A son tour, le prétendu humoriste Gérald Dahan a été viré de France-Inter. C’est une bonne nouvelle. Que Philippe Val, patron de cette chaine de radio publique, soit remercié pour ce sursaut tardif de bon sens.
Dahan est un amuseur qui n’a jamais été drôle. C’est un mauvais imitateur qui interprète mal des textes médiocres. Sa dernière prestation, hier jeudi, était encore plus lourdingue que d’habitude. La cible en était la pauvre Michèle Alliot-Marie, assise à côté de Dahan dans le studio. Sur la vidéo (voir le site de France-Inter) de ce petit sketch minable, MAM ne parait même pas scandalisée par l’outrance gratuite des propos de Dahan. Elle semble plutôt consternée par tant d’insignifiance exprimée avant une telle assurance.
Maintenant que Dahan a été prié de ne plus polluer les ondes matinales, j’espère qu’on ne va pas en faire un nouveau martyr de la liberté d’expression.
Et je me permets de reposer la question que je vous soumettais sur ce blog au début de ce mois : depuis quand les humoristes sont-ils devenus indispensables à une tranche d’information matinale à la radio ?
(Ce qui suit est une rediffusion de mon texte du 8 octobre dernier)
L’éviction de Stéphane Guillon et de Didier Porte à la fin de la saison dernière a provoqué une bronca à France-Inter, comme si le sort de la station publique reposait uniquement sur eux. Les autres grandes radios nationales comptent également beaucoup sur la petite séquence en principe marrante qui fédère une audience appréciable.
Ainsi donc, les Français, entre la tartine grillée, la brosse à dents et les embouteillages, n’accepteraient pas de se passer d’une petite tranche de bonne rigolade. Un amuseur, un imitateur, un chansonnier, chaque antenne veut avoir le sien (même France Bleu Ile-de-France !).
C’est un phénomène récent. Pendant des décennies, on a fait de la radio en France le matin sans avoir recours à un rigolo de service. Il n’y a encore pas si longtemps, les infos à la radio c’était : donner les dernières nouvelles l’heure et la météo, interviewer les personnalités dans l’actualité.
Un jour, le directeur d’une radio (je ne sais plus laquelle) a dû se dire que ce menu rigoureux était indigeste. Pour faire passer cette pilule amère, il était indispensable de l’entourer d’un peu de sucre. Les infos, c’est anxiogène. Rions un peu !
L’idée vient sans doute indirectement des « Guignols » de Canal +. Les spécialistes avaient remarqué, il y a une quinzaine d’années, que de nombreux téléspectateurs (les jeunes, en particulier) s’informaient exclusivement en regardant « Les Guignols ». La parodie était plus attirante que l’original. Le meilleur atout de Chirac dans la campagne de 1995, ce fut peut-être sa marionnette des « Guignols ».
Depuis, le contexte a changé. Les médias se sont atomisés, le public s’est dispersé en ayant recours à un nombre grandissant de supports (presse gratuite, multiplication des stations de radio, TNT, internet.)
Pour tenter de rallier une audience très sollicitée, il faut donc un produit d’appel, un rendez-vous présenté comme caustique ou désopilant. Les auditeurs écoutent probablement sans passion le résumé des informations fait par un journaliste. Mais quand surgit l’amuseur officiel, on monte le son !
Le réel est en effet bien triste : les grèves, les retraites, les terroristes. Oublions tout ça en nous fendant la poire. C’est « la promesse », comme disent les pubeurs et les gens du marketing qui désormais dirigent les radios. La promesse est inégalement tenue, comme le démontrent les piteuses prestations des nouveaux bouffons que France-Inter tente actuellement d’imposer.
Rire, pourquoi pas ? Ce n’est pas un péché. Mais la présence, désormais inévitable, de ces séquences boute-en-train constitue pour les rédactions de radio (et pour les journalistes en général) un aveu d’échec.
Les émissions d’information pure et dure (style Europe 1 des années 60-70) sont devenues rébarbatives pour le public. Pour attirer le chaland, on lui annonce qu’il va se marrer, pas pendant des heures, mais pendant quelques minutes, en général en fin de tranche matinale pour conserver les clients jusqu’au bout.
C’est le sussucre qu’on donne au chien-chien s’il a été sage. Ou la carotte qui pend devant les naseaux de l’âne et qui le fait avancer.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire