"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

lundi 1 novembre 2010

Eros et Thanatos, version Philip Roth


Un bon livre n’est pas forcément un gros livre, voici la preuve en moins de 200 pages avec «Indignation» (Gallimard) de Philip Roth.

Je reconnais que je ne vais pas chercher des amateurs ni des débutants. Je me demande d’ailleurs si les jurés du Nobel vont se décider à distinguer Roth avant qu’il ne soit trop tard.

Ce livre est le vingt-neuvième de l’écrivain américain. L’ouvrage est tellement incisif et nerveux que l’on dirait un premier roman, même si l’auteur a 77 ans.

C’est un récit initiatique, l’éclosion d’un étudiant des années 50, fils d’un couple de bouchers cashers du New Jersey. Roth est né dans cet Etat, précisément dans la ville de Newark. Le portrait des parents est savoureux et angoissant. Roth a toujours eu un regard perçant sur la judaïté.

L’étudiant prénommé Marcus échappe au pesant carcan familial en allant faire des études, très loin, dans une petite université de l’Ohio. Le personnage (qui est le narrateur) est obsédé par la réussite, par le désir de bien faire. Mais le sexe et la mort (Eros et Thanatos, thèmes favoris de Roth) le hantent encore plus.

Pour résumer et sans rien dévoiler de l’intrigue très riche, entre fellation et guerre de Corée, c’est pipe et casse-pipe.

La construction du livre est remarquable, l’écriture dynamique et resserrée. Roth nous offre plusieurs scènes mémorables : la confrontation de Marcus avec le doyen ou encore la grande razzia sur les petites culottes dans les dortoirs des filles.

Les personnages ont une vraie épaisseur, une complexité insondable : Marcus d’abord, jeune homme orgueilleux et incertain, déterminé mais rongé par le doute. Il y aussi Olivia, la fragile ensorceleuse qui -sans le vouloir- conduira Marcus à sa perte. Sans oublier tous les autres personnages secondaires : les étudiants, le doyen, les parents de Marcus.

J’espère qu’on ne fera pas un film de ce livre. J’ai déjà toutes les images en tête. Personne, avec une caméra, ne fera mieux que Philip Roth.

Honte à moi, j’aurais dû lire ce livre en anglais, lors de sa première parution aux Etats-Unisen en 2008. Rendons donc hommage à la traductrice Marie-Claire Pasquier qui a fait pour Gallimard un excellent travail, comme d’habitude.

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