Mais je suis prêt à un petit sacrifice esthétique car l’Occident ne doit pas oublier cette opposante birmane, victorieuse des élections de 1990 mais placée en résidence surveillée par la junte militaire qui pressure un peuple tout entier, le coupant du monde et le plongeant dans l’oppression et parfois la famine. Le courage et la dignité d’Aung San Suu Kyi ne sont pas sans rappeler la lutte pour la justice et la démocratie de Nelson Mandela en Afrique du Sud.
Depuis aujourd’hui, il n’est plus possible de lire le nom d’Aung San Suu Kyi sur l’affiche qui la représente sur la Place de la République. Son nom a été peinturluré par les élèves « en révolte » des lycées Voltaire et Turgot, proches de la place. « C’est qui, celle-là ? » ont du se demander ce matin les jeunes gens qui ont occupé les lieux pendant trois bonnes heures en bloquant totalement la circulation. « Taguons la Birmane, notre combat est plus important, notre colère plus juste » se sont sûrement dit les lycéens de Voltaire et de Turgot.
Beaucoup de ces lycéens sont convaincus néanmoins qu’ils vivent des temps très difficiles, sous une affreuse dictature dirigée aveuglement par Nicolas Sarkozy. Je recommande à ces lycéens de se renseigner sur les dictatures, en commençant par la Birmanie. C’est un bon exemple. A mon avis, Aung San Suu Kyi a d’excellentes raisons d’être révoltée, beaucoup plus que ces lycéens parisiens qui ont rayé son nom pour imposer leur slogan un peu court.
Je repensais aussi à des lycéens qui vivaient à Paris en 1940. Eux aussi avaient quelques motifs d’insatisfaction. Il y a 70 ans, Paris était occupé par l’armée nazie. Quand on est lycéen, il y a de quoi être un peu énervé. Mais, à cette époque, pour manifester sa « révolte » (pour reprendre le mot des lycéens de Turgot et Voltaire), il fallait un peu de courage.
Les jours précédant le 11 novembre 1940, des tracts ont circulé dans les lycées parisiens, notamment à Janson de Sailly, Carnot, Condorcet, Buffon, Chaptal et Henri IV, ainsi qu'à la Corpo de Droit, dans le Quartier latin, appelant à manifester le jour de l'Armistice, à 17 h 30. Le 10 novembre 1940, plusieurs journaux parisiens publient un communiqué de la préfecture de police stipulant que : « Les administrations publiques et les entreprises privées travailleront normalement le 11 novembre à Paris et dans le département de la Seine. Les cérémonies commémoratives n'auront pas lieu. Aucune démonstration publique ne sera tolérée ».
Des instructions très fermes ont été transmises aux inspecteurs d'académie et aux chefs d'établissement : les cours ne doivent pas être interrompus et la traditionnelle commémoration devant le monument aux morts de chaque établissement devra se dérouler en présence des seuls professeurs. Le matin du 11, des inspecteurs de police visitent les lycées parisiens, ne constatant rien d'anormal. Mais à partir de 16 heures, à la sortie des cours, une majorité de jeunes, mais aussi des enseignants, des parents d'élèves, des anciens combattants. commencèrent à confluer vers les Champs-Élysées. D'abord silencieuse, la manifestation laisse bientôt échapper des acclamations faisant référence au général de Gaulle, et quelques drapeaux tricolores feront aussi leur apparition. La répression par la Wehrmacht commencera à 18 h 00. Il y eut une centaine d'arrestations, dont 90 lycéens et quelques blessés.
Au total, environ 2500 jeunes gens ont participé à ce qui fut l'une des premières manifestations collectives de résistance à l'occupant.
La junte birmane et l’occupation nazie représentent incontestablement des raisons légitimes pour se révolter, résister, se mettre en danger.
Faire joujou avec des poubelles dans les rues de Paris en 2010 ne me semble pas aussi nécessaire. Vous allez voir que les lycéens d’aujourd’hui, après avoir manifesté pour le statu quo sur les retraites, vont bientôt défiler pour obtenir une meilleure garantie obsèques.
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