. J’imagine qu’il a accumulé des centaines d’heures de tournage. Son grand talent est d’avoir organisé de manière cohérente cette matière première abondante. Le découpage et le montage du film sont remarquables.

N’attendez pas le DVD ! Allez voir ce film avant qu’il ne disparaisse totalement des écrans. Vous ne le regretterez pas.

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Infos pratiques : Pour voir "La Président", il y a par exemple une séance ce soir à Rodez, une autre à Albertville et trois séances dans la journée toute la semaine à Montpellier. A Montpellier, c’est la moindre des choses.

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