"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

vendredi 15 avril 2011

L'amour cadenassé

Ce n’est pas une découverte. Mais en passant de la rive gauche à la rive droite en empruntant la belle passerelle Solférino (rebaptisée «Léopold Sédar Senghor») qui relie le quai Anatole France aux jardins des Tuileries, je n’ai pas résisté à la tentation de photographier les cadenas accrochés par milliers aux grilles de l’ouvrage.
Ils sont laissés par des couples qui jettent la clé dans la Seine et qui, par ce geste, veulent sceller à jamais leur union. Les cadenas sont accrochés du côté du soleil couchant. C'est plus romantique.
Il y a donc à cet endroit là, au fond du fleuve, des milliers de clés de cadenas.
L’histoire ne dit pas combien de couples ont regretté ensuite de ne pas avoir gardé la clé. Ni si l’un ou l’autre des membres de ces couples ne s’est pas procuré plus tard un autre cadenas afin de l’installer sur un autre pont (ou sur le même, trahison !) en y accolant le prénom du nouvel être aimé. La plupart des cadenas sont en effet personnalisés.


La Mairie de Paris envisage régulièrement d’arracher cette quincaillerie sentimentale. Au printemps de l'année dernière, presque tous des cadenas accrochés sur les grillages du Pont des Arts tout proche ont disparu. La municipalité et la Préfecture de Police affirment n'y être pour rien. Une hypothèse circule : des ferrailleurs sans coeur et armés d'une bonne tenaille ont peut-être récupéré ces pièces métalliques pour les fondre et les revendre.
Le phénomène n’est pas exclusivement parisien comme nous le raconte un blog très documenté «Archéologie du futur, archéologie du quotidien»
On y a apprend que ce rite amoureux très ancien s'est beaucoup développé en Italie en 2006 avec la parution de «Ho voglia di te» («J’ai envie de toi») de Federico Moccia. Dans ce roman à l'eau de rose, Step le beau ténébreux et Gin la rebelle se jurent un amour éternel. 
Pour sceller leur promesse, ils accrochent un cadenas gravé de leurs deux noms au troisième lampadaire du ponte Milvio à Rome, jettent la clé dans le Tibre et s'embrassent. Le roman et une version cinématographique ont eu un énorme succès auprès des adolescents. La mode des cadenas s'est répandue comme une trainée de poudre en Italie et ailleurs dans le monde.
La pratique du cadenas amoureux a ainsi été observée à Moscou, sur le pont Luzhov, sur le pont Pecs de Prague et même en Corée du Sud. A Florence, la police interpelle les couples qui tenteraient d’enchainer le symbole de leur passion sur le Ponte Vecchio.

Un cadenas coûte entre 10 et 20 €. 
L’amour n’a pas de prix.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

A Anyhow
Ce n'est peut-être pas le Pont-des-Arts, mais ça y ressemble. Et c'est tout de même Paris, la Seine, et le brouhaha qu'on perçoit de là-haut, bateaux-mouches et voies-sur-berges, que j'entends d'ici.
Lors de mon dernier passage à Paris, et de mon pélerinage sur le Pont, j'avais découvert avec surprise les cadenas qui n'y étaient pas la fois précédente.

Bravo pour l'étude circonstanciée qui suit, et l'historique de cette coutume plutôt sympathique, même si il vaut mieux éviter de penser à ce que sont devenus les couples passés par là.
Merci d'avoir tenu votre promesse.
Comment vous faire parvenir mes 3 cocotiers?

ANYHOW a dit…

Chère anonyme de Saint-Pierre de La Réunion,
Conservez précieusement vos cocotiers. Il n'est pas impossible que je vienne les chercher moi-même...
Je ne peux pas en dire davantage. Vous comprendrez plus tard.