"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

vendredi 4 février 2011

Un roi malgré lui : le discours d'un bègue




Règle numéro un : ne jamais lire les critiques avant de voir un film. Règle numéro deux : les lire à la rigueur après avoir vu le film, au risque d’être exaspéré.

J’ai vu ‘Le Discours d’un roi’, film éminemment britannique de Tom Hooper. Il s’agit de l’histoire du roi George VI, arrière-petit-fils de la reine Victoria et père de l’actuelle reine Elizabeth II.

Plus précisément, le film se focalise sur le bégaiement du duc d’York qui devint souverain par les caprices de l’Histoire : il prit la place de son frère Edward VIII qui abdiqua après moins d’un an de règne afin d’épouser Wallis Simpson, une divorcée américaine indésirable à Buckingham Palace.

Le bègue George VI est ‘Le Roi malgré lui’, pour reprendre le titre de l’opéra-comique d’Emmanuel Chabrier (qui s’intéresse à une toute autre dynastie, celle des Médicis).

George VI se retrouva roi d’Angleterre, du Pays de Galles, de l’Ecosse et de l’Irlande. L’Irlande, à son accession au trône, était encore totalement britannique. George VI fut aussi le dernier empereur des Indes.

Il régna également pendant quinze ans sur des dominions britanniques comme le Canada, l’Australie et les autres possessions de la couronne dans les Caraïbes et ailleurs, jusqu’à Hong Kong.

Vaste territoire pour un homme qui ne sait pas aligner deux phrases de suite sans trébucher ! Gaucher contrarié, élève médiocre, enfant déconsidéré par la famille Windsor, le prince était handicapé par ce bégaiement dont il cherchait à tout prix à se défaire.

J’ai pensé furtivement à un souverain bègue qui règne aujourd’hui : Albert de Monaco. Le prince monégasque est parfaitement bilingue (grâce à sa mère Grace Kelly). Albert ne bégaie pas en anglais mais il bégaie en français. Je l'ai constaté personnellement en le rencontrant.


'Le Discours d'un Roi' raconte une histoire vraie : la confrontation entre un aristocrate et un orthophoniste autodidacte, extravagant et australien. Ce dernier va réussir à faire parler presque normalement celui qui devient le roi.

Nous sommes dans les années 30. Un instrument de communication devient prépondérant : la radio que l’on appelle encore la TSF. En Allemagne, Adolf Hitler excelle au micro. Le roi d’Angleterre bafouille. Et c’est lui qui doit galvaniser son peuple au micro de la BBC, encore dotée d’un matériel primitif et envahissant. L’appareillage de l’époque, très bien montré dans le film, ravira les passionnés de l’histoire de la radio.

Evidemment, tout est bien qui finit bien : grâce aux méthodes excentriques de son ‘coach vocal’, le roi bredouillant réussit à prononcer un discours radiodiffusé crucial, au moment où les Britanniques entrent en guerre contre l’Allemagne. C’est la scène finale très intense, dans la grande tradition du ‘climax’, chère aux canons hollywoodiens.

Le film fait donc naturellement partie des grands favoris pour la prochaine cérémonie des Oscars qui aura lieu le 27 février. Il dispose de tous les ingrédients qui plaisent généralement à l’Académie du cinéma américain : une narration simple, une cinématographie léchée, de beaux décors et de jolis costumes, une ‘happy end’ et des acteurs au meilleur de leur forme.

Les scènes en duo entre le roi (Colin Firth) et l’orthophoniste (Geoffrey Rush) sont magistralement interprétées.


Hollywood adore aussi les films décrivant un handicap ou des troubles psychiques et en a couronné plusieurs : ‘Rain Man’ (1989), ‘Forrest Gump’ (1995), ‘A Beautiful Mind’ (2002).

Il y a aussi dans ‘Le Discours d’un Roi’ quelques réminiscences de ‘My Fair Lady’ récompensé aux Oscars de 1964. Le film de George Cukor est l’adaptation de la pièce ‘Pygmalion’ de George Bernard Shaw. Dans cette histoire très anglaise, un professeur de diction de la bonne société fait le pari de transformer les manières gauches et vulgaires d’une petite fleuriste, issue du peuple, en celles d’une aristocrate, une Lady.

Dans ‘Le Discours d’un Roi’, on retrouve la même dimension maïeutique mais inversée : c’est l’aristocrate handicapé par son bégaiement qui fait appel à l’homme du peuple (l’orthophoniste).

J’évoquais en commençant les critiques parfois exaspérantes. Tout en concédant qu’il s’agit d’un bon film, ‘Télérama’ et ‘Le Monde’ ont fait la fine bouche : imprécisions historiques, numéros d’acteurs, etc. De leur côté, 'Les Inrocks" flinguent consciencieusement et avec mépris le long métrage de Tom Hooper : "tragi-comédie archaïque et racoleuse (...) navet publicitaire au puissant parfum de naphtaline."

J’ai bien fait, comme je le fais toujours, de lire ces critiques après avoir vu le film.

Ce qui compte au cinéma, n’en déplaise aux grincheux, c’est aussi (mais pas obligatoirement) de passer deux heures de plaisir et d’émotion dans l’obscurité. En cela, ‘Le Discours d’un Roi’ remplit parfaitement son rôle.

En sortant de la salle, j’ai remercié les frères Lumière et leurs prédécesseurs de la fin du XIXème siècle d’avoir façonné cette magnifique invention.

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Voici la bande annonce de ce film (qu'il faut absolument voir en version originale)



11 commentaires:

princécranoir a dit…

Il ne faut pas bouder son plaisir, certes. "le discours d'un roi" n'en reste pas moins un film parmi d'autres qui ne brille (et c'est déjà pas si mal) que par son interprètation et une écriture plutôt réussie des dialogues. On s'en tire pour deux heures de nostalgie des années 30 (ce bon vieux temps où les ados récitaient du shakespeare plutôt que de se lobotomiser devant des jeux vidéos) très "papier glacé" avec pour tout message de bon aloi : "fumer n'est pas bon pour la santé". Le contexte historique reste hors-champ trop souvent et la chronique intime trop hésitante (c'est un bègue qui a écrit le scénar, c'est peut-être pour ça). C'est tout de même un peu court.

Franck a dit…

Le contexte historique de l'époque n'est pas le sujet du film. J'ai lu aussi que ça ne traitait pas assez de la communication en politique. Ce n'est pas non plus le sujet… L'affrontement Firth-Rush est un régal qui fait oublier les faiblesses du film (classique et un rien désuet). Complètement d'accord avec Jérôme, c'est un plaisir à ne pas bouder. Personne n'a annoncé un biopic sur George VI, une réflexion sur l'Angleterre des années 30 ou une étude de la monarchie britannique… Le titre et la bande annonce renseignaient sur le contenu. Reprocher à un film sur la voix et le dialogue de n'être bon que là-dessus, c'est assez fort…

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