"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

mercredi 13 octobre 2010

"The Social Network"

Voici un film qui donne le tournis : « The Social Network » réalisé par David Fincher sur un scénario et des dialogues (éblouissants, le scénario et les dialogues) d’Aaron Sorkin (le créateur de la série télé « The West Wing »).

L’histoire est connue : il s’agit de la naissance et de l’expansion du réseau social « Facebook ».

Oui, ce film donne le tournis car l’histoire qu’il raconte est fulgurante. Un gamin de 19 ans, étudiant en informatique à Harvard, fabrique un site Internet d’abord réservé aux étudiants de la fameuse université proche de Boston.

Six années plus tard, le créateur pèse 20 milliards de dollars. Le site universitaire est devenu mondial. « Facebook » touche un demi-milliard de terriens, un habitant sur 14 de notre planète. Dans l’histoire de l’humanité, dans l’histoire de la communication, il n’y a aucun précédent. L’imprimerie de Gutenberg a mis des siècles à se propager. Créé il y a six ans, le site « Facebook » relie potentiellement un demi-milliard de personnes, partout dans le monde, en permanence et en temps réel.

Le film de Fincher n’est pas triomphaliste. Il ne nous présente pas une « success story ». La réussite incroyable de « Facebook » n’est pas forcément une bonne nouvelle.

Le personnage principal, c’est Mark Zuckerberg, le créateur de « Facebook ». Il a aujourd’hui 26 ans. C’est le plus jeune milliardaire au monde. Aucun film n’a été consacré auparavant à l’ascension d’un personnage aussi jeune. Aucun film n’a jamais été réalisé sur Bill Gates ou sur Steve Jobs. Mais sur Mark Zuckerberg, c’est fait.

Fincher nous propose un film haletant à partir d’un sujet qui est, a priori, non cinématographique : des écrans d’ordinateurs, des étudiants bavards et des avocats qui dialoguent dans des salles de réunion. Malgré cela, l’intensité est à son maximum.

Les acteurs sont parfaits, à commencer par Jesse Eisenberg qui incarne le personnage principal, celui de Mark Zuckerberg. Justin Timberlake (meilleur acteur que chanteur) est très convaincant dans le rôle de Sean Parker, celui qui donne le déclic capitaliste qui permet à « Facebook » d’acquérir une dimension planétaire.

La grande force de ce film, c’est que le réalisateur évite de nous proposer un documentaire sur « Facebook ». En réalité, « Facebook » est à peine évoqué dans son fonctionnement. C’est un prétexte, un support pour montrer les rivalités et les rapports de force entre les personnages.

Pendant la projection, j’ai pensé à « Citizen Kane » d’Orson Welles. Le sujet est voisin : il s’agit de l’ascension d’un magnat de la presse, personnage inspiré de William Randolph Hearst. On reste dans l’univers de la communication. Orson Welles n’avait que 25 ans au moment du tournage. Aujourd’hui, c’est sans doute Welles qui aurait inventé « Facebook ».

En voyant « The Social Network », j’ai également pensé à Balzac. Il y a dans la personnalité de Mark Zuckerberg des ressemblances avec Rastignac. Et dans le film, le cofondateur de « Facebook », évincé et grugé, plus pur et moins vorace (Eduardo Severin joué par l’excellent Andrew Garfield) fait inévitablement penser à Lucien de Rubempré.

Au XXIème siècle, comme chez Balzac, Rubempré se fait avoir. Rastignac s’en sort toujours.

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A lire (en anglais) le très bon (et très rare) portrait de Mark Zuckerberg - c'est dans 'The New Yorker' : http://www.newyorker.com/reporting/2010/09/20/100920fa_fact_vargas?currentPage=all

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