"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

mardi 5 avril 2011

"Winter's bone" : un grand film américain

Je vous l’ai déjà dit : la distribution du cinéma est à tendance Kleenex. Il faut vraiment faire vite pour ne pas rater un film, surtout si c’est un film pas vraiment commercial.

Voici un nouvel exemple avec ce magnifique long métrage américain réalisé par Debra Granik. Il s’intitule «Winter’s bone». Il est sorti début mars en France. Début avril, c’est déjà un parcours du combattant pour le voir. Mais j’y suis parvenu.

Ce film est tout simplement époustouflant. J’ai rarement ressenti au cinéma une telle intensité de la première à la dernière image. 

L’histoire se situe dans la forêt de Ozarks, aux confins du Missouri. Le trou du cul de l’Amérique. Une zone de pauvreté et d’abandon. Ce n’est pas de la fiction. Il y a, dans les Etats-Unis d’aujourd’hui, des endroits oubliés, loin de Wall Street et d’Hollywood, où l’on mange peu, où l’on se chauffe mal, où l’on survit, en marge du progrès et du fric tout-puissant. J’ai vu moi-même ces secteurs négligés, ces poches de tiers-monde au sein de la première puissance économique mondiale. Il suffit d’aller dans le delta du Mississipi ou dans les réserves indiennes. On y rencontre la misère comme on la perçoit à Calcutta.

Dans le film, nous sommes donc dans le Missouri, un Etat qui servit de cadre à tant de westerns classiques. L’environnement contemporain est moins glorieux : des masures bringuebalantes, des voitures en bout de course, des taudis à la campagne. Cet univers est habité par des blancs. Des blancs pauvres. Aux Etats-Unis, il y a une expression pour ça : «white trash». Les rebuts blancs. Ils vivent là, avec trois fois rien, dans la méfiance et la violence. Il y a des flingues, de l’alcool, de la drogue.

Le personnage principal du film est une jeune fille de 17 ans. Sa mère est mutique, à demi-folle. C’est la jeune fille qui élève son petit frère et sa petite sœur. Le père a disparu. C’est un criminel, un drogué, un trafiquant. Il est activement recherché. Il ne se présente pas à son procès. La bicoque où vivent la jeune fille, sa mère, son frère et sa sœur, cette bicoque va être saisie et confisquée. La jeune fille se met à la recherche de son père, dans cette région hostile où tant de haine s’est tissée, d’abord la haine de la famille, proche ou lointaine.

Le rôle de la jeune fille est joué par une actrice absolument extraordinaire. Elle s’appelle Jennifer Lawrence. Elle est présente pratiquement dans tous les plans du film. Elle effectue ici une performance exceptionnelle. Elle incarne le film.

Je ne vous raconte pas l’histoire. Je ne vous raconte pas la fin. Je vous encourage seulement à voir ce film ou à vous procurer le DVD quand il sera disponible.

C’est une leçon de cinéma, saluée par plusieurs festivals dont celui de Sundance. C’est un coup de pied dans l’estomac. Ce n’est pas un film facile. Rien à voir avec la production française, genre «Les petits mouchoirs».

Ce film «Winter’s bone» dure 1 h 40. Je n’ai pas relevé une seule minute inutile. Tout ce qui est montré est vital, essentiel, urgent.

On sort de la projection bouleversé, étourdi, renversé.

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Voici la bande-annonce.



3 commentaires:

BWayne a dit…

Pour info, ce livre de David Woodrell est également l'objet d'une adaption en bandes dessinées. L'ouvrage doit sortir dans les jours qui viennent chez Casterman - collection Rivages/Casterman/Noir. Je ne l'ai pas lu mais ce que j'en ai vu m'incite à être curieux. Voici un lien où figurent les premières pages : http://www.bdgest.com/preview-862-BD-un-hiver-de-glace-recit-complet.html
Bien à vous.
BWayne

BWayne a dit…

Voici le lien dans son entièreté :
http://www.bdgest.com/
preview-862-BD-un-hiver-de-glace
-recit-complet.html

Re-Bien à vous.
BWayne

GED a dit…

Tout à fait d'accord avec vous, j'ai vu ce film il y a ,3 semaines au cinéma d'art et d'essai Landowski de Boulogne-Billancourt qu'il l'a passé pendant deux semaines. La salle était comble et les gens satisfaits. Pour information il y avait les trois quart de retraités dont moi, comme quoi être retraité n'est pas synonyme de Pernault et TF1.