Faute de savoir se construire un avenir, la France ressasse son passé avec frénésie. Aujourd’hui, le pèlerinage obligé passe par Colombey-les-Deux-Eglises. La Haute-Marne en novembre, c’est toujours une partie de plaisir.
On viendra donc s’y prosterner avec componction à la mémoire de Charles de Gaulle, fantôme encombrant qui depuis 40 ans hante son « cher et vieux pays ». Depuis quelques jours, les chaines de télévision dégoulinent d’émissions commémoratives, le plus souvent hagiographiques, au sujet de « l’homme de la France libre ».
Le général de Gaulle est un mythe inaltérable. Chacun le revendique, même Martine Aubry et Nicolas Sarkozy ! Dans un récent sondage SOFRES, 70 % des Français estiment que Charles de Gaulle est le personnage le plus important de l’Histoire de France.
Les Français ne connaissent sans doute pas très bien leur Histoire et pas davantage l’histoire du général de Gaulle. Les manuels scolaires relayés par le bruit médiatique ambiant ont construit la légende selon laquelle le général de Gaulle a organisé à lui seul la résistance contre l’occupation allemande et a finalement gagné la deuxième guerre mondiale en faisant de la radio à Londres.
Les Français, habitants d’un pays qui rétrécit à vue d’œil, se raccrochent à des bribes lointaines de l’emphase gaullienne. L’habileté du général est d’avoir fait croire à ses contemporains que la France était encore une grande puissance, alors qu’elle ne l’est plus depuis Louis XIV. A défaut de grandeur, on se console par la grandiloquence.
En ce jour de recueillement obligatoire, il est sans doute dangereusement antinational d’évoquer les errements multiples de « l’homme du 18 juin ».
Son retour au pouvoir en 1958 est un épisode confus proche du coup d’état. Sa gestion de la guerre d’Algérie est une boucherie catastrophique accompagnée d’une suite de revirements, renoncements et trahisons (les Pieds-Noirs, les Harkis, etc.).
La France prospère des « trente glorieuses » s’endort sous le règne de de Gaulle. Pierre Viansson-Ponté en mars 1968 dans « Le Monde » remarque avec discernement que « la France s’ennuie ». Mais le vieux de Gaulle ne remarque rien et se fait surprendre comme un débutant par le monôme de Mai 68. Il panique, ressort son uniforme militaire de la naphtaline et prend un hélicoptère pour consulter Massu à Baden-Baden. C’est plutôt baderne-baderne.
La dernière scène de cette épopée, somme toute très pantouflarde, se situe il y a quarante ans exactement, le 9 novembre 1970, dans la bibliothèque de « La Boisserie », la lugubre demeure de Colombey.
Comme chaque soir, le général attend face à son téléviseur le début des actualités régionales de Champagne-Ardennes. Pour calmer son impatience avant de savourer ce programme palpitant, il a aligné devant lui, sur une table de bridge, des cartes pour faire une ‘réussite’. Il meurt quelques instants plus tard. S’il n’avait pas été fauché dans son fauteuil, il aurait sûrement affirmé à sa femme Yvonne, présente à ses côtés, qu’il avait encore gagné cette partie de cartes solitaire.
1 commentaire:
Enfin une description réaliste. Que la France sorte du mythe su grand homme.
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