"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

jeudi 9 septembre 2010

"Champs Elysées", le retour...


Malgré tous les efforts qu’il déploie chaque dimanche en nous offrant pendant des heures de conversations doucereuses sur fond de canapé rouge, Michel Drucker a compris que la France d’aujourd’hui n’était pas pleinement heureuse.

Michel Drucker est-il en service commandé ? Est-il chargé par les plus hautes instances politiques d’accrocher quelques joyeux lampions dans l’obscurité de la crise, de faire éclater les fameuses "forces de la joie" ? Michel Drucker a décidé en tous cas de frapper fort : il sort la grosse artillerie, la méthode imparable pour faire revenir la félicité dans le pays. Il va tout simplement extraire de la naphtaline son émission culte du samedi soir « Champs Elysées ».

Pour échapper à la morosité, rien de tel qu’un flash-back de presque 30 ans.

Rappelez-vous, « Champs-Elysées », ça commençait par un générique clinquant et interminable tourné de nuit sur la supposée « plus belle avenue du monde ». Ensuite, on arrivait sur le plateau du pavillon Gabriel, en bas de l’avenue. Michel, auréolé de strass et de paillettes, nous présentait dans un rythme endiablé « une pléiade de vedettes ». C’est même là, figurez-vous, que nous avons eu la chance de voir pour la première fois Céline Dion ! C’est vous dire que « Champs Elysées » était incontournable.

« Champs Elysées » apparut en janvier 1982 sur « Antenne 2 ». Il n’y avait alors que trois chaines de télé en France. Canal + ne naîtra que deux ans plus tard.

C’est dans cette France que le retour en 2010 de « Champs Elysées » va nous replonger.

1982. François Mitterrand savait déjà qu’il avait un cancer, quelques mois après son installation à l’Elysée (tout près du pavillon Gabriel de Drucker). Pierre Mauroy, après une débauche de dépenses sociales, prit le tournant de la rigueur. Au cours de l’année, le Franc (ah ! le Franc, c’était si bien le Franc...) fut dévalué de 5,75%. La semaine de travail était de 39 heures et la retraite venait d’être fixée à 60 ans (oui, ça date de cette époque). Le chômage pointait à 6% mais la situation de l’emploi allait rapidement se dégrader.

En 1982, la marque Fuji lança sur le marché le premier appareil photo jetable (argentique bien sûr) Aucun téléphone portable à l’horizon, Internet était encore un système pour spécialistes aux Etats-Unis. Mais en France, les PTT (ça existait encore) lancèrent le Minitel. Cela fait partie des inventions françaises prétendument géniales qui n’ont intéressé personne à part les Français (comme la télé couleurs SECAM et le supersonique Concorde).

C’est vers cette France-là que Drucker gentiment nous reconduit grâce à une salutaire opération nostalgie. En 1982, le monde était beaucoup plus simple. Le mur de Berlin avait encore 7 ans devant lui. Brejnev ne mourrait pas avant la fin de l’année, tout comme Louis Aragon, disparu pendant la nuit de la Saint-Sylvestre.

En 1982, pas encore de vraie mondialisation, pas de délocalisations brutales et massives. Mais déjà l’industrie française sombrait par pans entiers, la sidérurgie en particulier. Les banlieues, comme les Minguettes près de Lyon, étaient déjà agitées. Le gouvernement de Mitterrand ne s’en préoccupait guère. Comme cache-misère, les socialistes au pouvoir lancèrent « SOS Racisme », réceptacle de la bonne conscience de gauche.

En 1982, Nicolas Sarkozy, dans l’ombre, repassait déjà l’écharpe de maire de Neuilly dont il se ceindrait l’année suivante. Et il regardait avec délectation « Champs Elysées », son émission préférée, comme il l’a confié des années plus tard. Son émission préférée car la seconde partie du titre le faisait déjà rêver.

C’était ça 1982. Et c’est cet univers féérique que Michel Drucker va ressusciter pour nous par la magie du petit écran. Par chance beaucoup des chanteurs de l’époque sont encore vivants : Dave, Rika Zaraï, Michel Sardou et évidemment Céline Dion. Des nouveaux sont apparus : Didier Barbelivien, Carla Bruni. Bref, il y a du grain à moudre....

Dommage que Guy Lux soit mort. Il aurait pu nous faire un remake du « Palmarès des Chansons ». C’était pendant les années soixante. L’époque, au cœur des trente glorieuses, était plus légère. Cette nostalgie aurait été plus facile à avaler que celle des années 80.

Mais, par rapport à Guy Lux, la supériorité de Drucker, c’est qu’il est immortel.

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