"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

jeudi 31 mars 2011

Accro à "Glee" (la série télé américaine)

Je n’ai pas encore eu le courage de regarder «Carré Viiip», le nouveau zinzin télé-réalité de TF1. Je crois que je vais m’en passer. D'ailleurs, même si j'insistais, TF1 me prive définitivement de ce délice : l'émission, gros flop d'audience, est jetée à la poubelle. Ça doit être sympa, l'ambiance, en ce moment, dans les étages supérieurs de la tour de TF1 ! Flop après flop, la maison Bouygues se fissure dangereusement.

Et pourtant, la télé de divertissement bien faite, ça existe. J’ai pris beaucoup de plaisir en découvrant cette semaine les premiers épisodes de la série américaine  «Glee».
Cette série connaît un succès phénoménal depuis deux ans aux Etats-Unis sur la chaine «Fox» (à ne pas confondre avec «Fox News» même si les deux programmes font partie de l’empire Murdoch).

«Glee» (traduction : joie, allégresse, jubilation) a pour cadre un lycée dans une petite ville de l’Ohio. Dans les «High-schools» américaines, en dehors des études, les élèves participent à de nombreuses activités sportives et culturelles au sein de clubs. «Glee» est le club de la chorale. Une chorale très moderne : on ne chante pas des berceuses mais plutôt du rock, de la pop et des comédies musicales. Le club «Glee» est méprisé par les costauds des équipes sportives du lycée. «Glee», pour les musclés, c’est un rassemblement de losers, de filles mal dégrossies ou de garçons efféminés.

Dans la série, le club «Glee» est animé par un prof d’espagnol très enthousiaste, en rivalité permanente avec la prof de gym, une blonde énergique et autoritaire, toujours vêtue d’un survêtement Adidas en lycra. Elle n’a qu’un seul but : la disparition du club «Glee» qu’elle considère comme un ramassis de parasites et de dégénérés. Voilà pour la toile de fond sans grande surprise de la série.

Ce qui fait l’intérêt de «Glee», c’est la qualité de la réalisation : un découpage très rythmé, des dialogues bien écrits et de jeunes acteurs tous excellents. Chaque épisode est aussi l’occasion de voir les numéros répétés et réalisés par cette chorale hyper-vitaminée qui danse en chantant. Et là, à chaque fois, c’est réjouissant. Dans ce feuilleton, le savoir-faire du show-biz américain confirme sa suprématie. C'est pour ça qu'on aime Broadway...
La thématique est comparable à celle développée dans le film d’Alan Parker «Fame» (1980), film qui fut ensuite décliné dans une série télévisée à grand succès. «Fame» décrivait le quotidien d’une école de musique, de danse et de théâtre à New York. Comme dans «Glee», on y voyait de nombreux numéros vocaux ou chorégraphiques réalisés par les élèves.

Outre ces numéros qui reviennent régulièrement (tout est calculé : environ toutes les 10 minutes), «Glee» nous propose une galerie de portraits forcément stéréotypés : un handicapé sympathique, une jeune homosexuel qui fait son coming out, une fille noire obèse, un bellâtre qui hésite entre le sport et le spectacle, une asiatique timide. Les problèmes personnels de cette jeunesse sont évoqués sans détours : les relations amoureuses, la grossesse précoce, les différences sociales. Du côté des adultes (les enseignants), les conflits sont exacerbés. Le proviseur est un Indien (pas un Sioux, mais un immigré originaire d’Inde) qui tente de concilier les fortes personnalités de son corps professoral.

Un humour parfois grinçant sauve en permanence les situations les plus prévisibles. La trame, classique pour ne pas dire convenue, est sans cesse remise en cause par un sens aigu du second degré.

Des vedettes se sont précipitées pour faire des apparitions dans «Glee» : Olivia Newton-John, Britney Spears, Gwyneth Paltrow, Madonna et bientôt... Lady Gaga !

Les téléspectateurs américains peuvent voir en ce moment les épisodes de la deuxième saison de «Glee». Une troisième saison est actuellement en préparation.

En France, c’est la chaine M6 qui a acheté la série. Elle est malheureusement diffusée de manière calamiteuse. Mardi soir, M6 a diffusé à la sauvette trois épisodes après 23 heures ! Pourquoi acheter un tel programme, distrayant et tous publics, et l’enfouir dans les tréfonds de sa grille ? Mystère. D’ailleurs, on ne verra plus du tout «Glee» sur M6 qui fait davantage confiance aux lancinantes émissions culinaires et décoratives pour doper ses audiences. Les épisodes suivants seront diffusés (en prime time tout de même !) sur W9, la petite succursale confidentielle de M6 disponible sur le câble, l’ADSL et la TNT. Il s’agit peut-être d’offrir enfin un peu de contenu de qualité à W9 qui en manque cruellement. Prenons-le comme ça. Le pari est réussi car hier soir W6 a attiré beaucoup plus de téléspectateurs que d'habitude.


J’ajoute que le plaisir (simple et pas trop exigeant intellectuellement) de regarder «Glee» est amplifié par la possibilité d’opter pour la version originale en anglais. Le doublage, pour ce genre de programme, est toujours une calamité. On en a la confirmation chaque semaine en regardant «Les Experts» sur TF1. En langue française, c’est peu crédible. Par chance, et ça change tout, on peut écouter les vraies voix des acteurs américains grâce au système multilingue.

Bref, je suis devenu accro à «Glee» en version originale comme je l’avais été à une autre série américaine : «Young Americans». Cette série décrivait l’univers d’une petite université de gosses de riches dans laquelle un étudiant pauvre et méritant tente de s’insérer. Les clichés abondaient mais le tout était magnifiquement réalisé et interprété. Le ton n’était pas à la comédie, plutôt au drame social. Cette série (où l’on ne chantait pas) n’a pas fait long feu : elle a été abandonnée au bout de 8 épisodes seulement. Elle fut diffusée aux Etats-Unis en 2000 et l’année suivante sur M6 en France.

M6 achète parfois de bons programmes mais n’a pas le culot de les valoriser. C’est mon seul regret, en attendant de retrouver «Glee», mercredi prochain sur W9...
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Voici la scène finale de la première saison que nous verrons bientôt :

mercredi 30 mars 2011

Big in Japan : Nicolas Sarkozy, vainqueur de la course médiatico-compassionnelle

Prems ! Comme dans une cour de récréation, le président de la République Française gesticule pour être le premier dirigeant étranger à renifler les décombres nippons.
Nicolas Sarkozy veut être le premier responsable politique international à venir au Japon comme Jacques Chirac avait été le premier chef d'Etat à survoler New York, après le 11 septembre 2001.
«Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal», aurait écrit José-Maria de Heredia. Les vautours de la com convergent toujours vers la catastrophe médiatique la plus fraiche.
Du coup, avec le grand flair politique qui le caractérise, Nicolas Sarkozy bâcle sa visite en Chine pour faire ce crochet au Japon. Le voyage en Chine est écourté et ne ressemble plus à rien. Après quelques salamalecs avec son homologue Hu Jintao à Pékin, Nicolas Sarkozy restera moins d’une heure à Nankin où il avait pourtant convoqué un séminaire économique du G20 qu’il préside.
C’est dire l’importance qu’il accorde à son cher G20 et au rôle de la Chine qui n’est jamais que la deuxième puissance économique mondiale. Les Chinois, pourtant habitués aux manières désinvoltes de notre représentant suprême, ne vont guère apprécier l’empressement du français virevoltant à quitter au plus vite l’Empire du Milieu afin d’aller se faire photographier illico au milieu du drame de l’Empire du Soleil Levant.
Quelques images japonaises compatissantes (c’est moi le premier ! c’est moi le premier !) valent-elles d’exaspérer une nouvelle fois les Chinois ?
Le comble, c’est que Nicolas Sarkozy n’était pas vraiment désiré au Japon. C’est l’emmerdeur qui vient frapper à la porte au pire moment. Le gouvernement japonais a vraiment autre chose à faire que d'organiser des cocktails protocolaires. Mais Nicolas Sarkozy piaffait de ses deux talonnettes. Les Japonais ont cédé devant l’insistance un peu lourdingue du président français. Il a gagné. Il sera le premier chef d’Etat étranger à visiter le Japon depuis la catastrophe du 11 Mars. 
C’est magnifique, quel courage ! Comptons sur les médias hexagonaux pour donner à cet événement considérable le retentissement qu’il mérite : Nicolas Sarkozy irradiant de sa présence le Japon meurtri !

mardi 29 mars 2011

La bande-annonce du nouveau Woody Allen : un festival de clichés sur Paris

Pauvre Woody Allen ! Nous l’avions tant aimé lorsqu’il explorait son terrain familier : New York. Nous l’avions aussi suivi avec plaisir à Londres et Barcelone.

Mais le pire est arrivé : Woody Allen est venu filmer Paris. Son nouveau film «Midnight in Paris» sera projeté à la soirée d’ouverture du prochain festival de Cannes. 

L'affiche du film : Van Gogh n'est pas au générique....


On sait que la minaudante Carla Bruni y joue un petit rôle. Elle n’a pas été coupée au montage. Ce n’est pas la plus mauvaise nouvelle.

Une vraie catastrophe est à craindre à la simple vision de la bande-annonce qui a été rendue publique aujourd’hui.

Woody Allen n’a plus les moyens, hélas, de tourner un film à New York. Sa ville est devenue trop chère pour lui. Ses films sont trop confidentiels et pas assez rentables à l'échelle américaine.


A Paris, les tournages sont moins onéreux et ils sont subventionnés par la municipalité et par le Conseil Régional.

Les collectivités locales vont être largement remboursées. Vous le verrez dans la bande-annonce (ci-dessous). Le prochain Woody Allen promet d’être un incroyable film publicitaire sur la capitale, ou plus exactement sur la manière dont les touristes américains perçoivent Paris.

Dans la bande-annonce, on peut lire : «Paris in the morning is beautiful, Paris in the afternoon is charming, Paris in the evening is enchanting, but Paris after midninght is magic».

L’Office du Tourisme de Paris, en écrivant des slogans commerciaux, n’aurait jamais osé faire aussi bateau (mouche). Mais Woody Allen n’a aucun gêne.

Il souligne ses images avec un air d’accordéon. C’est une obligation. Dans tous les spots publicitaires pour des produits français à la télé américaine, il y a de l’accordéon. Woody Allen ne déroge pas à cette règle : s’il n’y a pas d’accordéon, les Américains refusent de croire que c’est la France.

La bande-annonce nous promet également une visite en règle de toutes les cartes postales parisiennes : les quais de la Seine, Notre-Dame, la Tour Eiffel sous toutes ses coutures, la place Vendôme, les grands restaurants à nappe blanche, les musées. Sans oublier, la dégustation savante de nos grands vins. Par comparaison, «Amélie Poulain» va paraître subversif.

Bon, soyons patient. Accordons au vieux Woody le bénéfice du doute. Parfois les bandes-annonces sont meilleures que les films. Espérons, cette fois, que c’est le contraire.

Voici cette bande-annonce, un étourdissant concentré de clichés sur Paris :

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Depuis la publication de cette note, j'ai vu le film et mes premières impressions sur la bande-annonce se sont vérifiées. Lire en cliquant ici : WOODY ALLEN, TOURISTE ATTENDRI A PARIS

"Comment je suis devenu un écrivain célèbre", le livre réjouissant de Steve Hely

Voici un livre réjouissant et drôle qui se lit d’une seule traite, un livre satirique sur la fabrication d’un best-seller.
Le narrateur est un type minable et désargenté, cantonné dans un boulot alimentaire médiocre : rédiger des lettres de motivation alléchantes à la place de candidats sans envergure espérant entrer dans des universités prestigieuses. Il sait y faire. C’est un bidonneur professionnel.

S’il s’agit de bidonner, se dit-il, bidonnons dans les grandes largeurs. Il se fixe comme projet d’écrire un roman à grand succès. Il n’ambitionne pas d’être un grand écrivain. Surtout pas. Il veut juste fabriquer une marchandise grand public. Il veut être riche et célèbre et, au passage, impressionner une ex-petite amie qui va se marier avec un Australien qu’il méprise.

Notre bidonneur fait la liste des ingrédients nécessaires pour obtenir un gros tirage : une histoire larmoyante, pleine de poncifs et de pathos, avec un rebondissement toutes les deux pages. Il applique la recette. Par miracle, le livre est publié et connaît un certain succès.

Ce succès est amplifié par une interview télévisée dans laquelle l’auteur truqueur révèle ses procédés. Au passage, il cloue au pilori les autres auteurs de best-sellers qui emploient des méthodes identiques. 


Le livre très rythmé et plein de dérision de Steve Hely démonte avec férocité les rouages de l’édition et des médias, complices de la même médiocrité éditoriale.

Le bouquin signé de Steve Hely est paru au Etats-Unis en 2009 (disponible maintenant en collection de poche là-bas). Deux ans plus tard, les éditions Sonatine nous en proposent la traduction française très fluide d’Héloïse Esquié (18€).
C’est le premier roman de Steve Hely qui écrit beaucoup pour la télévision américaine, en particulier pour les shows humoristiques de fin de soirée.

Son récit est décapant et picaresque. Steve Hely prouve qu’on peut écrire un bon livre, distrayant en permanence, sur la fabrication forcenée d’une vraie daube. Une daube fumante qui rapporte de l’argent au point d’intéresser Hollywood.

En le refermant, vous vous interrogerez : et si, moi aussi, je devenais Marc Lévy ou Guillaume Musso ?

C'est effarant, l'UMP

Oui, c’est effarant, l’UMP. Une Machine à Perdre. Regardez-les s’écharper les petits marquis de la droite au pouvoir...  Ils font peine à voir, ils sont pathétiques.

Leur figure de proue, Nicolas Sarkozy, fait sa tête des mauvais jours. Sa popularité est en berne. Un quinquennat se termine. Un quinquennat pour rien. Où sont les grandes réformes annoncées pour se faire élire en 2007 ?

Copé s’agite, Fillon renâcle. Et les députés de base ronchonnent. C’est eux qui risquent leur peau. Car en 2012, il y a l’élection présidentielle mais il y aussi les élections législatives. Et sur les affiches des candidats à la députation, le sigle UMP fera tache. Déjà, pour les cantonales, l’étiquette du parti avait été cachée. UMP, boulet.

Ce grand foutoir de droite, fait de bric et de broc, craque de toutes parts : gaullistes rancis style Alliot-Marie, libéraux, centristes, gauche ramollie et renégate sauce Bockel, avocats d’affaires, les foutraques Vanneste, Estrosi, Ciotti et compagnie. Une armée en déroute, une armée en guenilles qui brandit l’étendard de l’identité nationale. Vanités des vanités pour une meute sans identité !

Ils marquent à la culotte la Marine triomphante en sortant à qui mieux mieux des débats vaseux sur la laïcité et autres billevesées. Alors qu’il faudrait d’abord s’attaquer au chômage, à l’investissement défaillant des entreprises, aux déficits publics, à la déroute de l’éducation.

UMP : Un Mépris Puissant. Mépris du peuple, mépris des urgences, mépris de la politique.

samedi 26 mars 2011

Plus dangereuse que les centrales nucléaires : votre voiture

Que diriez-vous si l’on vous annonçait que les incidents graves dans la centrale nucléaire de Fukushima au Japon ont provoqué la mort d’un million 300.000 personnes ? Vous seriez indigné, épouvanté. A juste titre, vous demanderiez l’arrêt immédiat de ces engins diaboliques. Retenez bien ce chiffre : 1,3 millions de morts. Nous en aurons besoin plus tard.

A l’heure qu’il est, les radiations nucléaires à Fukushima n’ont tué personne. En tout cas, il est vraiment trop tôt pour le dire. On évalue à 25.000 ou 30.000 le nombre de personnes tuées ou disparues après le séisme et le tsunami du 11 mars 2011. Il s’agit de victimes d’une catastrophe naturelle. On ignore totalement si le nucléaire a tué ou va tuer au Japon après les événements récents.  

Le nucléaire civil n’a tué qu’une seule fois de manière avérée : c’était à Tchernobyl en Ukraine en avril 1986. L’Agence Internationale de l’Energie Atomique avait comptabilisé à l’époque 30 morts par irradiation directe (des employés de la centrale). Chiffre officiel très en dessous de la vérité car il faut y ajouter les milliers de personnes vivant dans les environs qui ont été exposées, plus ou moins longtemps, aux radiations. En 2005, un rapport d’experts internationaux a conclu qu’environ 10.000 personnes étaient mortes prématurément à cause de l’explosion de Tchernobyl. Ce chiffre reste contesté par les organisations écologistes qui avancent (sans preuve tangible) des bilans beaucoup plus lourds : entre 600.000 et 900.000 morts. Nous n’allons pas chipoter : je vous fais Tchernobyl à un million de morts. Il faut également prendre en compte les cancers qui se sont développés en Europe dans les années suivant la catastrophe en Ukraine : entre 20.000 et 35.000 cas répertoriés, pas tous mortels.

Rappelons que l’incident à la centrale américaine de Three Mile Island en 1979 n’avait fait aucune victime, les rejets de radiation nucléaire dans l’atmosphère ayant été très faibles.

Voilà pour les victimes du nucléaire civil.

Intéressons-nous maintenant à une machine beaucoup plus meurtrière que les centrales nucléaires. Un engin qui chaque année tue dans le monde 1,3 millions personnes (c’est le chiffre que je citais au début de cet article). Cette machine blesse en outre chaque année 50 millions de personnes, plus ou moins grièvement, souvent avec des séquelles et des paralysies.

Il s’agit de la voiture, ou votre chère bagnole, qui tous les ans fait beaucoup plus de victimes que l’explosion de Tchernobyl n’en a fait une fois pour toutes. La mort automobile est socialement assimilée. Ce n’est pas une catastrophe massive, c’est une hécatombe quotidienne. On s’y habitue.

Imaginez que l’explosion d’une centrale nucléaire française fasse 4273 morts. Quel scandale, quel effroi ! C’est exactement le chiffre de personnes tuées sur les routes de France en 2010. La France a réduit sensiblement sa mortalité routière ces dernières années. Mais le bilan reste élevé.

Vous allez me rétorquer qu’être tué en percutant un platane ou une voiture conduite par un ivrogne, ce n’est pas la même chose que de mourir irradié. Le résultat est identique : on perd la vie. Voir sa peau boursoufflée par des particules nucléaires ou avoir ses membres broyés par une carcasse métallique, je ne vois pas bien la différence d’infortune.
La voiture individuelle est la pire invention humaine de la fin du XIXème siècle. Le moteur à explosion est une calamité. L’envahissement de la planète par l’automobile a des conséquences économiques, sociales, culturelles toutes dramatiques. Sans compter la pollution gigantesque que la bagnole engendre. La ville de Pékin est déjà encerclée par 6 périphériques, tous saturés. L’émergence d’une classe moyenne en Chine multiplie de manière exponentielle le nombre d’automobilistes. La voiture tue en grand nombre et elle ne pollue pas que par les pots d’échappements : contemplez les épaves qui s’entassent chez les casseurs.
La voiture nous a également rendus dépendants d’un carburant de plus en plus cher et qui se raréfie : le pétrole. Aux morts des accidents automobiles, il faut ajouter les victimes des guerres et conflits multiples liés à l’exploitation pétrolifère.

La voiture défigure les villes et les campagnes : parkings, autoroutes, rues encombrées. Plus grave sans doute, la voiture modifie les comportements : agressivité, individualisme, fétichisme de l’objet à quatre roues. L’urbanisme est toujours conçu en fonction de la voiture : les lotissements gangrènent le paysage et les habitants vivent de plus en plus loin de leur lieu de travail.
Il aurait été tout à fait possible de se passer de ce moyen de locomotion dangereux, polluant et socialement nocif. Sans accès à la voiture individuelle, les habitants de la planète auraient utilisé d’autres moyens de transport. Il est encore temps de les imaginer ou de les réintroduire. La voiture individuelle est une invention récente : elle est à la disposition du plus grand nombre depuis moins de 75 ans.
Aux Etats-Unis, le train pour voyageurs s’était rapidement développé au XIXème. C’est le chemin de fer qui a été un instrument majeur de la création des Etats-Unis. L’unité du Canada est également le fruit du rail avec la légendaire liaison transcontinentale de Vancouver à Montréal. 

Mais le train a été tué par la voiture, avec l’assentiment du pouvoir politique. Après la crise de 1929, Roosevelt dans son «New Deal» a décidé de mettre en chantier le réseau autoroutier qui existe toujours au Etats-Unis. C’est le moment où la voiture devenait accessible pour l’Américain moyen. On a construit un énorme réseau d’autoroutes mais on a abandonné le développement du train transportant des voyageurs.

De la même manière, les transports en commun ont été négligés dans tous les pays développés au profit de la sacro-sainte bagnole. Ce n’est que très récemment que l’on voit réapparaitre les tramways et se développer les métros. Il a fallu attendre cette année, 2011, pour que la région parisienne échafaude enfin (dans les projets du «Grand Paris») un réseau de transports en commun à l’échelle d’une concentration urbaine de 20 millions d’habitants. Ce nouveau système ne verra pas le jour avant une vingtaine d’années.


Dans les zones rurales, les collectivités locales feraient mieux d’organiser une desserte cohérente des territoires par des transports collectifs, bon marché et fréquents, plutôt que d’édifier des parkings, des routes, des rocades et des ronds-points à coup de millions d’euros. 

Certains veulent «sortir du nucléaire», au nom de la sécurité collective. Fort bien. Je propose un défi beaucoup plus important : «abandonner la voiture individuelle», instrument infiniment plus mortifère pour le genre humain. La voiture individuelle est une aberration récente dont on pourrait se défaire.

Parions hélas que le «lobby automobile» sera encore plus puissant que le «lobby nucléaire». Ce lobby de la voiture est multiforme : les constructeurs, les salariés des entreprises automobiles et leurs sous-traitants, les garagistes, les journalistes spécialisés qui vivent en vantant les carrosseries, les soupapes, les essieux et les carburateurs.
Dans ce lobby pro-bagnole, les plus nombreux sont les automobilistes du monde entier, accrochés à leur volant comme les drogués à leur seringue.

Un million 300.000 morts chaque année à cause de la voiture. Ce chiffre ne compte pas. Mais si un Japonais vivant près de Fukushima éternue de manière bizarre prochainement, on va en entendre parler...

vendredi 25 mars 2011

En Italie, sur la côte de Ligurie

Quelques images d'Italie, sur la côte de la Ligurie, de Gênes à Cervo.
(cliquez sur les photos une ou deux fois pour les agrandir à la taille de votre écran)

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Gênes (Genova)


Alassio


Cervo

mercredi 23 mars 2011

ANYHOW : petit bilan d'étape



Depuis septembre 2010, mon hébergeur « Blogspot » a enregistré plus de 100.000 consultations de pages à l’adresse ANYHOW.

Les notes à propos de la Tunisie sont les plus lues. Le record absolu est atteint par la page concernant l’ambassadeur Boris Boillon et Marine Le Pen. 

73% des lecteurs d’ANYHOW se connectent de France Métropolitaine, mais il y aussi des lecteurs outre-mer, en particulier à La Réunion et dans les Antilles.

A l’étranger, le contingent le plus fidèle est en Tunisie et aux Etats-Unis : 5% des pages consultées dans les deux cas.

La Belgique suit avec 3%. Le Canada compte pour 1,5%. La Suisse et le Royaume Uni pour 1% chacun. Derrière, je note les 0,7% de l’Allemagne et des Pays-Bas et les 0,5% du Maroc.

Je salue les lecteurs occasionnels ou réguliers au Vietnam et en Algérie. J’ai parfois la surprise de découvrir une personne qui s’est connectée au Brésil, en Ukraine, en Malaisie, en Chine ou au Japon.

Votre système d’exploitation est largement Microsoft (74%) contre 18% pour Mac. 3% des lecteurs consultent ANYHOW sur I-phone et 1% sur I-pad. 

Un tiers des internautes venant ici utilisent le navigateur Firefox, un autre tiers Internet Explorer. Chrome et Safari totalisent chacun 14%.

Merci à tous, où que vous soyez, de votre fidélité.

ANYHOW

"Tu verras", le nouveau roman de Nicolas Fargues

Après quelques livres décevants que je passerai sous silence, je viens de terminer la lecture d’un court roman signé Nicolas Fargues et intitulé sobrement «Tu verras» (éditions POL). Je tenais à le signaler à votre attention.
 
C’est le huitième ouvrage de cet auteur de 48 ans, un romancier un peu «mode» qui a souvent les honneurs de la presse magazine grâce à son physique avantageux. Il a même fait le mannequin dans une publicité pour le parfum «Allure» de Chanel. Beau gosse à l’écriture lisse et joliment superficielle, il a un petit côté exaspérant. J’avais lu quelques livres de lui, notamment son plus gros succès paru en 2006 : «J’étais derrière toi». La littérature de Nicolas Fargues me semblait agréable à lire mais il y manquait, à mon avis, de la sincérité et de l’émotion.

Dans ce dernier roman «Tu verras», Fargues comble totalement ces manques en nous racontant un drame personnel : celui d’un père divorcé confronté à la mort brutale du fils unique de 12 ans dont il a la garde. Fargues confie qu’il longtemps mûri ce récit après un accident de circulation où un de ses jeunes enfants à failli mourir.

Dans le livre, le narrateur est un père quadragénaire qui vit avec son fils Clément, 12 ans. Clément est le pré-ado typique de notre époque : le jeans porté trop bas, les jeux électroniques, le rap dans l’I-pod et une scolarité incertaine. Le père, fonctionnaire sans ambition, est un bobo revenu de tout, incapable de se fixer dans une relation amoureuse après son divorce. Il reporte maladroitement toute son affection sur son fils en lui faisant la leçon, comme les adultes rasoirs la font de manière pesante à leur progéniture.

C’est ce «Tu verras» qui sert de titre et qui revient sans cesse : tu verras que le latin, ça te servira plus tard, tu verras que tu seras content d’avoir découvert la peinture de Turner avec moi. Le gosse, traîné au musée Tate de Londres, baille d’ennui devant les couchers de soleil vénitiens du peintre anglais.

Fargues décrit très bien le mur d’incompréhension de plus en plus épais entre le père qui se croit encore jeune et son fiston à la recherche d’une identité par le rejet des valeurs et des références de son géniteur. «Tu verras», mais le jeune Clément ne verra pas, pas au delà de ses 12 ans. Il meurt en tombant d’un quai de métro, fauché par une rame.

Le père est pétrifié de douleur. Nicolas Fargues nous fait partager ce désarroi profond, les regrets, les remords de l’adulte. Le père se reproche tardivement les remontrances moralisatrices qu’il faisait à son fils, les petites brimades, les remarques blessantes. Le livre s’achève par un chapitre étonnant en Afrique où le narrateur, après la mort de Clément, accomplit une sorte de voyage de rédemption, un exorcisme.

J’ai été frappé par la justesse du ton : le sempiternel conflit de générations est traité avec subtilité. La mort de l’enfant n’est pas transformée en mélo boursoufflé de pathos. C’est une blessure à vif, ressentie par un homme désemparé. C’est quand il est mort que le fils se découvre réellement à son père.

Nicolas Fargues, gravure de mode et écrivain jusqu’ici simplement habile, atteint avec ce livre une nouvelle dimension dans l’écriture. 

mardi 22 mars 2011

"Le Mal Français" : confirmation par le rapport alarmant du Médiateur de la République

Les chamailleries minables entre les deux tours des cantonales sont symptomatiques de l’immense médiocrité du débat politique en France.

Dans ce brouhaha autour du Front National et du «Front républicain», avez-vous entendu une seule seconde les politiciens nous décrire leur programme, donner des orientations fortes pour le pays ou, plus modestement, pour leur canton ?

Ils s’écharpent sur des alliances et des combinaisons d’appareil. Pas étonnant que l’abstention ait atteint dimanche des niveaux records. Comment le citoyen peut-il se sentir représenté par des élus qui ne sont obsédés que par un seul objectif : leur élection ou réélection ?

L’écart se creuse entre le peuple et ses représentants, toutes tendances confondues, même au niveau le plus simple, le plus proche, celui du canton.

C’est pour cela que le rapport du Médiateur de la République, remis hier lundi au président Sarkozy, résonne comme un salutaire rappel à l’ordre. Il est probable hélas que ce document ait été prestement remisé par le chef de l’Etat dans un fond de tiroir, comme tant d’autres rapports remarquables mais négligés par un exécutif coupé des réalités et persuadé de détenir la vérité.

A la différence de Nicolas Sarkozy, j’ai lu intégralement le rapport du Médiateur de la République (disponible ici en téléchargement).

C’est le dernier rapport réalisé sous la direction de Jean-Paul Delevoye dont le mandat s’achève et qui vient d’être élu à la présidence d’un zinzin inutile et coûteux : le Conseil Economique et Social. (lire ici une note antérieure d'ANYHOW à ce sujet)

Jean-Paul Delevoye n’est pas un dangereux gauchiste. C’est un UMP bon teint, ancien ministre, mais c’est un honnête homme. Il dresse un constat terrible sur la France.

Ses services sont au contact quotidien des Français déboussolés par une administration mal adaptée, par des règlements brutaux, par une bureaucratie aveugle. La santé (et singulièrement l'hôpital), l’aide sociale, la fiscalité, l’école, la justice, la profusion de lois opaques : tout le système grince. Les constatations faites par Delevoye, à partir de multiples témoignages vécus, devraient faire réfléchir la gauche et la majorité actuelle. Au lieu de cela, les leaders politiques se déchirent dans des luttes d’égos et de pouvoir.

Jean-Paul Delevoye estime dans les premiers mots de son introduction que la société française souffre d’un «burn out». Autrement dit, c’est une société épuisée, à bout de souffle. «La fébrilité du législateur trahit l’illusion de remplacer par la loi le recul des responsabilités individuelles et de la morale. Le maintien sous perfusion de citoyens assistés permet de soulager nos consciences mais pas de résoudre nos problèmes», écrit le Médiateur.

Jean-Paul Delevoye poursuit : «Les débats sont minés par les discours de posture et les causes à défendre noyées parmi les calculs électoraux. Or, les ressorts citoyens sont usés par les comportements politiciens». 

Oui, vous avez bien lu : usés par les comportements politiciens. Pas étonnant, dans ces conditions, que les électeurs qui se déplacent encore vers les urnes choisissent de plus en plus de faire le ménage en votant à l’extrême droite.

Le Médiateur décrit bien la France rapetissée de ce début de millénaire : «Nous ne sommes pas racistes mais réticents à partager avec ceux qui n’ont rien. Nous sommes pour la mixité sociale à condition de ne pas être embêtés ou gênés par nos voisins. Nous sommes pour la gratuité, celle dont on profite et non celle que l’on finance. (...) Les politiques, aujourd’hui, suivent l’opinion plus qu’ils ne la guident, tandis que les opinions, soumises aux émotions plus qu’aux convictions, sont volatiles. Nos sociétés sont régies par trois grands sentiments – les peurs, les espérances, les humiliations – ; les espérances actuelles sont creuses et fragiles tandis que les droites gèrent les peurs, les gauches cultivent les humiliations. Chaque camp pouvant gagner alternativement dans l’euphorie de la victoire d’un jour pour une France qui descendra de division à chaque élection et progressera pas à pas vers les populismes et les extrémismes.»

Jean-Paul Delevoye s’inquiète du déclin de la citoyenneté : «Celui qui paie l’impôt a perdu la dimension citoyenne de l’impôt et, s’il y consent encore, s’estime néanmoins lésé. De même, celui qui bénéficie de la solidarité publique a perdu le sens de cette solidarité et, ne recevant pas assez, se sent humilié.»

Le bilan de notre politique éducative est tout aussi alarmant pour le Médiateur : «L’éducation, en échec aujourd’hui sur l’acquisition des savoirs, l’aptitude au travail et l’éveil à la citoyenneté, interroge notre système administratif global qui échoue sur sa capacité d’inclusion et devient une machine à exclure.»

Je vous laisse le soin, si cela vous intéresse, de lire la suite et l’intégralité du rapport par vous-même.

Je suis très sceptique sur les solutions un peu vagues et grandiloquentes que le Médiateur avance pour résoudre ce «mal français». Cette expression servait de titre au livre clairvoyant écrit en 1976 par Alain Peyrefitte qui fut également visionnaire en 1973 en publiant : «Quand la Chine s’éveillera». Maintenant, la Chine est bien éveillée. Et la France se recroqueville dans un mauvais sommeil traversé par des rêves de grandeur évanouie.

Alain Peyrefitte avait établi le constat de nos déficiences, largement liées à notre histoire et à notre système ultra-centralisé, hérité de l’Ancien Régime. Les hommes de droite ne disent pas que des bêtises. Ce qui leur manque malheureusement, c’est la volonté de corriger les travers de notre vie publique. Et pourtant, ils ont longtemps exercé le pouvoir. Ils l’exercent encore.

Près de 40 ans plus tard, dans une synthèse plus courte, Jean-Paul Delevoye fait un bilan proche de celui d'Alain Peyrefitte. Mais le temps passe. Les décennies d’inaction s’accumulent. Les autres pays ne nous attendent pas pour avancer, de manière décisive, parfois autoritaire. Regardez la Chine, l’Inde ou le Brésil en partie sorti de l’ornière par Lula.

Comment nous relever de ce «burn out», de cet épuisement national ? Je ne vois pas, sur l’échiquier politique français, un entraineur qui donnera à notre pays un élan collectif, une envie de reprendre la course.