"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

mardi 31 août 2010

Rentrée des classes, version "Le Monde"



"Rentrée des classes chic et rétro" titre le journal "Le Monde".
Blouses, robes en tricot, jacquards. la mode enfantine a un parfum de cours d'école des années 60, poursuit le quotidien de référence.



Les prix affichés ont néanmoins été sérieusement revus à la hausse par rapport aux années 60, si l'on en juge par ce ravissant ensemble "Baby Dior" qui va chercher dans les 580€. J'aime beaucoup la chemise à 100€ ! Et aussi la veste de smoking pour aller à l'école ! Donc, total : 580€ sans les chaussures.


Et on imagine que le gamin n'ira pas pieds nus du loft avec vue sur Seine de papa-maman jusqu'à l'école alsacienne où il est sans doute inscrit.

dimanche 22 août 2010

Sur n'est pas sûr, c'est certain.


Dans cette période de laisser-aller proche de la décadence, il devient urgent d’organiser une répression drastique, au besoin par le biais d’une déchéance de la nationalité française, contre toute personne utilisant sans vergogne la préposition «sur» devant un nom de lieu, en particulier devant le nom d’une ville.

Voici quelques exemples fautifs qui ne susciteront désormais plus aucune indulgence de la part des autorités politiques et linguistiques :

« J’habite sur Paris »

« Quand reviens-tu sur Lyon ? »

« Ma sœur va s’installer sur Bordeaux »


  • On habite à Paris ou bien près de Paris (banlieue) ou dans Paris (intra muros).
  • On ne revient pas sur Lyon, on revient à Lyon.
  • Quant à la sœur, elle doit disposer d’une envergure exceptionnelle pour s’installer sur Bordeaux, assise sur la ville en l’écrasant de son postérieur. Elle aura moins de difficulté en s’installant tout simplement à Bordeaux. Et ce sera plus confortable.

Qu’on se le dise.

samedi 21 août 2010

Kévin, si tu es gay, c'est pas gagné !


Les homosexuels gagnent 6,5% de moins par rapport à leurs collègues hétérosexuels, selon une étude de deux économistes publiée par Libération. Le fossé se creuse avec les diplômes et l'âge des salariés.

Cet écart a été constaté dans des entreprises de même taille. «Après avoir écarté tous les biais qui auraient pu fausser les résultats, nous arrivons à un écart de rémunération que l'on dit inexpliqué», explique Thierry Laurent, co-auteur de l'étude avec Fehrat Mihoubi.

Seuls les hommes sont concernés par cette discrimination. Les lesbiennes ne subissent apparemment aucune perte de salaire «inexpliquée».

Cette discrimination ne touche pas tous les gays avec la même force. Les moins diplômés et les pls jeunes sont les moins discriminés, alors que l'écart va grandissant avec les diplômes et l'expérience. En proportion de la «visibilité» de l'employé au sein de l'entreprise, analysent les deux économistes. Les jeunes fonctionnaires sont les plus à l'abri, étant peu «visibles» car recrutés sur concours.

Les résultats de l'étude se rapprochent des écarts de salaires observés à l'étranger, mais il faut y ajouter la «prime de mariage» observée en France. Un homme marié gagnera en effet en moyenne 4% de plus qu'un célibataire. Les homosexuels ne pouvant avoir accès au mariage, ils sont doublement pénalisés. Aux États-Unis, selon une étude parue en octobre 2007 et basé sur l'étude de 91.000 cas, un salarié gay gagne en moyenne 23% de moins qu'un homologue hétérosexuel et marié.

Pour compliquer les choses, le quotidien Le Parisien publie parallèlement une enquête sur les prénoms anglo-saxons donnés, dans les milieux populaires, aux enfants nés dans les années 80-90. Il s’agit de ces Kévin, Dylan, Brandon, Shirley, Sandy... Ces prénoms étaient inspirés par les personnages des feuilletons américains de l’époque : Dynastie, Santa Barbara, Beverly Hills 90210, etc. En 1991, Kévin est le prénom masculin le plus donné en France.

Les spécialistes notent qu’à l’école, un élève prénommé Kévin aura toujours une moins bonne note qu’un autre élève prénommé Arthur ou François. A l’embauche, ces prénoms ploucs, très connotés, sont un vrai fardeau sur un CV.

Maintenant imaginons le pire : un jeune homme qui se prénomme Kévin et qui, par ailleurs, est homosexuel... Pas facile.

Good luck, Kévin !

vendredi 20 août 2010

Le sketch de Brégançon


La cigale sécuritaire ayant chanté tout l’été se trouva fort dépourvue quand la bise économique fut venue.

Déployer des escouades policières dans les quartiers chauds de Grenoble et d’ailleurs, expulser des Roms à tire-larigot au cours de l’été, toute cette agitation n’a eu aucun effet sur les indicateurs économiques et sociaux. Ils sont presque tous dans le rouge.

Délaissant momentanément ses cuissardes de cycliste amateur, le président de la République a convoqué ce vendredi le premier ministre et trois autres membres du gouvernement pour une réunion consacrée à la situation économique du pays.

La réunion, hautement médiatisée, a pour cadre le fort de Brégançon, résidence officielle de la présidence de la République, à un jet d’hélicoptère du Cap Nègre où l’actuel chef de l’Etat squatte comme chaque année la propriété estivale de sa belle-famille italienne.

Il y aurait d’ailleurs, à propos du fort de Brégançon, quelques économies à réaliser. Le général De Gaulle détestait l’endroit (il n’y a passé qu’une seule nuit). François Mitterrand n’aimait pas davantage ce lieu. Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing en ont été les plus gros utilisateurs mais Nicolas Sarkozy, depuis le divorce d’avec Cécilia, n’y a pas mis les pieds avant ces quelques heures de réunion protocolaire d’aujourd’hui.

On aimerait connaître la facture d’entretien de cette vaste résidence balnéaire désertée (piscine, plage privée, héliport, etc.) dont la sécurité est assurée, 365 jours par an, par deux pelotons de gendarmerie et deux équipes de la garde républicaine. Brégançon, quartier sensible ?

Mais ce n’est pas le sujet du jour. L’objectif, c’est d’affirmer devant l’opinion et surtout devant les agences de notation financière que le gouvernement de la France est conscient de la fragilité des équilibres du pays et qu’il entend y remédier. Fort bien. Car il y a du pain sur la planche : déficits publics gigantesques, chômage aggravé, compétitivité maladive, croissance anémique. Christine Lagarde plastronne avec une croissance à 0,6% ! Angela Merkel se marre en silence.

C’est dans ce climat économique délabré que Nicolas Sarkozy veut lancer sa réforme des retraites, réforme mal expliquée et mal comprise par l’opinion. Les syndicats et la gauche jouent sur du velours : voici un terrain propice à une vaste mobilisation déjà enclenchée.

Cette réforme, urgente et nécessaire, reste confiée à Eric Woerth, ministre épuisé par un printemps et un été de controverses, animal politique sanguinolent qui parcourt encore l’arène à pas lents, le corps bardé de douloureuses banderilles.

Si cette réforme des retraites est, comme le dit l’Elysée « la plus importante de la fin du quinquennat », pourquoi s’obstiner à la faire exécuter par un homme à ce point décrédibilisé ? Dans n’importe quel pays moderne et responsable, un ministre enfoncé dans les sables mouvants d’un scandale politico-financier de cette envergure aurait été chassé ou aurait démissionné depuis longtemps.

On remarquera que le sieur Woerth, porteur de cette réforme décisive aux conséquences sociales et économiques majeures, n’a pas été convié pour figurer dans le sketch médiatique de Brégançon. Début de disgrâce ? Ne jamais oublier les leçons de l’Union Soviétique : quand tu es effacé de la photo, c’est que tu es déjà mort.

Voilà donc comment se présente l’automne pour le pouvoir en place. Pas glorieux, très incertain.

La corde sécuritaire n’est pas inusable. Elle va finir par céder.

On verra alors au grand jour les fissures béantes, les crevasses insondables dans la gestion de la République. 2012, c’est si proche. Ça sent le naufrage. Pas sûr que des casques de CRS tous les soirs au 20 h de TF1 suffisent à colmater les brèches.

mercredi 18 août 2010

La rentrée


Vous étiez sorti, vous ? Non ? Alors tant pis, il va falloir rentrer quand même ! C’est la rentrée.

C’est un truc typiquement français : LA RENTRÉE ! Ça n’existe dans aucun autre pays au monde. Il faut dire tout simplement qu’aucun autre pays au monde ne tombe en catalepsie comme le nôtre entre le 14 juillet et le 15 août.

Les congés payés (merci Léon Blum), les 35 heures (merci Martine Aubry) font que la France en été est comme suspendue dans un vide intersidéral.

Tout le monde s’éclipse en même temps, ce qui provoque les inénarrables bouchons, autre spécificité purement franchouillarde. Il n’y a pas de bouchons estivaux en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis ou au Japon. Encore une fois, c’est un syndrome français.

Mais le meilleur, c’est donc la rentrée. Les rentrées, devrais-je dire. Car chacun effectue la sienne en ordre dispersé. La rentrée de Martine Aubry, la rentrée de François Chérèque, la rentrée de Dominique de Villepin, la rentrée médiatique. Elle sera courte pour Laurence Ferrari qui va disparaître en octobre pour cause de parturition – mais elle fera une autre ‘rentrée’ après la naissance du chérubin.

Il y a évidemment la rentrée des classes et, plus tard, la rentrée universitaire. Il y a aussi la rentrée littéraire. On annonce 700 romans cet automne. Pourquoi ne pas les publier au début de l’été quand les gens ont du temps pour lire ? Même remarque pour la rentrée cinématographique. L’été, c’est le festival du navet alors que les spectateurs sont disponibles. Il faut attendre septembre pour voir des films un peu moins nuls.

Bref, tout ce petit monde rentre, rentre dans le rang. Ce qui est magnifique en France, c ‘est qu’on s’accorde très vite une seconde rentrée. C’est en janvier, après les fêtes. Tout le monde rentre encore.

La France est un pays qui adore rentrer. Comment en sortir ?

mardi 17 août 2010

France, pays vulgaire


De toutes les formes de violence, c’est la violence verbale qui est la plus insidieuse. On fait violence en parlant, on blesse avec des mots, on abaisse le niveau de la langue pour avilir. Au delà de l’injure et de l’invective, dans cette violence orale, je ressens la vulgarité qui se répand de manière vertigineuse dans nos rapports quotidiens.

La douce France, temple désormais galvaudé du bon goût, de la mode, des parfums, des poètes et des écrivains délicats est devenue un pays poissard.

Le point culminant de cette vulgarité a été atteint le 19 juin de cette année lorsque le quotidien sportif l’Equipe a titré à la une en caractères énormes : «Va te faire enculer, sale fils de pute». On se souvient qu’il s’agissait de propos prêtés au footballeur Anelka et adressés à l’entraineur national Domenech.

N’épiloguons pas sur la véracité contestée de la citation ni sur les conséquences que ces mots brutaux ont eu sur le parcours désastreux des Bleus en Coupe du Monde. Ce que je retiens avant tout , c’est que ce samedi matin 19 juin, à la devanture de tous les marchands de journaux de France, une expression d’une grossièreté inouïe s’est étalée aux regards de tous. Je le répète : c’est un acte de violence, une dérive dommageable.

Il est vrai que l’exemple vient d’en haut. Sur le même registre, le président de la République s’était illustré au Salon de l’Agriculture de février 2008 en lançant à un visiteur hostile à son égard : «Casse toi, pauv’con !». On remarquera, dans l’apostrophe présidentielle, l’usage du tutoiement, méprisant quand il s’adresse à un inconnu. Quand le chef de l’Etat s’exprime comme un charretier, que peut-on attendre du bon peuple ?

Le bon peuple est malheureusement exposé à la vulgarité quotidienne de la télévision. Et en matière de langage, ce sont les émissions de télé-réalité qui véhiculent la plus massive trivialité.

Le principe est simple : on enferme pendant plusieurs semaines un groupe de jeunes gens dans un huis clos cerné de caméras. Les micros accrochés sur chacun des participants captent les dialogues relâchés de cette belle jeunesse. Ces émissions ne fonctionnent que sur des stratégies de tension. Et la tension débouche sur une diarrhée verbale incontrôlable.

Jadis, dans la télé de mon enfance, on ne disait jamais «merde». Dans les émissions de télé-réalité d’aujourd’hui, on entend le mot de Cambronne à chaque minute, et ce n’est pas le plus corsé !

Les garçons et les filles qui s’exhibent devant les caméras de télé-réalité sont représentatifs d’une partie de la génération actuelle qui utilise la langue française comme une arme de combat. Les mots sont chargés d’agressivité.

Ce qui me frappe toujours quand je croise certains groupes de jeunes Français, c’est que la plupart du temps, ils ne parlent pas : ils crient. La surenchère sonore, à coup de décibels, s’allie à un vocabulaire pauvret et démonétisé à force d’excès.

Evidemment, on ne dit plus : «cela m’indiffère». On ne dit même plus : «cela ne m’intéresse pas». On dit : «je m’en bats les couilles». L’expression devient savoureuse quand elle est prononcée par une jeune fille qui ne mesure pas qu’elle ne pourra pas facilement mettre son projet à exécution.

Il y a aussi de la vulgarité et du mépris quand aucun mot n’est prononcé. Récemment, de retour d’un court voyage à l’étranger, j’achète des journaux à mon arrivée à Paris. Derrière la caisse, le vendeur saisit mes journaux, fait l’addition et ne dit rien. J’en suis réduit à consulter la somme sur le cadran de la machine. Je tends ma monnaie. C’est fini. Pas un «bonjour», pas un «merci», pas un «au revoir».

Ça aussi, c’est de la violence, une petite violence qui se résume à un manque de convivialité, à un échange marchand sans chaleur, sans une once d’humanité. A tout prendre, je préfère le sourire artificiellement commercial de la moindre vendeuse ou du moindre serveur aux Etats-Unis.

dimanche 15 août 2010

Un taxi pour Pondichéry....


Arrivée gare Montparnasse le 15 août, vers 21 heures. Longue attente pour un taxi. Un chauffeur très aimable, très souriant m’embarque enfin avec ma valise.

Il pleut des cordes. Il me dit : «on dirait la mousson». Je lui demande d’où il vient. Il me répond : «je suis Indien, de Pondichéry». C’est sûr que pour la mousson, c’est un spécialiste !

Je lui avoue que je suis surpris qu’un Indien de Pondichéry soit au volant d’un taxi parisien. Il m’indique que c’est effectivement très rare : «nous ne sommes que trois.»

Je le cuisine un peu. Il est arrivé en France il y a deux ans. Il a un peu travaillé dans le bâtiment. Il fait taxi depuis deux mois seulement. Son français est absolument magnifique, sans l’ombre d’un accent, avec un vocabulaire très riche et une syntaxe comme on n’en entend pratiquement plus dans la vie quotidienne. Il m’explique qu’il a étudié au lycée français de Pondichéry.

Il me confie que les Français, et spécialement les Parisiens, lui paraissent tristes et découragés. Je le lui confirme.

Il est électricien de formation et compte rentrer en Inde dans quelques années pour développer une affaire de panneaux solaires.

Il a épousé en France une Cambodgienne qui a mis au monde un petit garçon âgé maintenant de 14 mois. L’épouse est métis Khmère et Chinoise et parle à la fois mandarin et cambodgien.

Le père m’explique : « mon fils va parler français, anglais, chinois, cambodgien et tamoul (la langue du sud de l’Inde). »

Le destin des hommes... Le destin de ce petit garçon...

dimanche 8 août 2010

Time tunnel


C’est une idée saugrenue à laquelle mon esprit vagabonde depuis l’enfance. Je ne l’ai jamais explorée en profondeur. C’est le voyage dans le temps.

J’avais été frappé à la fin des années soixante par un feuilleton télévisé américain intitulé : « Time Tunnel » diffusé en France sous le titre : « Au cœur du temps ». L’histoire était simplette. Après avoir inventé un tunnel permettant de voyager dans le temps (le chronogyre), deux chercheurs, Tony Newman et Doug Phillips, en deviennent prisonniers. Dans l'impossibilité de regagner leur époque, ils sautent d'une période à l'autre, assistant à des évènements passés (le naufrage du Titanic, le siège de Troie, l'attaque de Pearl Harbor...) ou futurs, tandis que leurs collègues tentent de les faire revenir.

La série américaine n’a pas duré très longtemps, juste une trentaine d’épisodes et ils n’ont pas tous été diffusés à l’époque en France.

Le concept m’avait particulièrement intrigué car il impliquait une comparaison, parfois une confrontation, entre les périodes historiques.

On entend souvent les défenseurs de l’âge d’or affirmer de manière péremptoire que « c’était mieux avant ». Avant quoi ? Mieux, comment, pourquoi ?

Pour observer notre époque, notre début de millénaire globalisé, j’ai la tentation de ressusciter un personnage d’autrefois pour le plonger dans notre présent.

Il serait idiot et inutile d’aller chercher un pauvre paysan d’une province reculée. Le précipiter dans notre civilisation le rendrait fou. Je pense qu’il serait plus intéressant de faire venir jusqu’à nous un personnage puissant, cultivé, ayant voyagé et vivant dans le luxe. Rien de tel qu’un roi.

Prenons Louis XIV : longue expérience de la vie, un règne de plus de cinquante ans. Débarrassez-le de son accoutrement d’époque, revêtez-le d’un costume de bonne coupe et promenez-le sur les Champs-Elysées, à pied, pas en carrosse.

Ce qui étonnera aussitôt le Roi Soleil, c’est la densité de la foule. A son époque, la France ne comptait que 22 millions d’habitants (contre 60 aujourd’hui). Il y avait quatre fois moins de Parisiens. Il n’y avait aucun touriste étranger, à peine quelques voyageurs isolés venus de l’autre côté des frontières.

Louis XIV remarquera sans doute les enseignes lumineuses, l’éclairage électrique. Il verra des salles de cinéma et se demandera ce qui peut bien se passer à l’intérieur. Et il sera surtout abasourdi par le vacarme du trafic automobile. Il ne comprendra pas comment fonctionnent ces objets métalliques dotés de roues en caoutchouc, ces voitures qui avancent sans être tirées par un cheval.

Même s’il ne s’aventure pas dans la profondeur des banlieues, le Roi aura sans doute aussi du mal à comprendre notre façon de parler le français et nous de comprendre la sienne. Difficile d’évaluer l’écart linguistique car il n’existe aucune interview enregistrée de la voix de Louis XIV.

Ensuite on pourra donner l’occasion à Louis XIV de visiter un appartement cossu du 8ème arrondissement (inutile de lui infliger un taudis). Le trouvera-t-il plus confortable que le château de Versailles ? Sera-t-il intrigué par la chasse d’eau dans les toilettes, par le four à micro-ondes, le réfrigérateur, le téléphone, le téléviseur, l’ordinateur, la musique (de Lully par exemple) qui sort des haut-parleurs ?

Ce sont les questions oiseuses et peu naïves que je me pose parfois, car oui, vraiment, j’aimerais bien voir la tête de Louis XIV découvrant la France de 2010.

samedi 7 août 2010

De Louis XIV à Nicolas Sarkozy, des avancées substantielles pour les "Roms"


On a beaucoup critiqué les récentes déclarations martiales du président de la République et de son ministre de l'Intérieur à propos de "Roms". Autrement dit : romanichels, romanos, manouches, bohémiens, tziganes. Ou, comme le pense la majorité des Français : "voleurs de poules qui roulent dans des Mercedes toutes neuves sans jamais travailler".

Les associations de défense des droits de l'Homme, les leaders de la gauche, les bien-pensants de tous bords se sont offusqués.

Cette indignation mérite d'être éclairée à la lumière d'un utile rappel historique.

Le Roi Soleil, ci-devant Louis XIV, ne faisait pas dans la dentelle en ce qui concernait les "Bohémiens" (les ancêtres de nos "Roms") qui s'introduisaient sur le territoire de son royaume.

Dès 1666, par souci d'éviter le vagabondage transfrontalier, Louis XIV décréta que tous les Bohémiens de sexe masculin devaient être arrêtés et envoyés aux galères sans procès.

Par la suite, lors de l'ordonnance du 11 juillet 1682, il confirma sa sentence en ordonnant que tous les Bohémiens mâles fussent dans toutes les provinces du Royaume où ils vivaient, condamnés aux galères à perpétuité. Le Roi précisa aussi que leurs femmes fussent rasées et leurs enfants enfermés dans des hospices.

Une peine était en outre portée contre les nobles qui donnaient dans leurs châteaux un asile aux bohémiens. Leurs fiefs étaient frappés de confiscation.

C'est grâce à ce salutaire et édifiant rappel historique que l'on mesure mieux la mansuétude admirable dont fait preuve celui qui a succédé aujourd'hui au Roi Soleil.

Mozart, what else ?


Mozart, bien sûr, toujours.

Mesurons-nous la chance que nous avons, d’un seul clic sur un appareil électronique, de pouvoir convoquer la musique de Mozart, selon notre bon vouloir. Jadis, seuls les rois et les aristocrates fortunés avaient ce privilège. Mozart, maintenant, tout de suite. C’est possible.

Wolfgang, quand j’y pense, mort à 35 ans. Schubert, mort à 31 ans ! Des vies courtes et fécondes.

Mon premier accès à la culture vivante et universelle, je le dois à ma grand-mère maternelle Marguerite, une grand-mère avec une vraie bibliothèque, des tas de livres, du classique (Balzac, Hugo, Montaigne, etc.), des romans de son époque et puis des ouvrages plus exotiques comme un petit opuscule signé Gandhi qu’elle m’avait donné et que je conserve toujours précieusement.

Ma grand mère Marguerite possédait aussi une belle collection de disques. Il s’agissait de 78 tours. Pour écouter l’intégralité de la 9ème de Beethoven, il fallait manipuler (recto, verso) une demi-douzaine de galettes lourdes et fragiles.

Aujourd’hui, la 9ème de Beethoven, elle est sur mon Iphone parmi les 50 heures de musique que j’ai en mémoire et que je promène partout. Sur mon ordinateur, j’ai encore mieux, encore plus : 250 heures de musique. Et je pourrais, si je le voulais, en conserver plus du double.

Aujourd’hui, dix ans après le démarrage de ce millénaire incertain, nous avons à notre disposition, en quelques secondes, les références nécessaires à toutes les questions que nous nous posons à chaque instant, les plus triviales, les plus profondes. Quelle cuisson pour un œuf à la coque ? Une petite fiche sur Kierkegaard ? Quels sont les horaires du train vers Sospel ? Quelle est la filmographie de Stephen Frears ? Quelle est l’influence d’Homère sur Joyce ? Quel temps fera-t-il demain à Limoges ? Tout cela, nous pouvons le savoir immédiatement grâce à Internet.

Les esprits chagrins vous diront que tout ce qui sort d’Internet est louche, sujet à caution, pas forcément vérifié. Les esprits chagrins ne sont jamais allés compulser des grimoires dans des rayonnages poussiéreux et mal éclairés, souvent pour n’y rien trouver.

La bibliothèque d’Alexandrie est finalement reconstituée. Et elle est, pour qui sait s’en servir, immédiatement accessible.

Reconnaissons que, sur ce point au moins, notre époque n’est pas si mauvaise.

mercredi 4 août 2010

Bach "arrangé" à l'accordéon !

Sur Radio Classique, j’entends pérorer l’accordéoniste Richard Galliano. Mazette, ce monsieur se prend pour un Rostropovitch du piano à bretelles ! On n’entend plus que lui en ce moment...

Galliano dézingue d’un coup de griffe furtif le brave violoniste André Rieu. Rieu fait de la soupe mais ne pète pas plus haut que le trou de son cul.

Galliano, au contraire, plastronne et se pavane.

Il suffit malheureusement d’écouter quelques mesures de son dernier disque (chez Deutsche Grammophon, rien que ça !) pour être plongé dans une profonde consternation.

Richard Galliano ne se refuse rien : il s’est attaqué à Bach. Dans cette attaque surprise, Bach est victime d’un sauvage assassinat qu’aucun tribunal ne pourrait juger. En toute simplicité, Galliano a fait des «arrangements» de la musique de Bach pour son accordéon. C’est un supplice, un sommet de vulgarité.

Monsieur Galliano, je vous en supplie, n’arrangez pas Bach. C'est au dessus de vos forces, ça n'arrange rien, ça me dérange.

Et s’il était possible à l’avenir, sur Radio Classique, de ne plus entendre cet énergumène, ce serait bien. Au moins aux heures où j’écoute. Je vous les communiquerai. Merci d’avance.

mardi 3 août 2010

Les déchus du sarkozisme

Après les déçus, voici les déchus du sarkozisme.

Les mots ont un sens. Ils ont aussi des synonymes.

C’est Nicolas Sarkozy, soutenu par ses valeureux hallebardiers Hortefeux et Besson, qui vient de remettre au goût du jour le mot «déchéance».

Le chef de l’Etat veut déchoir de leur nationalité française les délinquants dangereux d’origine étrangère et naturalisés français.

Déchu, déchoir, déchéance.

Je vous propose quelques synonymes du mot «déchéance» : abaissement, affaiblissement, atrophie, avilissement, bassesse, chute, corruption, décadence, déclassement, déclin, décrépitude, dégénérescence, dégradation, délabrement, déliquescence, dépravation, déshonneur, destitution, destruction, détérioration, détrônement, disgrâce, éclipse, faute, flétrissure, forclusion, forfaiture, honte, ignominie, incapacité, inconduite, indignité, infamie, interdiction, misère, perte, rabaissement, rapetissement, ruine, sénescence, souillure, turpitude.

Est-il bien prudent de la part du président de la République de faire ressurgir le mot «déchéance » ? Ne nous incite-t-il pas, par association d’idée et de sens, à nous interroger sur sa manière de gouverner ? Qui a initié la déchéance ?

Souvenez-vous du 18 Juin dernier. Le président Sarkozy -accompagné de son épouse naturalisée (et menacée de déchéance en cas de crime sérieux)- se rend à Londres pour commémorer le 70ème anniversaire de l’appel lancé par le général De Gaulle à la BBC.

Ironie suprême, Nicolas Sarkozy venait rendre hommage à un homme qui fut déchu de sa nationalité française par Philippe Pétain.

Le décret, en date du 8 décembre 1940, figure page 6043 du Journal Officiel en date du 10 décembre 1940 : "Nous, Maréchal de France, chef de l’État français […] Décrétons : Art. 1- Est déchu de la nationalité française à dater du 2 août 1940 ; M. De Gaulle (Charles André Joseph Marie), né le 22 novembre 1890 à Lille (Nord)."

Fin 1940, cette déchéance de la nationalité française pour Charles De Gaulle était la conséquence de la loi du 23 juillet 1940 du régime de Vichy, qui prévoyait cette disposition principalement pour deux catégories de Français : les gaullistes et les juifs. Pour les premiers, la déchéance de la nationalité concernait ceux qui avaient quitté le territoire national entre le 20 mai et le 30 juin 1940.

Cette loi a été appliquée à l’encontre de 446 Français, premiers membres de la France libre, dont René Cassin, Georges Catroux, Paul Rivet et l’amiral Muselier. La situation des israélites naturalisés français après le 10 août 1927 était traitée par une commission qui avait le pouvoir de leur enlever leur nationalité.

La dénaturalisation des juifs français sera massive à partir des lois antijuives du 3 octobre 1940. Parmi ces dénaturalisés juifs, les archives gardent la trace des membres de la famille de Rotschild, du jeune Lucien Ginsburg (futur Serge Gainsbourg), de Marc Chagall ou de Mnacha Tenenbaum, le père de Jean Ferrat.

Dans cette offensive sécuritaire de l’été 2010, celui qui menace de déchéance n’est-il pas en train de déchoir lui-même ?

Quelques synonymes de «déchoir» : baisser, dégrader, dégringoler, descendre, diminuer, rétrograder.

-------------------------------------------
Les précisions historiques qui précèdent sur la période de Vichy sont extraites d’un article récent de Philippe Piot dans «L’Est Républicain»

Pessimisme versus optimisme

Deux lecteurs fidèles de ce blog m’ont mis récemment en garde, une nouvelle fois, contre mes accès (et mes excès) de pessimisme.

Puisque le blog «Anyhow» refleurit après une longue période de jachère, j’ai fait une petite recherche sur l’optimisme. Il s’agit de repartir du bon pied.

J’ai rassemblé pour vous un petit florilège de citations sur l’optimisme.

La meilleure est signée Jean Rostand dans son ‘Carnet d’un biologiste’ : «Je me sens très optimiste quant à l'avenir du pessimisme».

Mais cet aphorisme risque de me faire dangereusement retomber dans mes travers anciens.

Prenons donc de la hauteur avec le philosophe Alain, champion de la spécialité, dans ses ‘Propos pour le bonheur’ : «Le pessimisme est d'humeur ; l'optimisme est de volonté». Cher Alain, plus facile à dire qu’à faire !

L’optimisme se mesure souvent à l’aune du quotidien.

Voici trois illustrations :

« Un optimiste est quelqu'un qui commence à faire ses mots croisés au stylo à bille. » (Marie-Lyse Aston – c’est une Américaine connue surtout pour avoir produit des citations – c’est un métier !)

«Un optimiste, c'est un homme qui plante deux glands et qui s'achète un hamac.»(Maréchal de Lattre de Tassigny).

«Le comble de l'optimisme, c'est de rentrer dans un grand restaurant et compter sur la perle qu'on trouvera dans une huître pour payer la note.» (Tristan Bernard)

Faute pouvoir conclure moi-même, je laisse à Georges Bernanos le mot de la fin : «La seule différence entre un optimiste et un pessimiste, c'est que le premier est un imbécile heureux et que le second est un imbécile triste.»

Entre être triste et heureux, le choix s’impose aisément.

lundi 2 août 2010

Grise mine.

Dans le grand creux estival de l'information, le "marronnier" de saison, c'est le bilan des vacances. On fait un premier point sur la fréquentation des lieux touristiques pendant le mois de Juillet en anticipant sur le mois d'Août qui commence.

L'occasion est propice au cliché que j'ai entendu à nouveau ce matin sur un antenne de radio du service public :

"LES PROFESSIONNELS DU TOURISME FONT GRISE MINE".

C'est une formule qui me laisse perplexe. D'abord parce qu'elle est totalement surannée. Plus personne, dans la vie courante, ne dit de quelqu'un qu'il "fait grise mine". Ces mots fleurent bon le français médiéval (la position de l'adjectif avant le substantif est caractéristique).

Malgré la coloration furieusement 'vintage' de cette expression et à la suite d'une tradition qu'il est impossible de justifier, on rencontre encore des "grises mines" dans les médias du XXIème siècle. Et ces "grises mines" sont toujours des "professionnels du tourisme". Je n'ai jamais entendu dire qu'une autre profession faisait "grise mine". C'est une corporation désespérément chafouine. Le professionnel du tourisme n'a jamais "la mine réjouie". Il a toujours la "mine grise" ou plus exactement la "grise mine".

A l'occasion, nous nous pencherons sur une autre expression qui a survécu aux tournois des preux chevaliers pour atterrir dans le vocabulaire des commentateurs sportifs :

"ENTRER EN LICE".

Cette expression ne s'applique plus désormais qu'aux tournois de tennis. C'est un autre mystère.

dimanche 1 août 2010

Du sport pour de vrai.

18 médailles dont 8 en or.

La France black-blanc-beur est à nouveau triomphante (faites le compte des médailles, tout l’arc-en-ciel est présent). C’est le meilleur résultat de l’athlétisme français de tous les temps.

C’était aux championnats d’Europe à Barcelone qui viennent de s’achever. Un esprit d’équipe évident, pas d’arrogance, de la joie.

Vous voyez aisément que cette ambiance positive, on peut la comparer aussitôt à la morgue, à la prétention, à la vacuité des footballeurs français qui se sont couverts de honte en Afrique du Sud.

Parlons un instant de vrai sport : l’athlétisme et la natation (en dehors du dopage qui est maintenant quasiment éradiqué dans ces disciplines) sont des spécialités qui exigent une préparation intense et millimétrée. Le foot, par comparaison, c’est juste un jeu de ballon.

Un 100 mètres, un saut à la perche, un relais, tout cela nécessite tellement de travail obscur et harassant. Même chose pour les nageurs condamnés à contempler pendant des années le carrelage au fond de la piscine.

Les athlètes, les nageurs, vous ne les voyez pas faire les marioles dans le boites de nuit avec des putes parfois mineures.

La meilleure illustration de cette fraicheur sportive française, c’est ce Christophe Lemaitre, grand dadais savoyard, zozotant, maigrichon mais qui court comme un lièvre. Trois médailles d’or à Barcelone.

Et, en prime, il chante la Marseillaise sur le podium de bon cœur...

Déchéance

Voici donc la nouvelle arme fatale contre les affreux méchants d'origine étrangère : Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, Eric Ciotti (monsieur sécurité à l'UMP) menacent les délinquants naturalisés (autrement dit les délinquants qui ne sont pas de "souche") d'être déchus de la nationalité française en cas de crime grave.

La vraie question devient la suivante : en quoi finalement la nationalité française constitue-t-elle un avantage, un honneur ou un privilège ?