Aucun autre pays que le nôtre n’a jamais consacré autant de temps et d’énergie à un remaniement gouvernemental, surtout pour conserver le même premier ministre et la plupart des membres du gouvernement précédent.
Ce remaniement avait été annoncé par le président de la République il y a six mois.
Pendant cette longue période, les cabinets ministériels ont vécu dans l’attente et l’incertitude, un climat qui n’est guère propice à un travail serein orienté vers le long terme. Les collaborateurs des ministres, préoccupés par leur avenir personnel et leur «recasage», ont peu à peu délaissé leur mission au service du pays. Les ministres eux-mêmes ont employé leur temps à sauver leur peau et leur portefeuille dans des combinaisons politicardes incessantes.
Pendant des semaines, la presse a relayé toutes les rumeurs, même les plus vaseuses, pour bricoler le «casting» supposé, comme si ce feuilleton assez vain méritait d’occuper la «une» aux dépens d’informations évidemment plus essentielles.
On connaît enfin le résultat depuis dimanche soir. Dans les heures précédant la promulgation solennelle, la mise en scène médiatique a été démesurée et grotesque, à l’image de ces pauvres reporters plantés indéfiniment devant les portes de l’Elysée ou Matignon, commentant le ballet des limousines noires et échafaudant des théories en l’absence de toute information tangible, le tout entrelardé des commentaires oiseux d’experts piallant sur tous les plateaux. Le degré zéro du journalisme.
Finalement, le seul à s’être distingué, c’est Olivier Mazerolle de BFMTV qui a établi une liste presque complète de l’équipe gouvernementale plus d’une heure avant sa divulgation par le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant. Bravo, Olivier ! Mais, au bout du compte, on aurait pu, sans être rongé d’inquiétude, patienter une heure de plus pour connaître la composition du gouvernement.
La séquence suivante, nous l’avons vécue hier et ajourd'hui : la passation des pouvoirs devant les micros et les caméras. Un festival d’hypocrisie : des sourires crispés, des tapes sur l’épaule, des poignées de mains fuyantes, des embrassades factices et des déclarations convenues. Les médias ont suivi ce rituel creux avec frénésie : la « standing ovation » accompagnant le départ de Jean-Louis Borloo ou encore Fadéla Amara faisant ses cartons et rentrant chez elle en métro suivie par une équipe de télé. Ridicule.
Ce soir, Nicolas Sarkozy s’invite sur trois chaines (en même temps) pour expliquer au bon peuple la signification profonde du micmac brouillon qu’il a orchestré.
Si vous avez aimé cet affligeant spectacle de politicaillerie, vous aurez droit bientôt à une suite du même tonneau. Au début de l’année, une autre coutume typiquement française va vous être offerte : la présentation des vœux.
Tous les ministres (les vieux de la vieille et les nouveaux) organiseront plusieurs réceptions et prononceront à chaque fois un petit discours faussement enjoué et prétendument mobilisateur. Il y a les vœux à la presse, aux collaborateurs, aux personnalités et représentants des secteurs qui dépendent de chaque ministère.
Nicolas Sarkozy lui-même présidera une dizaine de séances de «vœux de nouvelle année» : aux corps constitués, aux parlementaires, à la justice, à l’armée, aux «forces vives», aux diplomates, etc. Le président, qui n’aime pas beaucoup les journalistes, sauf ceux qu’il choisit, a heureusement supprimé la corvée des «vœux» à la presse.
Comme chaque année, ce cérémonial à tiroirs va s’étaler sur tout le mois de janvier !
Et, pendant ce temps-là, les comptes publics restent dans le rouge écarlate, la compétitivité de notre économie est anémique, le chômage se creuse. Vive la France...
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