« Alé pass shifon mouyé dan la kour, don ! »
Si vous ne comprenez pas, c’est normal. C’est du créole réunionnais. Je découvre cette expression dans l’édition dominicale du «Journal de l’île de La Réunion», l’un des deux quotidiens de ce département français de l’Océan Indien.
Le Barachois à Saint-Denis de la Réunion |
Le JIR (Journal de l’île de La Réunion, comme on désigne ici ce journal) propose régulièrement une chronique sur la langue créole, signée Daniel Honoré.
Aujourd’hui, c’est l’expression précitée qui est expliquée. On peut la traduire en français de cette façon : « Va donc passer la serpillère sur la pelouse !». Manière de dire : « va voir là-bas si j’y suis !» ou bien, selon l’élégante manière de notre distingué président : « casse-toi, pov’con !».
Le « shifon mouyé », c’est la serpillère. Facile à comprendre. La « kour » en créole réunionnais n’a pas le même sens que le mot français « cour ». La « kour » à La Réunion désigne l’espace découvert autour d’une maison ou d’une case. A l’origine, la « kour » était cultivée en verger ou potager. De nos jours, la « kour » est le plus souvent recouverte d’une pelouse. L’expression invite donc l’importun auquel on s’adresse avec mépris à aller passer un coup de serpillère sur la pelouse.
Cette évocation tropicale de la serpillère m’invite à mentionner la version ch’ti de ce mot que l’on retrouve dans cette expression du patois nordiste : «J'va ker eule wassingue pour faire eul ménach.» En français : «Je vais chercher la serpillère pour faire le ménage.»
«Ker» est un verbe ch’ti qui signifie «chercher» (même origine que «quérir»). La serpillère du Nord, la «wassingue» puise son étymologie dans le flamand «wassen» (laver, proche de l’anglais «wash»).
En poursuivant cette exploration ménagère dans la francophonie, on trouve «la moppe» au Québec, «la panosse» en Suisse romande et, tout simplement, «le torchon» en Belgique.
Bon, vous n’avez pas l’obligation d’être totalement passionné par cette divagation linguistique. Si tout cela vous a ennuyé ou agacé, rien ne vous empêche de me rabrouer en me lançant : « Alé pass shifon mouyé dan la kour, don ! »