Quelle drôle d'époque !
Des catholiques défilent pour s'opposer au mariage tandis que des
homosexuels font la même chose pour le réclamer. On se bat pour ou
contre le mariage, pas forcément dans les camps prévisibles.
Certes, il s'agit
aujourd'hui du mariage dit «pour tous» qui serait étendu
aux personnes du même sexe. Mais on s'invective toujours à propos
d'un contrat civil, déclinaison païenne et surannée d'un sacrement
religieux.
Le mariage est en déclin
constant : 241.000 mariages (en 2012), moitié moins qu'à la
Libération en 1945. Dans le même temps, le PACS (qui attire très
majoritairement des hétérosexuels) est l'union désormais favorisée
par environ 200.000 couples chaque année.
Si vous voyez passer deux
cortèges nuptiaux dans une journée, n'oubliez pas que l'un des deux
roule inexorablement vers le divorce. On prononce 130.000 divorces
par an en France. Ce qui a tout changé, c'est la longévité. Le
mariage était une expérience acceptable au 19ème siècle quand
l'espérance de vie oscillait autour de 40 ans. Aujourd'hui, c'est
environ 80 ans. Quarante années supplémentaires de vie commune,
cela devient souvent (mais pas toujours) une épreuve, une promesse
qu'on ne peut tenir indéfiniment.
Les défenseurs du
mariage hétérosexuel affirment que celui-ci est le pilier de la
famille. C'est de moins en moins vrai : 55% des enfants français
naissent hors mariage et 3 millions d'enfants sont élevés dans des
familles monoparentales, surtout par des mères seules. Mariage et
procréation ne sont plus liés comme par le passé. D'ailleurs, on
se marie de plus en plus tard (autour de 30 ans) et nombre de
mariages unissent des personnes qui ne sont plus en âge d'avoir des
enfants ou qui n'en veulent surtout pas.
D'où vient d'ailleurs
cette manie de faire des enfants ? En 1950, la Terre comptait
2,5 milliards d'habitants. Nous sommes désormais 7 milliards et nous
serons 9 milliards en 2050. Il n'est sans doute pas nécessaire d'en
ajouter outre mesure, au moyen d'éprouvettes et fécondations
forcées. Cette remarque vaut autant pour les hétérosexuels que
pour les autres.
Les opposants au «mariage
pour tous» soutiennent aussi
que les enfants seront perturbés et déstabilisés par une
combinaison différente de «un papa+une maman». Rien
ne le prouve. Actuellement en France, environ 30.000 enfants sont
élevés par des couples homosexuels. A-t-on jamais signalé le
moindre incident concernant ces enfants ? En revanche, près de
100.000 enfants souffrent de maltraitance grave. Ils vivent dans des
familles «papa+maman».
En moyenne en France chaque jour, deux enfants élevés par des
couples hétérosexuels meurent des suites de maltraitance. Ce
chiffre est en augmentation constante et alarmante. Ah la famille, ce
n'est plus ce que c'était...
Que
dire aussi, pour la stabilité psychologique des enfants, de ces
familles décomposées, recomposées, éparses et fluctuantes ?
Ces tribus sans frontière se constituent au grès des mariages,
divorces et concubinages successifs. Est-ce plus sécurisant qu'un
couple stable, fût-il «papa+papa»
ou «maman+maman» ?
Malgré la capilotade du
mariage, les homosexuels veulent à tout prix installer leur petite
cabane dans ce champ de ruines. «Mêmes droits pour tous !»
proclament-ils en exigeant ainsi de se glisser dans un système à
bout de souffle.
Souvenez-vous : le
mariage n'a jamais été une revendication fondamentale des
homosexuels. Il n'y a pas si longtemps encore, ils avaient d'autres
priorités.
Pendant l'été 1969, les
jeunes homosexuels du bar «Stonewall» de
Christopher Street, harcelés et molestés par la police de
New York, déclenchent des émeutes pendant 5 jours. Ils ne réclament
pas le mariage, juste le droit d'exister sans être ostracisés.
En France, la Révolution
puis Napoléon dépénalisent l'homosexualité. Mais en 1942, le
régime de Pétain revient totalement en arrière sur ce point. A la
Libération, le code pénal reste à l'heure de Vichy. Il faut
attendre François Mitterrand et son ministre Robert Badinter pour
que l'homosexualité, en 1982, soit à nouveau sortie de la liste des
crimes et délits. Quelques années plus tard, en 1985,
l'Organisation Mondiale de la Santé retire enfin l'homosexualité du
répertoires des maladies mentales. A cette époque, les homosexuels
français ne réclament pas le mariage, ils veulent juste être
considérés comme des personnes à part entière.
Il y eut ensuite le PACS,
enfanté dans la douleur parlementaire mais désormais banalisé et
plébiscité, surtout par les hétéros. Et voici qui surgit cette
revendication, somme toute incongrue, du mariage «pour tous»,
reprise par un candidat socialiste qui, lui, ne s'est jamais marié.
Elu, François Hollande, continue de défendre mollement cette
proposition. Les homosexuels ne veulent d'ailleurs pas une formule au
rabais. Ils exigent le mariage intégral: adoption, filiation,
procréation assistée. La totale. Tant qu'à faire...
Ils veulent être «comme
les autres» pour que leur différence (qu'ils revendiquent
pourtant) soient noyée dans la masse. Ils veulent une cérémonie
officielle à la mairie et un de ces banquets où les hétérosexuels
dépensent 12.000 € (prix moyen d'une fête de mariage en France).
Ils veulent ensuite vivre «pour le meilleur et pour le pire»
dans l'intimité de leur deux-pièces-cuisine meublé chez Ikéa. Les
homosexuels veulent une existence conforme à celle de leurs parents.
Il me semblait au
contraire que l'homosexualité, dès lors qu'elle n'est plus illégale
et sujet de discrimination, était une chance de vivre autrement,
sans s'engouffrer dans la rigidité routinière du sacro-saint
«mariage». Oui, une chance de sortir des stéréotypes, du
foyer immuable. Je croyais que l'homosexualité était un privilège,
un gage de liberté, une occasion de créer des rapports différents,
pas moulés dans les conventions établies par les hétérosexuels au
fil des siècles. Il m'apparaissait même que le principal avantage de
l'homosexualité, c'est qu'on n'avait pas à se marier ni à
s'encombrer d'enfants. Je me trompais sans doute.
Certes, il faut que les
droits soient identiques, quelle que soit l'orientation sexuelle.
Mais un mariage ? Pourquoi faire ? Uniquement pour le
conformisme et les cérémonies désuètes ?
Cela n'intéressera de
toutes façons qu'une minorité d'homosexuels. En France, chaque
année, le PACS entre personnes du même sexe concerne environ 10.000
couples. Il n'est pas certain qu'il y ait autant d'engouement pour le
mariage. En Espagne ou aux Pays-Bas où le mariage est ouvert aux
homosexuels, on enregistre environ 3000 unions de ce type par an
(pour une population de 46 et 17 millions d'habitants,
respectivement).
En résumé, au nom de
l'égalité d'une part ou pour défendre la famille traditionnelle
d'autre part, on s'étripe sur une mesure qui n'intéresse qu'une
minorité dans une minorité, quelques milliers de personnes.
Tout cela est ridicule.
Si on cherche l'égalité, je formule ici une proposition simple et
concrète : l'abolition du mariage. Abolition pour tous, mariage
pour personne. Les mariages déjà contractés restent valides. Mais,
désormais, la République n'enregistre plus aucun mariage. Elle
laisse ça aux religions, si jalouses de leurs rites, de leurs
prérogatives et de leurs préjugés. Les religions restent libres
de fixer leurs critères, même les plus absurdes.
La République valide une
seule forme d'union civile pour tous, sans distinction d'orientation
sexuelle, offrant des droits et des devoirs exactement identiques. Une union qui ne prétend pas être un CDI. Il faut être réaliste :
la vie est de plus en plus longue et les couples ont presque tous une
date de péremption. C'est un contrat sérieux et légal mais on peut
s'en défaire facilement, sans drame.
Appelons ça comme on
veut. Mais, par pitié, arrêtons les mariages.