"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

vendredi 6 mai 2011

"Tomboy", un film réussi sur l'enfance


Voici, sur le papier, un scénario impossible à porter à l’écran : l’histoire d’une fillette de 10 ans qui vient de déménager avec ses parents et sa petite sœur dans un nouveau quartier. C’est la fin de l’été, la rentrée scolaire approche.

La fillette a les cheveux courts, des allures de garçon manqué (en anglais, cela se dit «Tomboy»). Elle se mêle aux gosses du voisinage pour partager leurs jeux. Les autres enfants l’adoptent aussitôt comme un garçon, car elle en a les apparences. Laure ne les détrompe pas et se fait appeler Mickael. Combien de temps la confusion va-t-elle tenir ?

Avec un tel synopsis, on pouvait craindre le pire. La réalisatrice Céline Sciamma réussit le meilleur. C’est un film court (1 h 22), chargé d’intensité et même de suspense car tout repose sur le moment où la vérité sera révélée : Mickael n’est pas un garçon et s’appelle Laure.

J’ai aussitôt pensé à Marivaux qui affectionnait ces changements de genres et de statuts. Chez Marivaux, la légèreté du texte ne masquait pas la cruauté et la souffrance. Le film nous montre la cruauté des autres enfants quand ils découvrent la supercherie. Il y a aussi la souffrance ou plutôt les interrogations de Laure/Mickael, enfant prépubère, partagée entre le féminin et le masculin.

«Tous les enfants ont du génie, sauf Minou Drouet», disait Jean Cocteau en parlant d’une petite fille de 8 ans dont les poèmes, publiés dans les années 50, avaient connu un grand succès.

Au cinéma, tous les enfants n’ont pas du génie. Ils sont souvent mièvres ou cabotins. Pour incarner son «Tomboy», la réalisatrice a trouvé une interprète exceptionnelle : Zoé Héran, au regard magnifique et au corps encore androgyne. On espère la revoir plus tard dans un autre film, avec un autre personnage. C’est Zoé Héran qui rend l’histoire crédible et profondément troublante. Les autres très jeunes acteurs sont à l’unisson, en particulier la petite sœur espiègle qui comprend plus vite que tout le monde.

Le film n’est pas encombré de morale ni de jugements. Les adultes sont au second plan, même si les parents assument leur rôle avec bienveillance et intelligence.

Ce film rare sur l’enfance et ses tourments est réalisé avec limpidité et une grande simplicité. Tout sonne juste. Pas un soupçon de vulgarité salace. Pourtant le danger était grand, compte tenu du sujet.

C’est une incontestable réussite du cinéma français, assez inhabituelle pour être signalée.

1 commentaire:

GED a dit…

J'ai vu cet excellent film dans une salle de cinéma d'art et d'essai et j'avais noté "Film intimiste sur l'enfance entre 8 et 9 ans.
Tout en délicatesse et finesse.
Très bon film.".
La jeune actrice est formidable.