"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

dimanche 15 mars 2009

Bipolaire, crise de foi, collaboration.

Rocard bipolaire. Michel Rocard deviendra officiellement mercredi « Ambassadeur de France » du Pôle Nord et du Pôle Sud. Cela ressemble à une blague signée Alfred Jarry. Mais c’est très sérieux. Ce n’est pas « Ubu roi » mais Sarko 1er qui vient d’avoir cette idée de génie. Michel Rocard, aujourd’hui âgé de 79 ans, ancien premier ministre de François Mitterrand, va devenir (avec le rang d’Ambassadeur) le représentant de la France dans les négociations internationales relatives aux pôles Arctique et Antarctique. C’est une décision de Nicolas Sarkozy. Pendant que l’ardent Jack Lang est en mission élyséenne sur l’île tropicale de Cuba, Michel Rocard est en charge de la banquise. Notre président, toujours avisé, souffle le chaud et le froid dans le cimetière des éléphants socialistes.

Crise de foi. La crise pourrait être une mauvaise affaire pour les religions. Je lis comme toutes les semaines l’excellent éditorial de Frank Rich dans le « New York Times ». Il raconte, preuves à l’appui, que la ferveur et les pratiques religieuses avaient subi un recul très net pendant la grande dépression américaine des années 30. Une grave crise économique ne précipite pas les foules vers les églises et les temples. Elle stimule davantage les mouvements citoyens, les solidarités sociales. Frank Rich établit une comparaison avec l’époque que nous traversons : les fondamentalistes chrétiens aux Etats-Unis n’arrivent plus à se faire entendre. La droite religieuse américaine est devenue inaudible. Elle avait pourtant accompagné et soutenu bruyamment les deux mandats de George W. Bush. Cet épisode est révolu. Les ayatollahs anti-avortement, les homophobes patentés, les opposants hystériques aux recherches sur les cellules souches, toute cette pieuse piétaille n’arrive plus à exister médiatiquement. Ils sont devenus insignifiants car une autre urgence s’est imposée : conserver ou trouver du boulot.

Les lieux de la collaboration. Je compulse avec une grande curiosité un livre bizarre publié par les éditions du « Seuil ». Le titre est explicite : « Paris dans la collaboration ». L’auteur, Cécile Desprairies, y répertorie avec une minutie d’apothicaire les immeubles, les cafés, les théâtres, les cinémas, les hôtels, les maisons closes, les édifices publics qui ont été réquisitionnés par les forces d’occupation allemande à Paris entre 1940 et 1944. C’est une sorte de guide touristique de la défaite et de la soumission, totalement fascinant par la force des détails. Toutes les rues, les avenues, les places sont scrutées au microscope. D’une adresse à l’autre, on croise Arletty, Jean Cocteau et d’autres personnages qui n’ont jamais été rebutés par le très provisoire changement de propriétaire.

mardi 10 mars 2009

Trichet, c'est gagné !


Jean-Claude Trichet a encore perdu une bonne occasion de se taire. A propos de la crise économique planétaire, le président de la Banque Centrale Européenne a fait une déclaration qui est un modèle magnifique de langue de bois technocratique.

A Bâle, en Suisse, Monsieur Trichet a déclaré : « Il y a un certain nombre d'éléments qui suggèrent que nous nous rapprochons du moment où nous observerons un redressement. »

Je décrypte en soulignant la seule information crédible contenue dans cette phrase ampoulée : personne n’est capable d’observer un quelconque redressement. Tout le monde assiste au contraire à un effondrement généralisé de l’économie, de l’industrie, de l’emploi, des marchés financiers, de la viabilité des banques, sans compter les craquements sociaux qui vont logiquement s’amplifier.

Aucun redressement n’est en vue et pourtant Jean-Claude Trichet nous assure qu’il dispose d’un « certain nombre d’éléments » (combien d’éléments et lesquels ?) qui « suggèrent » (une simple suggestion – joli concept pour un économiste !) que nous nous « approchons » (à quelle vitesse ? tout droit ? par le chemin des écoliers ?) du « moment » (ça va être un grand moment ! ça va être comme l’apparition de la Vierge à Lourdes !) où nous observerons (qui c’est ce « nous » ? les mêmes qui n’ont rien vu venir de la chute, c’est-à-dire les grands spécialistes comme Trichet ?) un redressement. Remarquez encore que Trichet ne dit pas « le » redressement. Juste « un » redressement, un tout petit spasme dans le corps moribond de la bête terrassée.

Mais c’est déjà bien. Ça nous remonte le moral. Merci JCT ! Merci la BCE !

mercredi 4 mars 2009

Blague juive (en passant).

Les plaisanteries les meilleures sont toujours les plus courtes.

La blague juive la plus courte et l’une des meilleures est racontée par Jacques Attali, auteur du très récent : « Dictionnaire amoureux du Judaïsme » (Fayard).

La blague juive d’Attali tient en trois mots : « Dieu soit loué ».

lundi 2 mars 2009

Le bout du tunnel pour le bas de laine ...

C'est un de mes classiques.

Si vous y avez échappé, je vous le propose à nouveau.

C'est mon florilège des clichés journalistiques.

Je vous invite évidemment à l'améliorer !


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Retour en France : c’est un véritable arsenal que les gendarmes ont débusqué à Cliché, petit village paisible de la Creuse de 670 âmes.

Au terme d’une enquête longue et difficile et après avoir joué au chat et à la souris avec les malfaiteurs, les pandores ont saisi la bagatelle de 12.350 euros, une coquette somme saisie chez des gens du voyage et des groupes de jeunes issus des quartiers.

A la gendarmerie, derrière la grille solidement fermée, la lumière est restée allumée fort tard. Affaire à suivre.

Dans cette commune, dévastée par la tempête infligée par le Général Hiver, on ne compte plus les arbres arrachés ni les caves inondées. Plus de peur que de mal. Mais on a frôlé la catastrophe. La facture a été lourde et le budget municipal a failli terminer dans le rouge.

L’épée de Damoclès du déficit reste suspendue. Difficile de lâcher du lest quand on joue avec le feu. C'est là que le bât blesse.

Une des trois centenaires du village est morte subitement trois semaines après la bourrasque destructrice. Pour ses obsèques, la foule s’était tant massée que l’église était trop petite.

Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, l’équipe locale de football, petit poucet du département, ne dort plus sur ses lauriers et espère bientôt jouer dans la cour des grands.

C’est un groupe soudé qui prend les matches les uns après les autres. Parfois, les résultats ne sont pas au rendez-vous et le score ne reflète pas toujours la physionomie de la partie.

C’est hélas trop souvent le statu quo en tête du classement. C’est alors que le torchon brûle avec l’entraîneur, soumis à un véritable tir de barrage.

En quête d’un bâton de maréchal, il est prié de corriger sa copie pour sortir du guêpier en donnant un coup de pied dans la fourmilière, au risque de voir ses hommes devenir lanterne rouge, ce qui serait un terrible retour de manivelle.

En outre, à Cliché comme ailleurs, la tension qui monte au Proche-Orient et l’étau qui se resserre sur l’Irak pèsent sur le moral des ménages.

Chacun sent bien que le processus de paix a du plomb dans l’aile. Verra-t-on le bout du tunnel pour le bas de laine ?

Le Maire de Cliché, sans vouloir mettre la barre trop haut, tente de couper l’herbe sous le pied des pessimistes.

Il persiste et signe. « Concrètement, c’est la saison estivale, avec ses chassés-croisés, qui sera cruciale » affirme-t-il, fidèle à son credo.

En attendant, pour le printemps, les professionnels du tourisme font grise mine et rongent leur frein. Difficile d’entendre un autre son de cloche.

Pourtant, à Cliché, personne ne songe à mettre le feu aux poudres ni à ouvrir la boîte de Pandore et encore moins à jeter un pavé dans la mare ou de l’huile sur le feu.

On préfère aller au charbon car un bras de fer avec les édiles tournerait vite à la foire d’empoigne.

Pour donner un coup de fouet, l’opinion publique espère un ballon d’oxygène. Il viendra sans doute en juin à l’occasion du traditionnel « Festival du Navet », occasion pour une pléiade de vedettes de se bousculer au portillon.

C’est réglé comme du papier à musique : au carrefour de la Creuse et à la croisée des chemins du bon goût, Cliché, sous le feu des projecteurs, brille alors de ses mille feux.

Personne ne lui arrive à la cheville. Réputation oblige.

dimanche 1 mars 2009

Movies


Maintenant que l’annuelle et pathétique mascarade des « Césars » du cinéma français est derrière nous (« Séraphine » et Yolande Moreau, quelle purge ! C’est donc ça la perfection cinématographique française ? Au secours !), nous pouvons enfin reparler de cinéma, du vrai, du cinéma américain principalement.

J’ai ressenti un grand choc aujourd’hui en voyant « Les Noces Rebelles » (titre français idiot – je vais y revenir) de Sam Mendes.

Le réalisateur est britannique mais le film est totalement américain. J’ai vu ce film tardivement, excusez-moi ! Il est sorti depuis un mois déjà. Un film chasse l’autre. C’est ainsi que fonctionne la distribution des films en France. Je l’ai vu de justesse. Ouf !

Ce n’est que le quatrième film de Sam Mendes. Son tout premier lui avait donné toute la légitimité pour décrypter la société américaine.

Il s’agissait d’ « American Beauty », à mes yeux un chef-d’œuvre.

Nous revoici, avec ce nouveau film, dans l’Amérique banlieusarde. Aux Etats-Unis, les riches de race blanche vivent dans les banlieues. Les autres (les noirs notamment) vivent précairement en centre-ville. C’est à l’inverse de notre système.

Sam Mendes avait magnifiquement décrit, il y a dix ans, la déshérence de la banlieue blanche et friquée dans « American Beauty ».

Le même Sam Mendes nous projette sur le même territoire, 40 ans plus tôt, dans les années 50. Le paysage est effroyablement identique. Il s’agit encore et toujours des Etats-Unis, l’espace infini de la conformité et de l’ennui.

Je ne vais pas ici résumer l’intrigue. Je vais m’attarder néanmoins sur les interprètes : Kate Winslet et Leonardo DiCaprio, le duo légendaire du « Titanic », archétypes de la jeunesse et de l’amour impossible. Ce même couple se déchire, toujours victime d’un amour incompatible, dans le nouveau film de Mendes.

Le titre en français, comme souvent, est idiot : « Les Noces Rebelles ». Ça ne veut rien dire. En anglais, le titre est : « Revolutionary Road », infiniment plus ironique et pertinent.

C’est l’adresse de la belle maison résidentielle du couple en apparence parfait qui se désagrège sous nos yeux. « Revolutionary » pour les Américains, ça ne veut pas exactement dire « révolutionnaire ». C’est une référence à l’Histoire du pays. La « Révolution » américaine, c’est la guerre contre les Anglais. C’est d’abord et avant tout une guerre d’indépendance. Le couple du film ne cherche pas la révolution, juste l’indépendance par rapport aux conventions de la société. C’est ainsi qu’il faut comprendre le titre du film. En français, « Noces rebelles », c’est juste naze comme traduction, mais on a l’habitude !

Deux acteurs exceptionnels transportent ce film: Kate Winslet exprime alternativement la douleur, la révolte et le renoncement. Et Leonardo DiCaprio confirme ici qu’il est l’interprète le plus doué de sa génération. Nous le savions déjà il y a 15 ans, après l’avoir vu jouant un ado attardé mental dans « What’s eating Gilbert Grape ». Depuis cette époque, je n’ai jamais vu DiCaprio inintéressant au cinéma. Jamais.

Dans « Revolutionary Road », il y a plusieurs scènes intenses de face-à-face entre Winslet et DiCaprio. Dans la cruauté, l’intensité et la démesure, ça vaut Liz Taylor et Richard Burton dans « Who is afraid of Virginia Wolf » (Mike Nichols – 1966).

Ce qui renforce encore le film remarquable de Sam Mendes, c’est le sens du détail : les objets, les décors, les costumes, la lumière, le montage, la qualité sublime de la photographie (énorme travail très pertinent sur la profondeur de champ). Et aussi la distribution des seconds rôles. Ils sont tous en place, magnifiquement choisis et dirigés. Un sans faute, tout simplement. Ça dure deux heures, bonnes gens, et on reste cloué à son siège, croyez moi.

Dans le cinéma américain, les bonnes nouvelles n’arrivent jamais seules. Il y a vraiment de très bonnes choses offertes à notre contemplation (en attendant « Harvey Milk » qui sort mercredi en France).

Disons un mot par exemple de « Benjamin Button », l’histoire de ce bébé né avec une apparence de vieillard et qui rajeunit, à rebours, jusqu’à sa mort. Le scénario semble impossible à mettre en images et pourtant le réalisateur David Fincher réussi la prouesse avec la complicité d’une Cate Blanchett (admirable) et d’un Brad Pitt placide et insondable. Le résultat est déroutant. Un conte philosophique à grand spectacle. On pleure à la fin. Effet garanti. C’est aussi ça le cinéma.

Je serai en revanche moins enthousiaste pour « Gran Torino » de et avec Clint Eastwood. Le vieil homme ne cesse de nous balancer son testament. Au fil des années, à l’usure, le testament s’effiloche. La presse française est en transes devant ce film, comme devant tous les films d’Eastwood sans distinction. Je me demande bien pourquoi.

En un mot, c’est l’histoire d’un vieillard acariâtre et raciste (mais avec un grand cœur) qui finit par se radoucir en prenant sous sa protection des asiatiques (très gentils finalement) dont il tolérait très mal au départ le voisinage. L’intrigue bien-pensante nous est exposée dans un scénario poussif desservi par un dialogue indigent. Les interprètes sont des marionnettes à commencer par le grand Clint Eastwood qui cabotine outrageusement du début jusqu’à la fin. Visuellement, le film est archi-moche : prises de vue vaseuses, images granuleuses, montage à la serpe.

Le cinéma américain quand c’est moche à l’écran, ça ne vaut même pas la peine de s’y attarder. Pour tout vous dire : je me suis royalement emmerdé ! Clint Eastwood a fait quelques grands films par le passé. Celui-ci est vraiment raté.