"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

samedi 28 avril 2012

La France, c'est le Quevilly du monde


Ah, Quevilly ! Au moment où j'écris ces lignes, la finale de la coupe de France de football se joue à Saint-Denis. Peu importe le résultat : Quevilly a déjà gagné. Ce club amateur a conquis le cœur des Français qui adorent les petits qui bravent les grands. Les mythes conjugués du Petit Poucet face à l'ogre et de David face à Goliath ont la vie dure.

La France, pourvue jadis d'un empire, roule toujours des mécaniques. Elle continue à le faire, contre l'évidence de son rétrécissement historique et économique. La France, c'est 1% de la population mondiale réparti sur 0,43% de la surface du globe. Un confetti, une principauté même si on a la bombe atomique et toujours un siège, largement usurpé, de membre permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU.

Une aventure sportive comme celle de Quevilly, ça rassure les Français. On est petit mais on existe. On est petit mais on est malin. Tous les Français se reconnaissent en Astérix, le gaulois irréductible retranché dans son village récalcitrant. Les Romains de la bande dessinée ont été remplacés par la mondialisation. Les Français sont les plus forts. Le protectionnisme et le rejet des étrangers vont sauver leur identité nationale.

Alors, on célèbre ces braves joueurs amateurs de Quevilly. La Normandie, ça sent bon les verts pâturages. Ils sont modestes et méritants, plus sympas que les professionnels trop payés de Lyon. On aime Quevilly parce que cette équipe est à l'échelle de nos ambitions. 

La France, c'est le Quevilly du monde.  

mardi 24 avril 2012

French politics for dummies (in english)


The french electoral system runs on a 5 year cycle. The president is elected directly by all the voters (minimum age : 18 yo). To be elected president, you need 50 % of the popular vote. This was not reached by any candidate last Sunday. In two weeks, on the second round, the two candidates who collected the most votes last Sunday (Hollande and Sarkozy) will compete. The winner will be the one who has the most votes (even under 50%).


  • The lower house of the Parliement is elected immediately after the president. The prime minister is coming from the dominant party in the lower house (not necessarly the same party as the president's – in that case, it is called "cohabitation").
  • Anybody can be candidate in the presidential race. You don't need the support of a real party, although it's easier. To take part in the race, you have to gather 500 signed endorsements from local elected officials (such as mayors : there are 36,000 mayors in France !). This is the reason why a lunatic like Jacques Cheminade managed to be candidate this year. His program included the project of an universal effort to implant human colonies on Mars. He got 0.2 % of voters last Sunday.
  • The system doesn't require primaries like in the US. Sarkozy was the only candidate of his party (UMP - conservative) this year and 5 years ago. But the Socialist Party (PS) has organized this time a certain form of primary, on the national level, to choose its candidate among 6 executives of the PS. All the french voters were able to cast their vote and François Hollande was designated.
  • Dominique Strauss Kahn would have been the obvious contender for the PS if he hadn't been caught his pants down in the 2806 suite of the Sofitel hotel in New York City.
  • If the president of the Republic dies, the president of the Senate (elected on a different basis) takes over for a period of about 2 months, after which a presidential election is called.
  • The president has the power to dismiss the lower house, only once during his 5 year term. In that case, parlementary elections are called. The president can change the prime minister (always coming from the dominant party) and the government as many times as he wants.
  • The president cannot be criminally charged during his term. The president can be a divorcee, a womanizer. He can have one or several mistresses. He can marry a botoxed ex-model turned singer. 
  • The president can be a woman, but that has never happened. He could be gay. But that has never been proven.

lundi 23 avril 2012

Premier tour : un goût amer


Le premier tour de cette élection présidentielle laisse un goût profondément amer. Les résultats ne sont satisfaisants pour personne. A peine 1 point et demi d'écart entre Hollande et Sarkozy et une Marine Le Pen qui réalise le meilleur score de tous les temps pour le Front National.

  • Les instituts de sondage se sont magistralement vautrés en sous-estimant le FN, en sur-estimant Mélenchon et en pronostiquant à tort une forte abstention. 
  • Le système de 500 signatures est une mauvaise farce qui à permis à un hurluberlu comme Cheminade d'envahir les médias pour finalement ne récolter que moins de 90.000 suffrages.
  • Les écolos ne sont pas en reste : malgré un sujet en or massif servi sur un plateau d'argent (Fukushima), Eva Joly a ramassé une monumentale gamelle.
  • Les règles du CSA constituent une autre bizarrerie moyenâgeuse qui empêche le débat direct entre les candidats représentatifs à l'approche du scrutin.
  • La commission de sondages a ajouté sa dose de ridicule en menaçant tous ceux qui laisseraient filtrer des estimations avant 20 heures. On avait tous les chiffres, sans difficulté, dès 18 h 30.
  • Les vrais sujets de fond n'ont été qu'effleurés : dette, chômage, compétitivité, désindustrialisation. N'espérez pas que cela s'arrange avant le second tour. Nicolas Sarkozy, aux abois, a déjà annoncé la couleur, celle d'une droitisation absurde et suicidaire.


Le 6 mai au soir, le pays sera en lambeaux, probablement dirigé par un socialiste timoré qui n'osera pas trancher dans le vif et imposer des décisions courageuses. Et, dans 5 ans, selon la bonne vieille tradition française, le retour de balancier bénéficiera à un quelconque Copé. 


Vive la France ! 

mercredi 18 avril 2012

Mon vote : rouge et blanc (pas de rosé)


Rouge et blanc. Tels seront mes votes pour le premier et le second tour de l'élection présidentielle.

Rouge au premier tour : ce sera donc Mélenchon. Son programme krypto-bolchévique est absurde de bout en bout. Mais je lui accorde mon suffrage en récompense d'une campagne populaire et ardente. Il a parlé au peuple avec respect et avec amour. Oui, l'amour en politique, c'est rare. Son constat est juste même si ses solutions sont suicidaires. Mélenchon a été "le grand perturbateur" de cette morne campagne, pour reprendre l'expression choisie par "Le Nouvel Observateur". Je voterai pour lui en espérant au passage, modestement, pousser dans ses retranchement un système électoral obsolète : les 500 signatures, les calculs d'apothicaire du CSA, les tartufferies sur les sondages et leur publication interdite (tu parles!) sur Internet. Un bon score de Mélenchon fera aussi réfléchir Hollande. 

Au second tour, je ne voterai pas, comme il y a 5 ans, pour Sarkozy. Il a raté son quinquennat, aveuglé par son arrogance et par sa pusillanimité. Le principal reproche que je lui fais est simple : il n'a pas eu le courage d'appliquer son programme de 2007.  (lire ici des explications plus développées)
Je ne peux pas voter non plus pour Hollande. On sait très bien ce que ça va donner. C'est le retour du PS réformiste petits bras. Je vois déjà ressurgir les fantômes de Fabius et d'Aubry. On n'y coupera pas mais je ne veux pas cautionner, même avec une simple petite voix, ce "revival" des morts-vivants de la sociale démocratie indécise.

Alors, au second tour, je voterai blanc. Je regrette, comme beaucoup, que ce choix ne soit pas comptabilisé. Je voterai quand même. Pour la beauté du geste. Hollande, élu sans moi, fera du replâtrage sur une maison en ruine. Le plus dur est à venir.  

mercredi 4 avril 2012

Un débat présidentiel tronqué




Péniblement, France 2 a réussi à mettre sur pied deux émissions où l'on entendra la semaine prochaine tous les candidats à l'élection présidentielle. Deux groupes de cinq : le premier avec François Hollande et le second, le lendemain, avec Nicolas Sarkozy. Pas de débat, seulement une succession de monologues, entrecoupés de questions de David Pujadas et de Fabien Namias. Quelques jours plus tard, Yves Calvi réunira un plateau de dix invités, mais Sarkozy et Hollande se sont débinés et seront représentés chacun par un second couteau.

Ces contorsions médiatiques sont misérables mais elles découlent des absurdités de l'organisation de ce scrutin. On comprend aisément que Sarkozy et Hollande ne veillent pas être confrontés directement aux quelques hurluberlus qui ont réussi à récolter les 500 signatures nécessaires pour figurer dans le scrutin : le fantasque Jacques Cheminade et les deux trotskistes pathétiques. Deux trotskistes en France en 2012 ! On progresse : en 2002, ils étaient trois. Réveille-toi, Léon, ils sont devenus fous... C'est d'abord ce système de sélection qu'il faut revoir. Corinne Lepage ou Dominique de Villepin avaient largement plus de légitimité pour se présenter que ces trois parasites.

Ce qu'il faudra aussi réformer d'urgence, ce sont les règles ridicules de temps de parole imposées par le CSA. Ces comptes d'apothicaire entravent gravement le travail des journalistes et les rédactions en chef, par commodité, préfèrent réduire au minimum l'espace dévolu à l'actualité politique, même si nous sommes à quelques semaines de l'élection majeure dans notre pays. Un exemple hier soir, dans le 20 h de France 2 : le journal durait exactement 40 minutes. Il a fallu attendre 20 h 21 pour découvrir une séquence rabougrie de 2 minutes et 40 secondes consacrée à l'élection présidentielle. Sur cette portion congrue, 40 secondes étaient mangées par un sondage détaillé en plateau par David Pujadas. A suivi un reportage sur les interrogations suscitées par la percée de Mélenchon chez les militants socialistes. On n'a pas entendu une seule seconde la voix d'un candidat, cela afin d'éviter de devoir donner ensuite la même exposition aux autres prétendants, dans le respect des règlements tatillons du CSA.

Les télés avaient largement retransmis les débats des primaires socialistes, sans s'embarrasser de minutage. Les chaines d'info avaient ensuite diffusé in extenso les meetings des uns et des autres. Mais on n'était pas encore dans la période sacrée définie arbitrairement par le CSA. A présent, alors que le scrutin approche, les électeurs n'ont plus le loisir d'écouter les candidats, sauf par bribes saucissonnées. Ce système idiot empêche toute expression structurée sur le fond des dossiers. Les candidats et leur staff de campagne se contentent de forger des «petites phrases», des formules piquantes sans véritable contenu destinées à être reprises, si tout va bien, par des médias frileux qui picorent avec parcimonie.

Nicolas Sarkozy, encore aux affaires (sans jeu de mot), a la possibilité de faire campagne autrement en organisant un «bruit de fond médiatique», en multipliant par exemple les interpellations d'islamistes présumés dangereux. Cette agitation policière n'est pas décomptée de son temps de parole.

François Bayrou a eu raison de réclamer une vraie confrontation entre tous les candidats, même s'il aurait fallu au passage se coltiner les quelques olibrius qui ont franchi l'épreuve des 500 signatures. Ce débat n'aura pas lieu. La campagne sombre dans l'ennui et l'anecdotique. Il ne faut pas s'étonner que les prévisions d'abstention soient aussi élevées et que les citoyens doutent de plus en plus de l'utilité de cette élection.