"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

lundi 29 août 2011

De retour de La Réunion (photos)

Quelques images de l'île de La Réunion.
(vous pouvez les agrandir en cliquant une ou deux fois sur chacune)

vendredi 12 août 2011

jeudi 4 août 2011

Plus dure sera la chute : Moubarak, Saddam Hussein, Hitler, Ceausescu, Louis XVI, Napoléon.


Préambule -  La note qui suit a été mal comprise par plusieurs lecteurs qui ont laissé des commentaires plus ou moins indignés ici ou là. Dans ce petit texte, je ne place évidemment pas sur le même plan les personnages historiques ou contemporains évoqués. Aucun rapport entre Hitler et Louis XVI ou entre Moubarak et Ceausescu. Ce n’est pas leur parcours personnel que je veux mettre en lumière. Ce que je veux souligner, c’est le basculement qui s’opère pour un puissant quand soudain il perd tout. Les circonstances sont à chaque fois différentes. Elles aboutissent, pour certains hommes qui ont eu tous les pouvoirs, à n’en avoir plus aucun. C’est cela que je veux montrer. Rien de plus. ANYHOW.

Le monde arabe reste saisi par les images venues hier du Caire : Hosni Moubarak malade, allongé sur une civière, enfermé dans une cage avec les co-accusés d’un grand procès politique. Cette mise en scène est destinée à frapper les esprits. Effet réussi. Le Raïs tout-puissant qui a dirigé l’Egypte pendant 30 ans n’est plus qu’un vieillard diminué. Son sort est entre les mains de juges qu’il a d’ailleurs –ironie suprême- contribué à faire nommer.

Au delà des reproches qu’on peut faire aux puissants déchus et sans oublier les crimes, exactions, corruptions qu’on peut leur imputer, je reste fasciné par ces destins fortement contrastés. Ces éminences voient leur parcours non seulement renversés mais, plus exactement, inversés.

Parfois les tyrans et les potentats meurent paisiblement dans leur lit. Joseph Staline est encore le maître de l’URSS quand il s’éteint à Moscou en 1953. Personne n’est venu lui demander des comptes sur les 15 millions de morts de son tragique palmarès. En Espagne, Francisco Franco avant de sombrer dans le coma avait exercé le pouvoir jusqu’à son dernier souffle, signant sur son lit de grabataire des ordres d’exécution pour des membres de l’ETA.

Il y a ceux qui s’accrochent jusqu’au bout et ceux qui sont chassés, par les guerres ou les révolutions, ceux qui passent de tout à rien.

Louis XVI n’était certes pas le plus brillants des rois de France. Mais il était le représentant d’une lignée vieille de plusieurs siècles. Il s’est fait pousser hors du trône (progressivement, il est vrai) pour se retrouver le 21 janvier 1793, vers 10 heures du matin, au pied de la guillotine érigée Place de la Concorde... Que s’est-il passé dans la tête de celui qui n’était plus que Louis Capet, avant que cette tête ne tombe dans le panier d’osier prévu à cet effet ?

Et que dire de Napoléon, l’Empereur guerrier et conquérant, contraint d’arpenter les promontoires désolés de Sainte-Hélène pendant six longues années, ruminant sa gloire évanouie, sous le surveillance de ses pires ennemis, les Anglais, avant de succomber dans une maison humide et étroite à l’âge de 51 ans...

Même dans le destin d’Adolf Hitler, il y a cette dimension proprement romanesque : du pouvoir absolu sur une bonne partie de l’Europe jusqu’à une fin minable et pathétique, bien illustrée dans le film «Der Untergang» («La Chute»). Il faut imaginer le Führer cloitré en sous-sol, en compagnie du dernier carré de ses fidèles, dans un Berlin en flamme, cerné par les troupes soviétiques. Dans les décombres du Reich, Hitler, jusqu’aux derniers jours, a entretenu la fiction de sa puissance, passant en revue une escouade d’enfants-soldats qui allaient mourir pour lui ou donnant des ordres à une armée qui n’existait plus.

Plus près de nous, c’est avec indignation et stupéfaction que Nicolae et Helena Ceausescu ont  accueilli le procès expéditif de 55 minutes qui les condamna à mort le jour de Noël, en 1989. Le «Génie des Carpates» et son épouse, naguère redoutés et courtisés, furent passés par les armes dans une arrière-cour sans décorum. Le tyran et sa compagne détestée finirent médiocrement, abattus comme des lapins.

Saddam Hussein échoua dans un trou plus petit que celui d’Hitler : deux mètres carrés. Tout est en proportion sans soute dans la déchéance. Le dictateur irakien aux abois s’y calfeutrait avec un revolver, deux kalachnikovs et 750.000 dollars en liquide. Les soldats américains l’en sortirent. Il était hagard, barbu, hirsute, méconnaissable. Jugé, il fut exécuté.

Dans les minutes qui ont précédé sa mort, Nicolae Ceausescu a peut-être passé en revue les instants de son passé doré. Il a pu, par exemple, revoir les images de la visite en Roumanie du général de Gaulle, en mai 1968, en plein soulèvement du Quartier Latin. Le vieux général français qui, l’année suivante, ayant perdu lui aussi le pouvoir, se promenait avec son épouse Yvonne dans les landes venteuses de l’Irlande.

Saddam Hussein, avant d’être pendu, s’est probablement remémoré les épisodes glorieux de sa vie, lorsqu’il était reçu en grandes pompes dans les capitales occidentales, et notamment à Paris par Jacques Chirac.

Hosni Moubarak, prostré hier sur sa civière dans le tribunal du Caire, a pu se souvenir de sa participation au «Sommet de la Méditerranée», convoqué à Paris par le président Sarkozy au printemps 2008. C’était il y a trois ans seulement. Comme le temps passe vite... 

A ce sommet, était également présent le président tunisien Ben Ali. Tiens d’ailleurs, que devient-il ?

mardi 2 août 2011

Un livre ardent : "The end of the world as we know it" de Robert Goolrick

Parmi les nombreux livres lus récemment, je ne retiens qu’un seul : «The end of the world as we know it» de Robert Goolrick, paru aux Etats-Unis en 2007 et traduit en français sous le titre un peu pauvret de «Féroces» (Editions Anne Carrière – 2010).


C’est le premier livre de cet auteur américain dont le deuxième ouvrage avait été publié préalablement en français : «Une femme simple et honnête» (même éditeur – 2009).

«The end of the world as we know it» (littéralement : «La fin du monde tel que nous le connaissons») est un roman, largement autobiographique, d’une densité implacable.

C’est l’histoire d’une enfance faussement heureuse dans une famille déglinguée de la bourgeoisie d’une petite ville de Virginie dans les années 50. La Virginie, c’est un état du Sud, c’est même l’épicentre historique du sudisme américain. On y trouve la langueur des jours qui passent, une mélancolie fortement imbibée d’alcool et, comme chez Faulkner, une violence des sentiments intimes.

La famille du narrateur est désargentée mais vit sur un grand pied, multipliant les réceptions mondaines qui sont prétextes à des soûleries collectives. Les trois enfants (tous brillants) se débrouillent comme ils peuvent pour grandir au milieu de ces adultes indifférents, paumés, ratés.

Dans cette famille et dans ses fréquentations, les apparences priment : on s’habille, on babille, on s’émoustille. Les secrets sont lourds et sévèrement conservés au sein de la famille. «Un misérable petit tas de secrets», comme disait Malraux. Une citation souvent attribuée à tort à Mauriac et qui lui convient tout autant.

C’est un secret familial de ce genre qui est la blessure profonde du narrateur. Une blessure de la petite enfance que je ne révélerai pas ici car c’est la clé du livre. L’auteur nous y conduit progressivement puis nous jette en pleine figure, au troisième tiers de son récit, le moment cruel qui éclaire l’histoire. Ou plutôt qui l’obscurcit encore davantage.

C’est un livre déchirant, mordant, douloureux. La peinture de ce milieu médiocrement décadent (nous sommes loin de «Gatsby» !) est «féroce», pour reprendre l’adjectif du titre choisi pour la traduction française. Le narrateur ne nous épargne aucun travers, aucun vice de ses proches. Il ne se ménage pas non plus en nous racontant en détail, arrivé à l’âge adulte, ses tentatives de suicide. L’amour est rare et, s’il survient, il est fugace et déçu.

L’ensemble pourrait être déprimant s’il n’était servi par une écriture incisive et décapante (très bien rendue par la traduction française). Goolrick observe ses proches avec un regard d’entomologiste obsessionnel. Toute la première moitié du roman est une plongée froide dans un univers d’apparences et de mensonges élégants qui permettent de sauver la face. Un humour décalé fait passer la pilule, souvent aigre. Seul le personnage de la mère est dépeint avec une tendresse distante.

Au bout du compte, nous rejoingnons l’anathème d’André Gide dans «Les nourritures terrestres» : «Familles, je vous hais ! Foyers clos, portes refermées, possessions jalouses du bonheur.» Dans le cas de Goolrick, il s’agirait plutôt de la possession jalouse du malheur ou, du moins, d’un pesant mal de vivre.

Ce livre laisse un goût puissamment amer et désenchanté. Mais c’est un vrai livre parfaitement maîtrisé et cohérent. Pas idéal pour lire sur la plage. Si c’est une lecture facile que vous recherchez, vous pouvez opter pour Guillaume Musso ou Marc Lévy. C’est beaucoup moins dérangeant.