"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

dimanche 8 août 2010

Time tunnel


C’est une idée saugrenue à laquelle mon esprit vagabonde depuis l’enfance. Je ne l’ai jamais explorée en profondeur. C’est le voyage dans le temps.

J’avais été frappé à la fin des années soixante par un feuilleton télévisé américain intitulé : « Time Tunnel » diffusé en France sous le titre : « Au cœur du temps ». L’histoire était simplette. Après avoir inventé un tunnel permettant de voyager dans le temps (le chronogyre), deux chercheurs, Tony Newman et Doug Phillips, en deviennent prisonniers. Dans l'impossibilité de regagner leur époque, ils sautent d'une période à l'autre, assistant à des évènements passés (le naufrage du Titanic, le siège de Troie, l'attaque de Pearl Harbor...) ou futurs, tandis que leurs collègues tentent de les faire revenir.

La série américaine n’a pas duré très longtemps, juste une trentaine d’épisodes et ils n’ont pas tous été diffusés à l’époque en France.

Le concept m’avait particulièrement intrigué car il impliquait une comparaison, parfois une confrontation, entre les périodes historiques.

On entend souvent les défenseurs de l’âge d’or affirmer de manière péremptoire que « c’était mieux avant ». Avant quoi ? Mieux, comment, pourquoi ?

Pour observer notre époque, notre début de millénaire globalisé, j’ai la tentation de ressusciter un personnage d’autrefois pour le plonger dans notre présent.

Il serait idiot et inutile d’aller chercher un pauvre paysan d’une province reculée. Le précipiter dans notre civilisation le rendrait fou. Je pense qu’il serait plus intéressant de faire venir jusqu’à nous un personnage puissant, cultivé, ayant voyagé et vivant dans le luxe. Rien de tel qu’un roi.

Prenons Louis XIV : longue expérience de la vie, un règne de plus de cinquante ans. Débarrassez-le de son accoutrement d’époque, revêtez-le d’un costume de bonne coupe et promenez-le sur les Champs-Elysées, à pied, pas en carrosse.

Ce qui étonnera aussitôt le Roi Soleil, c’est la densité de la foule. A son époque, la France ne comptait que 22 millions d’habitants (contre 60 aujourd’hui). Il y avait quatre fois moins de Parisiens. Il n’y avait aucun touriste étranger, à peine quelques voyageurs isolés venus de l’autre côté des frontières.

Louis XIV remarquera sans doute les enseignes lumineuses, l’éclairage électrique. Il verra des salles de cinéma et se demandera ce qui peut bien se passer à l’intérieur. Et il sera surtout abasourdi par le vacarme du trafic automobile. Il ne comprendra pas comment fonctionnent ces objets métalliques dotés de roues en caoutchouc, ces voitures qui avancent sans être tirées par un cheval.

Même s’il ne s’aventure pas dans la profondeur des banlieues, le Roi aura sans doute aussi du mal à comprendre notre façon de parler le français et nous de comprendre la sienne. Difficile d’évaluer l’écart linguistique car il n’existe aucune interview enregistrée de la voix de Louis XIV.

Ensuite on pourra donner l’occasion à Louis XIV de visiter un appartement cossu du 8ème arrondissement (inutile de lui infliger un taudis). Le trouvera-t-il plus confortable que le château de Versailles ? Sera-t-il intrigué par la chasse d’eau dans les toilettes, par le four à micro-ondes, le réfrigérateur, le téléphone, le téléviseur, l’ordinateur, la musique (de Lully par exemple) qui sort des haut-parleurs ?

Ce sont les questions oiseuses et peu naïves que je me pose parfois, car oui, vraiment, j’aimerais bien voir la tête de Louis XIV découvrant la France de 2010.

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