"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

mardi 11 janvier 2011

Robert Ménard : notre petit Savonarole.

Je suis à la trace depuis longtemps Robert Ménard, haute conscience autoproclamée du journalisme et des droits de l’homme.


Ce matin, j’ai encore eu l’occasion d’écouter ce personnage encombrant qui était l’invité du quart d’heure média de France-Inter animé par Guillaume Erner.
C’était du grand Ménard, un concentré magnifique de la pensée ménardienne.

Ménard a réitéré son soutien à la peine de mort. Sur ce sujet, en décembre dernier, Ménard s’était pourtant fait clouer le bec en direct sur I-télé par le jeune et talentueux Julian Bugier. Ménard, même remis à sa place, reste inébranlable. Cet homme est un menhir granitique.

Ce matin sur France-Inter, il n’a pas eu le temps de rappeler qu’il avait aussi justifié la torture sur France-Culture en février 2007 à propos de l’enlèvement et de l’assassinat du journaliste américain Daniel Pearl.

Concernant la torture, Ménard s’était exprimé alors qu’il était encore secrétaire général à vie (oui : à vie !) de l’association «Reporters sans frontières» créée par lui en 1985. RSF, association militant pour la liberté et les droits de l’homme et dont le secrétaire général de l’époque justifiait la torture. Cherchez l’erreur.

Souvenez-vous. Sous la bannière de RSF et au nom de toute une profession qu’il prétendait incarner sans que celle-ci ait eu son mot à dire, le même Robert Ménard est allé gesticuler, d’Olympie à Pékin, pour la défense du Tibet. Pauvres Tibétains ! Et on imagine à quel point le Parti Communiste chinois a tremblé sur ses bases face à la croisade de Bob la menace...

Ménard a quitté subitement RSF en septembre 2008. De mystérieux soupçons de collusion avec la CIA ont circulé à l’époque. Difficile à vérifier. Si la CIA en a vraiment été réduite à s’appuyer sur ce type de relais, voilà une nouvelle raison de s’inquiéter du bon fonctionnement des services secrets américains. Qu’en dit Wikileaks ?

Aussitôt après son départ de RSF, Robert Ménard est allé se changer les idées au Qatar où il a dirigé un improbable «Centre pour la liberté de l’information». Au conseil d’administration de ce centre figurait notamment Patrick Poivre d’Arvor, pas encore immergé dans la vie d’Hemingway.

A Doha, Ménard a mis un an pour comprendre la contradiction flagrante qui existe entre le Qatar, riche monarchie du Golfe Persique couvée par la France, et la liberté de l’information. A RSF, Ménard n’avait pourtant cessé de dénoncer auparavant les entraves à la liberté d’informer au Qatar. On espère que cette traversée du désert qatari a été rémunératrice pour notre Savonarole et que sa conscience meurtrie a été soulagée par d’épaisses liasses de pétrodollars.

Il est rentré en France et dispose désormais d’une tribune quotidienne sur I-télé. D’autres médias continuent de l’inviter sans cesse, comme France-Inter ce matin. Il vocifère régulièrement aussi, me dit-on, sur RTL.

Robert Ménard ce mardi, au micro de la radio publique, a confirmé qu’il avait voté pour Nicolas Sarkozy en 2007. Ce n’est pas très original ni répréhensible. Une majorité de Français l’a fait. Le président de la République l’a remercié en le décorant de la Légion d’Honneur. L’Honneur parfait de Ménard lui vaut donc une médaille de la Légion du même nom.

Qu’aurions nous fait si Ménard n’était pas né à Oran le 6 juillet 1953, fils d’un imprimeur proche de l’OAS, et s’il n’avait pas créé RSF ? Je mentionne l’OAS en soulignant évidemment que personne n’est responsable des actes de ses parents.
Comment aurions-nous survécu, comment la liberté de la presse se serait-elle défendue sans l’apparition salutaire de Robert Ménard ? Je l'ignore. Quelle angoisse, quand on y songe ! N'avions-nous donc aucun rempart contre l'oppression et la vilaine censure avant le surgissement miraculeux de Super-Robert ?

Qui est Robert Ménard ?

Quand on fouille dans son époustouflant cursus, Ménard, 57 ans, fut à ses débuts un sympathique agitateur. Dans sa jeunesse fluctuante, au sortir d’excellentes institutions catholiques et privées, il oscille entre le gauchisme et le socialisme. Ce n’est pas non plus très original. Plus tard, cela conduit parfois à voter pour Nicolas Sarkozy.

Par les hasards de la vie, à la fin des années 70, il commence à s'exprimer sur une radio libre de Béziers. La radio est vite interdite. François Mitterrand, pas encore élu président, n’a pas encore brisé le monopole des ondes. Mais Ménard obtient le soutien devant la justice de Mitterrand, alors leader du PS. Puis Ménard crée un éphémère magazine gratuit, toujours à Béziers. Les annonceurs publicitaires sont rares. La feuille de chou disparaît. Alors, Ménard s'aperçoit qu'il doit gagner sa croûte. Il travaille pendant 6 ans à Radio-France-Hérault, à Montpellier.

On aimerait tant que les archives de l'Institut National de l'Audiovisuel nous fassent partager les prouesses radiophoniques de notre Robert dans l'Hérault ! Si par malheur ces trésors n’ont pas été conservés, quelle perte !

C'est donc ainsi que s'est achevée en 1989 l’épopée fulgurante et prometteuse de la jeune carrière journalistique de Robert Ménard.

Elle se résume rapidement : une radio pirate avec une audience confidentielle, un magazine gratuit qui a fait faillite et quelques courtes années dans une antenne locale de la radio d’Etat.

C’est sur ce mince palmarès que Ménard s’est façonné un rôle qui lui confère encore une incompréhensible visibilité : porte-étendard universel du journalisme intègre avec l’étiquette «Reporters sans Frontières», lui qui ne connaissait au départ que les frontières de l’Hérault.

N'est pas Joseph Kessel qui veut. Albert Londres peut reposer en paix.

Robert Ménard a néanmoins toujours été persuadé de son importance. Qu'on se le dise : "Robert Ménard est Robert Ménard". Pour lui, c'est déjà énorme. Beaucoup, dont moi, pensent en revanche que Ménard est plus suffisant que nécessaire.

Dans ses déclarations ce matin sur France-Inter, Robert Ménard a indiqué qu’il inviterait «avec plaisir» le prétendu humoriste Dieudonné sur I-télé. Cela ferait en effet un joli duo.

Et enfin ce matin, Ménard a enfoncé le clou sur son rejet de l’homosexualité : «Je ne suis pas homophobe, mais je n’ai pas envie que mes enfants affrontent cette difficulté». Difficulté, Robert ? Les homos sont pénibles, c’est ça ?

Robert Ménard, sur la chaine Paris-Première en février 2010, s’était fait déjà remarquer à ce propos en condamnant la diffusion prévue dans les écoles du dessin animé «Le Baiser de la Lune» qui montre, de manière allégorique, l’amour entre deux poissons mâles. Le ministre de l’Education Nationale, Luc Chatel, avait empêché la diffusion devant les marmots de ce petit film, pourtant produit en partie avec de l’argent public.

Ménard avait déclaré : «J’ai envie que mes enfants aient une sexualité hétérosexuelle».

Ménard s’était expliqué davantage dans la revue «Médias» : «Il est, en effet, plus facile d’être hétérosexuel que gay. Soucieux de mes enfants, je ne leur souhaite donc rien qui puisse rendre leur vie plus difficile, plus compliquée. Rien de plus, rien de moins. (...) Il me semble que cela tient du bon sens. (...) Je précise que j’aimerais, de plus, conduire ma fille à l’église le jour de son mariage. Et prendre, plus tard, dans mes bras, les petits-enfants qu’elle m’aura donnés. Avec un garçon. Son mari par-dessus le marché.»

Le «bon sens», selon Ménard, c’est d’être hétéro. Tout est si simple, finalement. Peu importe si, devenus plus grands, les enfants de Ménard ne partagent pas les «envies» de leur papa. Quand on vous dit que Ménard, de Montpellier au Qatar, est un grand défenseur des libertés, publiques et privées !

Robert Ménard a reçu une éducation catholique et il y est fidèle. C’est parfaitement cohérent, pour une fois. Il a même envisagé dans sa jeunesse de devenir prêtre, ce qui au passage ne l’aurait pas protégé de l’homosexualité, comme chacun sait.

Robert Ménard n’est pas devenu prêtre. Il est devenu Pape du journalisme. Et soupape du populisme, mangeant à tous les râteliers, éructant à tous les micros qu’on persiste à lui tendre.

Robert Ménard, pour sa défense, s’est présenté comme «un beauf absolu». Une rare lueur de lucidité.
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J'ajoute à cet article un autre développement, en date du 1er avril 2011. Ce n'est malheureusement pas une farce : Robert Ménard devient un bon petit soldat du Front National en signant un pamphlet intitulé : "Vive Le Pen !" 

8 commentaires:

Anonyme a dit…

En dehors du fait que vous n'aimez pas Ménard et c'est bien votre droit, deux points me choquent dans ce que vous écrivez sur lui.
1. il "préfère" que ses enfants soient hétéros. Ce doit être le cas de 99% des parents. Ca ne signifie pas qu'ils sont homophobes, mais qu'ils envisagent pour leurs enfants, a priori (ce qui signifie AVANT TOUTE EXPERIENCE), les voies les plus apaisées. Si vous me trouvez des parents qui rêvent que leur enfant devienne transexuel, présentez les moi. Il n'a pas dit, qu'il zigouillerait son fils s'il était gay, non?
Par ailleurs, vous terminez votre pamphlet en semblant regretter "qu'on persiste à lui tendre des micros". Ce qui signifie, si l'on comprend bien, que quiconque ne partage pas VOS valeurs devrait être réduit au silence. Etrange conception de la liberté d'expression, pour quelqu'un qui possède un blog... lieu de cette liberté, à ce qu'on dit.

ANYHOW a dit…

Cher ou chère anonyme,

Vous avez une approche de l'homosexualité qui rejoint celle de Robert Ménard. Que voulez-vous dire quand vous écrivez qu'une majorité de parents "envisagent pour leurs enfants les voies les plus apaisées" ? Apaisées par rapport à quoi ? S'agit-il d'un tourment effrayant ? Pour qui ? Pour vous ?

Les parents "envisagent" des choses pour leurs enfants. C'est leur rôle. C'est ce qu'on appelle l'éducation et la transmission. C'est essentiel. Mais il y a des aspects de la vie sur lesquels les parents n'ont pas prise.

L'homosexualité n'est pas un choix. Elle s'impose. Certains parents regrettent l'homosexualité si elle se révèle chez l'un de leurs enfants. Mais ils n'ont pas d'alternative.

La préférence sexuelle est une composante de la personnalité. C'est une préférence "a priori", comme vous dites, AVANT TOUTE EXPERIENCE....

L'homosexualité n'est pas acquise, elle est innée. Ce n'est pas un phénomène culturel. Les bonnes ou les "mauvaises" fréquentations, l'éducation, la morale chrétienne ou autre n'y changent rien.

Je pensais qu'au 3ème millénaire, ces données élémentaires étaient connues de tous.

Si vous avez des enfants, vous ne souhaitez sans doute pas que l'un d'eux soit homosexuel. J'ai bien compris. Mais vous n'y pouvez rien.

Ce ne sera pas forcément facile, ni pour vous, ni pour l'enfant en question, surtout si cet enfant doit vivre dans votre réprobation et votre ressentiment et que vous vous plongez dans une mauvaise conscience ou une culpabilité hors de propos. Dans ce cas, nous serons loin des "voies apaisées" que vous recherchez.

Concernant la parole donnée partout à Robert Ménard, non, je ne partage pas ses valeurs.

Quelles valeurs d'ailleurs ? Défendre la peine de mort, la torture, combattre l'homosexualité, s'agiter sans mandat pour défendre les journalistes qui ne lui ont rien demandé ? Ce ne sont pas des valeurs, ce sont des opinions.

Je les condamne, comme je réprouve l'attitude générale du personnage. Je ne veux pas le faire taire. D'ailleurs, comment le pourrais-je ? Ce que je regrette, c'est la place démesurée qu'il occupe.

Bien à vous,
ANYHOW

Anonyme a dit…

Je suis un autre anonyme (vous me pardonnerez?; en même temps,Anyshow, ne doit pas être votre véritable nom...)

Je suis d'accord avec l'intervenant précedent que vous faites semblant de ne pas comprendre.
Que les choses soient claires.
J'ai un fils ou une fille et l'on me demande "Voudriez-vous qu'ils soient homosexuels?" ma réponse est non.
Pourquoi cette réponse?La vie d'un/une homosexuel est difficile (taux de suicide amplifié par exemple), rejet voire violence, difficulté à avoir des enfants...

Autre question :"Allez-vous rejeter votre fils (ou fille) si il est homo?"
Non, il y'aura autant d'amour de ma part et je ne vais pas chercher à le "changer".C'est un fait.Il aura mon soutient, y compris dans son "coming out".
Voilà, c'est tout simple.
C'est grave docteur Anyshow?

Anonyme a dit…

un soutien.Désolé.

Anonyme a dit…

Suite à la visite de Juppé en Tunisie et à la recherche de commentaires sur l'Ambassade de France en Tunisie, de fil barbelé en aiguille à matelas, je trouve un lien avec l'inénarrable Ménard; il fut un ami des tunisiens, fustigeant le régime ben ali, organisant des mini manifs, se faisant interdire l'entrée dans le pays... il a tenté d'être un héros. Patatras, serions nous obligés de reconnaitre que le régime de ben ali avait raison en ce qui le concerne ? Le personnage m'a toujours paru douteux, à tous points de vue, et ça s'était confirmé en apprenant son statut à RSF !! et pourtant nous sommes nombreux à avoir acheté le livre ... la question reste entière : pour qui roule-t-il ?

Anonyme a dit…

Je tombe par hasard sur votre pamphlet. Je ne vous connais pas, mais je pense qu'une bonne séance chez un psy vous aiderai.
Pourquoi tant de jalousie ?
même le fait d'essayer de lancer un journal gratuit ne trouve pas grâce à vos yeux. Vous préférez que ce soit fait par des milliardaires ?
Je pense que cette personne vous est insupportable parce qu'on parle d'elle.
Posez-vous la question : Qu'a -t-il fait de bien ? est-il vraiment pour la torture, ou est-ce que cela vous arrange ?
Autant de haine, ça cache quelque chose. Je vous souhaite malgré tout d'être heureux tout en étant passionné par Robert Ménard qui, j'imagine vous fait de l'ombre.
calmez-vous, ce n'est pas grave.
Cordialement.

Anonyme a dit…

"L'homosexualité n'est pas acquise, elle est innée."
Donc, l'homosexualité est conditionnée par des facteurs génétiques ? Quelles preuves avez-vous ?

Anonyme a dit…

"L'homosexualité n'est pas acquise, elle est innée. Ce n'est pas un phénomène culturel. Les bonnes ou les "mauvaises" fréquentations, l'éducation, la morale chrétienne ou autre n'y changent rien"

Vous êtes sérieux là ? Vous pensez sincèrement qu'un enfant qui décide de devenir homosexuel à 15 ans le serait devenu quelle que soit sa vie ? Pour vous c'est génétique alors ?

Je pense que vous confondez "transsexuel" et "homosexuel" mon cher... Le premier est effectivement une erreur, une femme dans un corps d'homme (ou inversement). Il assume totalement son identité sexuelle au point de modifier complètement son apparence pour devenir l'autre.

Et que dire des mecs qui, à 40 balais, et après s'être marié et avoir eu des gosses se découvrent un penchant pour le batifolage entre garçons ? C'est quelque chose d'innée aussi ?

Et la bi-sexualité ? Et l'échangisme ? innés aussi ?

Vos propos sont dégoulinants de mauvaise foi et de boboïtude à la sauce gauchot... Vous êtes si formaté que vous êtes capable de reprocher à un père de ne pas souhaiter que son gosse devienne un jour homo, c'est pathétique, mais 100% gauchot.