"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

mercredi 27 octobre 2010

Tout ça pour ça


Cette fichue réforme des retraites est donc votée définitivement. Vous en doutiez ? Nous allons enfin sortir de ce psychodrame ridicule et inutile.

Dans cette histoire, il n’y a que des perdants.

D’abord le gouvernement et le président Sarkozy qui ont été incapables de proposer des explications convaincantes et d’offrir une pédagogie efficace afin d’imposer un texte nécessaire même s’il est d’une effarante timidité. Cette réforme est largement insuffisante. Les sacrifices à venir seront encore plus cruels. Parions que nous rouvrirons le dossier des retraites, exactement le même, dans moins de cinq ans.

Mais le pouvoir actuel, handicapé par un climat délétère (l’affaire Woerth-Bettencourt, la surenchère sécuritaire, etc.), a perdu sa légitimité. Plus personne n’écoute les membres de ce gouvernement. Plus grave sans doute, le président de la République réunit sur son nom une énorme majorité de mécontents : 70 %. Dans ces conditions, comment voulez-vous rendre populaire ou, au moins, acceptable une réforme qui exige de faire des sacrifices ?

L’opposition n’est guère plus glorieuse. Les cerveaux du Parti Socialiste n’ignorent pas qu’il est impossible de maintenir en l’état le système actuel des retraites, ainsi que bon nombre « d’acquis sociaux » (comme ces funestes 35 h). Mais personne au PS n’a le courage de le dire. Ecoutez attentivement les déclarations faites depuis un mois par tous les ténors socialistes sur les retraites. Je n’ai entendu que du louvoiement. Ils promettent, la main sur le cœur, de revenir au départ à 60 ans s’ils retournent aux affaires. C’est un mensonge qui ne sera pas tenu, tout simplement parce que c’est intenable. Là encore, prenons date.

Dans ce capharnaüm, le pompon revient quand même aux syndicats. C’est quoi le syndicalisme en France ? Rien du tout. Et c’est d’ailleurs un drame. Si les syndicats étaient mieux implantés, vraiment représentatifs, ils ne seraient pas forcés de faire de la surenchère. Le syndicalisme français ne repose que sur la vocifération et l’excès. Il est inopérant. Son râle permanent est un cri de détresse avant l’agonie.

Les syndicats en France, malgré leur forte faculté de nuisance dans certains secteurs, sont quasi inexistants. Le taux de syndicalisation des salariés français est de 8% (secteur public et privé confondus). Dans le secteur privé, c’est moins de 5%. François Chérèque ou Bernard Thibault sont les leaders bruyants de groupuscules insignifiants.

Rappelons ensuite que ce sont les professions les plus protégées qui ont, comme d’habitude, pourri la vie des millions de Français ces dernières semaines. Le conducteur de la SNCF qui n’a pas pris les manettes de son train en faisant grève récemment partira néanmoins à la retraite à 50 ans. La réforme actuelle ne le concerne pas du tout. Si le calendrier est respecté, son sort sera éventuellement examiné dans une quinzaine d’années avec beaucoup de généreux accommodements.

Enfin, deux mots sur la jeunesse, la jeunesse syndiquée, spécialité française. Dans aucun autre pays, on ne trouve la trace d’un « syndicat lycéen ». Cette notion, c’est tout simplement du délire. Le fait même qu’on puisse reconnaître l’existence de syndicats lycéens me laisse profondément perplexe.

Il y a dans notre pays plus de deux millions de lycéens. Les deux principaux ‘syndicats de lycéens’ (UNL et FIDL) revendiquent ensemble 13.000 adhérents (chiffre autoproclamé totalement invérifiable). Le ratio est éloquent : 13.000 militants sur 2 millions de lycéens. Il n’empêche que cette infime minorité agissante a réussi à entrainer les autres dans un mouvement ubuesque. Les adolescents inquiets pour leur retraite ? Vaste blague. Vont-ils bientôt défiler pour exiger une garantie obsèques ?

Du côté des étudiants, la mobilisation a été assez poussive. Là encore, il est utile de rappeler que le principal syndicat étudiant, l’UNEF, est pratiquement inexistant. Il y a environ 2,2 millions étudiants en France. L’UNEF ne compte que 30.000 adhérents. C’est très faiblard. L’UNEF est un ectoplasme à qui on donne exagérément la parole.

Bon, maintenant, ce petit monôme automnal est terminé. Il aura suffit d’une période de vacances et la perspective des dépôts de chrysanthèmes de la Toussaint pour calmer tout le monde, y compris les ramasseurs de poubelles de Marseille.

Le PS va pouvoir revenir à l’essentiel : l’organisation de ses prometteuses primaires. Le président Sarkozy tentera prochainement d’amuser la galerie avec un exercice moyennement divertissant : un remaniement gouvernemental.

La France, déjà au bord de la banqueroute, aura perdu presque 3 mois en vaine agitation.

Et en 2013, que fera-t-on ? Surprise ! On entamera une nouvelle réforme du système des retraites. C’est déjà prévu. Sisyphe est prévenu.

1 commentaire:

Marc a dit…

En URSS, on disait que le slogan des ouvriers était le suivant: « Ils font semblant de nous payer, on fait semblant de travailler ».

En France, le slogan pourrait être: « Ils font semblant de faire une vraie réforme (UMP), on fait semblant de proposer une vraie alternative (PS) ». On est bien guidé...