"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')
mercredi 23 avril 2008
Les Parisiens sous l'Occupation....
J'ai finalement vu aujourd'hui cette fameuse exposition à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (dans le 4ème arrondissement), exposition présentée comme sulfureuse car elle montre des photographies prises pendant l'occupation dans la capitale par un photographe français qui collaborait à un magazine de propagande allemande.
Il s'appelait André Zucca.
Avant 1940, il avait été l’un des photographes de presse les plus actifs de l'époque. Correspondant de guerre pour 'France Soir' et pour 'Paris Match' en septembre 1939, il est « réquisitionné » en 1941 pour travailer pour le magazine de propagande nazie 'Signal', bimensuel fondé en avril 1940, diffusé dans chaque pays occupé.
Aucune des photos couleurs présentées aujourd'hui dans l'expo parisienne n’a été publiée dans 'Signal' : la couleur était réservée dans ce magazine aux photos de guerre.
L'exposition contient 250 photos de Zucca qui révèlent un Paris rayonnant et tranquille sous l'occupation nazie. Les femmes sont souriantes, élégantes et détendues. Les hommes sont dignes et détachés.
Il fait toujours beau dans les photos de Zucca. Il y a une explication technique.
Les Allemands lui fournissaient une pellicule couleur de très faible sensibilité, autour de 16 ASA. Ce qui signifie que Zucca ne pouvait travailler qu'avec beaucoup de lumière, donc souvent en plein soleil, malgré les grandes qualités de son appareil Leica 24X36 et un objectif de focale 50 offrant une ouverture exceptionnelle.
Zucca se révèle être un excellent photographe. Les clichés qu'il saisit sur les bords de la Seine sont d'une grande beauté classique. Rien à voir avec la guerre ni avec les Allemands. Zucca fait de belles photos hors du temps.
Et il nous montre aussi les Parisiens et les Parisiennes vaquant à leurs occupations quotidiennes parmi les uniformes de l'occupant, passant sans sourciller devant les affiches de propagande ou le long des devantures de cinémas projetant les films français soumis à la censure nazie.
Dans les photos de Zucca, on ne remarque que très peu d'étoiles jaunes cousues sur les vêtements des passants juifs (j'en ai seulement compté deux : l'une rue de Rivoli et l'autre rue des Rosiers). Pas la moindre trace non plus de Résistance. Il faut dire que la Résistance à Paris dans ces années-là était encore dans les limbes.
Ce que Zucca nous donne à voir est donc un Paris docile et insouciant. Les terrasses de café sont animées. L'ordre règne sans haine ni violence apparente. Le bon peuple de Paris semble à peine avoir constaté un léger changement dans la circulation des uniformes.
C'est cette réalité brutalement tranquille que l'objectif de Zucca affiche en pleine lumière avec ses photos bien léchées, bien cadrées. Il nous montre Paris tel qu'il a fonctionné, malgré tout, pendant quatre ans.
La polémique stérile autour de cette exposition n'a aucun fondement. Un photographe "collabo" ? Pas si simple. Ce que les clichés magnifiques de Zucca nous permettent de découvrir, c'est le Paris du début des années 40, sous l'occupation allemande. Nous voyons cette ville en couleurs, ce qui est totalement inédit.
Nous connaissons désormais le contexte. Zucca n'est pas un investigateur. C'est juste un observateur. Ce qu'il me montre, je ne l'avais jamais vu. J'ai appris quelque chose. C'est ça qui compte.
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3 commentaires:
merci de cet éclairage , j'y cours !
Je lis très souvent, je commente peu
Les français sous l'occupation à Paris, c'est une grande fête : par exemple le 27 mai 44 : première de Huit clos de Sartre ou le tout-paris se presse, Jünger un verre de bourgogne à la main, où trempent des fraises monte sur le toit du Raphaël pour ne rien perdre du ballet des avions alliés qui pendant ce temps là bombardent Boulogne-Billancourt.
A mon grand regret je ne pourais pas voir l'expo Zucca.
Je suis en train de vider la maison de mes parents qui ont vécu, chacun à leur place singulière, cette époque 40/44.
Dans leurs vieux papiers et sur leurs photos quand ils avaient entre 20 et 30 ans, je perçois des histoires si dissemblables (lieu, âge, divertissements ) et en même temps si proches ( guerre, privations, mort ) que je me demande comment leur histoire, et la mienne, aurait pu être sans le soleil, la fête et la couleur
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