Nafissatou Diallo, l’immigrante guinéenne, travailleuse et irréprochable, ne serait donc qu’une fieffée menteuse. Elle a accumulé sur son compte en banque 100.000 $, provenant de plusieurs versements inexpliqués en liquide (blanchiment d’argent sale ?). Elle a minoré ses revenus pour conserver un logement social. Elle a triché sur ses déclarations fiscales, en affirmant faussement avoir la garde d’un enfant, en plus de sa propre fille.
Elle possède 5 téléphones portables (ce qui est rare, surtout pour une modeste femme de chambre) qu’elle utilise beaucoup. Dès le lendemain des événements dans la suite 2806 de l’hôtel, elle a notamment téléphoné à un «boyfriend» incarcéré en Arizona pour une affaire de drogue. Dans cette conversation enregistrée par les autorités, elle a confié qu’elle espérait soutirer beaucoup d’argent à un homme riche en l'accusant.
Elle s’est embrouillée en donnant plusieurs versions contradictoires des circonstances de l’agression supposée. Elle a menti sous serment devant « le grand jury» constitué pour inculper l’accusé. Mentir devant un «grand jury» est sans doute son erreur la plus grave. La justice américaine ne plaisante pas sur ce point, susceptible à lui seul de déclencher un non-lieu en faveur de l’accusé.
Elle avait menti aussi lors de sa demande de droit de séjour aux Etats-Unis. Elle avait inventé une scène de viol collectif en Guinée, avant son départ de ce pays. Quand on invente un viol collectif, on peut aussi inventer un viol singulier dans la suite d’un grand hôtel. Qui peut le plus, peut le moins.
Il sera difficile pour les avocats de Nafissatou Diallo de continuer à défendre un dossier aussi affaibli. L’un de ces avocats, Kenneth Thompson, a utilisé hier un ton étonnamment vindicatif sur les marches du tribunal où l’accusé venait d’être remis en liberté. Thompson s’est même risqué à mettre en cause de manière virulente le procureur en charge du dossier, Cyrus Vance Jr. Stratégie hasardeuse ou désespérée qui ne devrait pas profiter à sa cliente.
A l’inverse, les avocats de l’accusé ont, depuis le début, opté pour le silence absolu, se contentant de déclarer que l’accusation ne tiendrait pas. Ce qui est en passe de se révéler exact.
A tous ceux qui ont critiqué le système judiciaire américain sans le connaître, il faut signaler que les nouveaux éléments dans cette affaire, très défavorables pour la plaignante, ont été découverts et révélés publiquement par le procureur. Ces éléments ne proviennent pas d’une quête destructrice conduite par les avocats de l’accusé qui auraient cherché à démolir l’accusatrice. C’est le procureur (qui constitue le dossier d’accusation) qui a procuré ces pièces favorables à l’accusé.
Avec un peu de recul, on peut affirmer que l’arrestation de l’accusé a été précipitée. Les motifs de l’arrestation (quelques heures seulement après les faits supposés) étaient fondés sur les seules déclarations de la plaignante. Il a fallu un mois et demi pour mesurer la faible crédibilité de ses paroles. A la décharge des enquêteurs, le premier témoignage de Nafissatou Diallo paraissait plausible sur le moment. Aux yeux de la loi américaine, l’interpellation du suspect semblait justifiée.
L’un des nouveaux éléments importants du dossier, c’est cette conversation téléphonique enregistrée entre Nafissatou Diallo et son ami incarcéré en Arizona. Les deux interlocuteurs s’exprimaient en langue peule, parlée en Guinée. Les autorités judiciaires américaines n’ont pas trouvé immédiatement un traducteur fiable pour cette langue relativement rare.
Cette conversation et le mensonge devant «le grand jury» accablent la plaignante. Malheureusement pour l’accusé, ces éléments ne sont apparus que tardivement. Néanmoins, l’enquête a progressé très rapidement (un mois et demi seulement), plus vite finalement qu’une instruction judiciaire dans le système français qui dure souvent plus d’une année, voire plusieurs.
Si la police et la justice avaient pu mesurer sur le champ la fragilité du témoignage de Nafissatou Diallo, l’interpellation du suspect n’aurait sans doute pas été aussi expéditive.
Et beaucoup de choses ne se seraient pas produites. Dominique Strauss-Kahn aurait pris normalement l’avion pour l’Europe. Il aurait pu organiser sa défense sereinement sans passer par la case prison. Il serait resté directeur général du FMI. Christine Lagarde serait restée ministre d’un gouvernement français qui n’aurait pas été remanié. Ce qui nous aurait hélas privé de l’arrivée salutaire de David Douillet. Martine Aubry ne se serait pas lancée dans la primaire socialiste. Jean-François Kahn n’aurait pas déchiré sa carte de presse après ses propos malheureux sur «le troussage de soubrette».
Tout cela si DSK n’avait pas été interpellé à Kennedy Airport le 14 mai. Et si Nafissatou Diallo n’était pas apparue si convaincante dans ses premières déclarations à la police de New York.
Le déroulement abracadabrantesque de ce feuilleton soulève encore beaucoup de questions :
- Une menteuse avérée peut être victime d’un viol. Le dossier n’est pas classé, même s’il est fortement dévalué.
- La personnalité et les comportements récurrents de DSK ont été mis au grand jour, pas à son avantage, même s’il était disculpé un jour ou l’autre dans cette affaire newyorkaise. Cela laissera des traces dans l’opinion qui a découvert pleinement à cette occasion le train de vie luxueux dont il bénéficie grâce à son épouse. Embarrassant pour un homme de gauche. La dernière manifestation de cette richesse ostentatoire, c’est ce plat de pâtes au truffes qu’il a dégusté dans un restaurant italien de Manhattan au soir de sa remise en liberté : une assiette de pâtes à 100 $ (69 €). Par chance, DSK n’a pas choisi le plat à 180 $ (124 €), le plus cher de la carte.
- Comment Nicolas Sarkozy a-t-il été informé en temps réel de l’arrestation de DSK ? A-t-il influé d’une quelconque manière ? Le président se trouvait ce soir-là au stade de France pour la finale de la coupe de France de football. On l’a vu beaucoup utiliser son téléphone portable dans la tribune d’honneur. Il est vrai qu’il le manipule de manière compulsive en toute occasion.
- La presse française et américaine s’est souvent fourvoyée en écrivant tout et son contraire au fil des mois. Le prestigieux «New York Times», par exemple, nous a offert d’abord un portrait édifiant de la malheureuse victime supposée avant de nous la dépeindre, quelques semaines plus tard, comme un personnage mythomane peu recommandable. Dans ces errements, l’auteur de ces lignes n’est pas en reste...
3 commentaires:
Bel effort de synthese froide " a chaud"! Ou plus exactement bel exercise de RETHORIQUE avec ces fausses pistes maitrisees, son doute salutaire, ses scenarios sans suite, ses effets retro.... puisqu il faut bien le croire, tous( y compris l'auteur de ses lignes) ne se passionnent finalement pour la petite histoire que pour l'inscrire dans la grande...ce qui nous laissera moins seul.
Comme nous le rappelle wikipedia "la rethorique fut des l'abord a la fois art et science au service du politique...Elle situe son action dans le monde du possible et du vraisemblable...Elle se prononce sur l'opinion, non sur l'être. Elle a sa source dans une théorie de la connaissance qui se fonde sur le vraisemblable, le plausible, le probable, non sur le vrai , la certitude logique..."
Que ceux qui etablissent un raccourcis trop commode de la transparence à la vérité y reflechissent y compris dans la "vielle presse" qui s'est crue a l occasion de l affaire DSK baignée dans le bain lustral des twitt....
Car finalement le twittisme doit lui aussi être interroge sur son rôle dans l'Affaire et après. C'est un peu ce qui manque a cet article. J'aimerais que " l'auteur de ces lignes" poursuive sa démonstration sur la figure du" plat de pâtes a 100$"... Une société où tout doit se savoir ne produit elle que du contrôle (du "salop de dsk c est vraiment un gavé!" au "Ne seront dignes de representer le peuple que ceux qui n'aurons mangé que chez Macdo" ou bien nous met elle enfin en capacite d ecrire collectivement l'Histoire?
D'où la nécessite de conitnuer à écrire. Libe a bien raison' on attend la suite.
De toute façon, ce qu'a subit DSK n'est rien comparer à ce qu'il a fait subir en tant que DG du FMI aux classes populaires et moyennes. Son image (construite sans rire) de proche des peuples est définitivement tombée. Merci aux US de nous avoir écarté ce candidat spécieux.
Je découvre avec plaisir votre blog dont j'apprécie le ton!
Comment une pauvre femme de chambre immigrée, qui travaille courageusement pour élever seule sa fille devient...une prostituée, mariée à un dealer en prison ( enfin c'est ce que j'ai lu dans certains journaux!) et dont le compte en banque est bien approvisionné!
Trop, c'est trop!
La vérité ne sera certainement jamais révélée, mais vous faîtes une analyse à la fois raisonnable et incisive de ces événements qui nous ont tous sidérés.
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