"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

samedi 30 avril 2011

La mort de la machine à écrire

C’est un article de «Rue 89» qui nous apprend la nouvelle : la dernière usine au monde fabriquant des machines à écrire mécaniques ferme ses portes. Il s’agit d’une unité de la grosse société indienne «Godrej and Boyce» qui produisait encore 10.000 machines par an.
Le cliquetis du clavier, le ruban d’encre (parfois bicolore), le retour chariot, le papier carbone : c’est donc fini. On trouve encore des machines électriques ou électroniques plus ou moins sophistiquées. Mais la bonne vieille «bécane» mécanique n’a pas survécu longtemps dans le 21ème siècle.
En fait, c’est une invention qui a eu une histoire assez fugace. Le premier brevet, déposé au Etats-Unis, date du 18ème siècle. Mais il faut attendre 1870 pour que la commercialisation commence. L’écrivain Mark Twain est l’un des premiers à soumettre un manuscrit dactylographié à son éditeur.
Moins d’un siècle et demi d’existence pour cet engin qui paraît aujourd’hui rustique mais qui a rendu de nombreux services et qui est étroitement lié à l’essor de la vie moderne, surtout de la vie de bureau.
Il faut se souvenir des «pools de dactylos», ces femmes regroupées dans une grande salle et qui, dans un bruit infernal, tapaient à la chaîne des textes pour les administrations ou les entreprises privées.
La machine à écrire mécanique avait su aussi se rendre portative. Elle était l’outil des correspondants de guerre, tapant fébrilement à deux doigts leurs articles dans l’atmosphère enfumée d’un hôtel colonial, sous un grand ventilateur, le verre de whisky à portée de main.
La machine à écrire était également l’instrument indispensable des commissariats et des gendarmeries. Combien de rapports, de dépositions, d’interrogatoires n’ont-ils pas été consignés, souvent de manière maladroite, par un clavier mécanique ?
Beaucoup d’enquêtes policières ont été éclaircies grâce à l’identification de la machine utilisée par l’auteur d’un texte anonyme. Aucune machine ne frappait les lettres exactement de la même manière.
J’ai eu, dès l’adolescence, une petite machine Olivetti verte (modèle Lettera 32) qui a fait mon enchantement. Malheureusement, au lycée, on n’avait pas le droit de rendre des devoirs dactylographiés. Aujourd’hui, les élèves composent leurs exercices sur ordinateur en s’inspirant largement de Wikipédia.
Car c’est l’ordinateur qui a eu raison de la machine à écrire. Mais dans certains coins reculés d’Afrique ou d’ailleurs, la bonne vieille machine qui fonctionne sans électricité sera regrettée.
Et pour taper une adresse sur une enveloppe, la machine à écrire demeure le moyen le plus pratique. Il faut vraiment une imprimante performante pour réussir cette manipulation sans erreur.
Les moins de 20 ans n’ont sans doute jamais vu une machine à écrire.

On va donc remiser au rayon des souvenirs cet accessoire du 20ème siècle avec la pellicule photo argentique, le Minitel, les microsillons, le Walkman à cassette et les yaourtières. Sic transit...

vendredi 29 avril 2011

Sans Kate ni William, promenade à Londres

A l'occasion du mariage de qui vous savez, je vous propose une petite promenade dans un Londres estival, sans tambours ni trompettes, ni prince, ni robe blanche et encore moins de carrosse.

Images extraites de mes archives personnelles.

(Pour agrandir, cliquez sur chaque image une ou deux fois, selon la taille de votre écran)




jeudi 28 avril 2011

Kate et William, le mariage du siècle de la semaine

"PNC à vos portes, armement des toboggans, vérification de la porte opposée".

Kate, fille d’une ancienne hôtesse de l’air et d’un ancien steward, épouse demain William, hobereau à grandes dents blanches et à demi-chauve, fils aîné d’une jolie femme malheureuse qui s’était réfugiée, en désespoir de cause, dans les bras de l’héritier d’un gros épicier arabe de Londres.


Le tout s’est terminé sur un pylône de béton dans un sous-terrain parisien, du côté de l’Alma.

Vous connaissez la blague ? Je vous la livre (sterling) : «Dîner au Ritz, filer à l’anglaise, terminer en boîte».

Et vous voudriez que nous soyons émus ? Alors, nous le sommes.

Vous nous dites que nous serons deux milliards à contempler demain à la télévision cet hymen ?

Alors, nous le serons.

Nous sommes incroyablement obéissants. 

mercredi 27 avril 2011

Schengen en peau de chagrin


L’Union Européenne se recroqueville.

L’espace Schengen comprend le territoire de 26 pays (22 de l'U.E. plus l'Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein) ayant accepté la libre circulation des personnes, des biens et des services par le franchissement sans contrainte des frontières intérieures. 

Laurent Wauquiez, ministre chargé des Affaires Européennes, interrogé aujourd'hui sur RMC, était convaincu que seuls 17 pays étaient concernés. Mais on ne peut pas tout savoir quand on est ministre, surtout sur les dossiers qu'on administre...


Cet espace Schengen regroupe 400 millions d’habitants. Il suffit que 25.000 immigrés venus d’Afrique du Nord, principalement de Tunisie, se cognent à cet espace pour que les autorités politiques de certains pays européens se raidissent, prises d’une panique irrationnelle. On agite la peur de l’étranger, la menace d’une invasion par des hordes voraces. 25.000 contre 400 millions.

Malgré ce ratio ridicule, va-t-on replanter des barrières et reposter des douaniers sur les pointillés de nos frontières ? C’est absurde.

Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy ont abordé la question hier à Rome et ils ont évoqué explicitement la possibilité de revenir en arrière et d’instaurer des contrôles. Ce serait temporaire. Mais, dans ce domaine, on sait que le provisoire devient rapidement définitif.

Regardez le «plan Vigipirate». Il est rouge en permanence et les bidasses en treillis patrouillent dans les gares et les aéroports depuis des années. Aucun gouvernement ne prendra le risque d’alléger ce dispositif anti-terrorisme, même si c’était raisonnable.

Si l’espace Schengen se crispe, on ne le décrispera plus jamais. C’est un recul, un abandon de l’idée même de la construction européenne. Les slogans étroitement nationalistes de l’extrême droite font leur chemin. On reste entre nous et on se fiche pas mal de ce qui se passe outre-Quiévrain, à Kehl ou à Vintimille. Chacun chez soi. Chacun pour soi.

Ce réflexe de repli est un aveu d’échec. L’Europe, malgré les belles déclarations des sommets creux avec photos de groupes endimanchés, se montre incapable de définir une politique étrangère commune, cohérente et active. Pour battre en retraite, il y a consensus. Pour imaginer une action généreuse et innovante en direction des pays secoués par des révolutions ou des guerres civiles, il n’y a plus personne.

Ce qui prévaut, c’est une mentalité de boutiquier : au moindre grabuge extérieur, on baisse le rideau de fer.

L’immigration n’est pas un problème. C’est une réalité, un défi que les pays riches comme les nôtres doivent affronter avec lucidité et prospective.

Quand le président Giscard d’Estaing officialisa en 1976 le regroupement familial pour les immigrés légaux, il fit preuve d’humanité. Il était inconcevable que les étrangers vivant en France, travaillant et payant des impôts, restent séparés de leur famille. Cette mesure était juste.

Mais les conséquences n’ont pas été envisagées à long terme. Le regroupement familial n’a pas été accompagné : logement, alphabétisation, adaptation du système scolaire, etc. Les socialistes qui ont ensuite exercé le pouvoir n’ont pas non plus embrassé la question de manière courageuse.

D’où la marginalisation sociale des populations issues de l’immigration et leur dramatique et dangereuse ghettoïsation. L’angélisme de la gauche dans les années 80 est coupable. «SOS racisme» et les boys scouts de «Touche pas à mon pote» ont apporté une réponse folklorique et dérisoire à une question de fond.

L’immigration, à la base, n’est pas un sujet racial et encore moins religieux. Les colloques vaseux sur l’identité et la laïcité organisés par Nicolas Sarkozy ne sont que des écrans de fumée.

L’immigration est, avant tout, une question sociale. C’est la seule approche sérieuse.

Une question sociale et économique. L’Europe vieillit. Elle a besoin des immigrés. La France s’est construite, par vagues successives, par l’apport des étrangers. Ce n’est pas le moindre paradoxe de voir l’Italie devenir le pays de plus rétif à l'immigration. Les Italiens, depuis le début de XIXème siècle, ont émigré en masse. Ils ont «déferlé» dans toute l’Europe et dans le reste du monde. Aujourd’hui, les Italiens se rebiffent face au phénomène inverse. L’arroseur arrosé.

Il est faux aussi de dire que les immigrés viennent manger notre pain (blanc). En France, les immigrés cotisent aux régimes sociaux et versent leur obole au fisc. Le solde est positif, au profit de la France, n’en déplaise à Marine Le Pen qui ne brandit que les chiffres qui confortent ses thèses xénophobes.

On n’arrêtera pas les flux migratoires avec des coups de mentons, des discours martiaux et quelques gabelous repositionnés dans leurs guérites frontalières.

Il faut imaginer une politique d’ensemble qui passe par la coopération avec les pays de départ des immigrés. On a trop longtemps soutenu des régimes corrompus, des dictatures qui désespéraient leurs peuples. «Le printemps arabe» devrait être l’occasion de corriger les errements européens.

Si des jeunes Tunisiens pensent encore que leur salut est en France, c’est qu’ils n’ont pas encore confiance dans l’avenir de leur pays. Il faut aider les Tunisiens en Tunisie, sans néo-colonialisme mais avec respect et générosité. Tout le monde y gagnera.

Ce sera plus efficace que d’ériger des barbelés et des miradors dans tous les recoins de l’espace Schengen.

mercredi 20 avril 2011

Souscription ouverte pour la statue de Nicolas Sarkozy

Pompidou, c’est un musée, Charles de Gaulle, c’est un aéroport et Roland Garros, c’est une installation pour des matches de tennis. Si vous interrogez au débotté les quidams, c’est probablement la réponse que vous obtiendrez. Ainsi va la notoriété.

Que dire alors de ces monuments étranges que l’on découvre en se promenant dans Paris ?

Dans un coin reculé du jardin des Tuileries, à l’écart du grand bassin proche de la Concorde, personne ne remarque un édicule un peu pompier.
 
Il a été érigé en 1909 à la mémoire de Waldeck-Rousseau.

Qui ? Waldeck Rochet ? L’ancien secrétaire général du Parti Communiste ? Non, vous faites fausse route.

Il s’agit de Pierre Waldeck-Rousseau qui fut président du Conseil sous la Troisième République. Ce fut même le cabinet le plus durable de l’époque. Le président de la République était alors Emile Loubet, mais cela n’avait pas d’importance car, sous la Troisième République, le président n’avait aucun pouvoir réel.
(Photo de Nadar pour "L'Illustration")

Pierre Waldeck-Rousseau était un républicain modéré («mais pas modérément républicain», précisait-il) qui dut faire face aux remous de l’affaire Dreyfus. Il amnistia tous les protagonistes, dont le Capitaine qui ne fut réhabilité que quelques années plus tard.

Waldeck-Rousseau gouverna avec un cabinet de coalition et instaura le principe de la liberté syndicale. On lui doit aussi la fameuse loi de 1901 qui autorise les associations à but non lucratif, une loi toujours largement utilisée de nos jours.

J’ai photographié le monument à Waldeck-Rousseau en passant devant l’édifice l’autre jour par hasard. L’auteur en est le sculpteur Laurent Honoré Marqueste.

Et je me suis dit qu’il serait peut être temps de songer à édifier, dans un lieu moins obscur, une statue à la gloire de Nicolas Sarkozy. Il n’est pas encore mort, loin de là. Mais, quoi qu’il arrive, il laissera une trace plus profonde dans l’Histoire de France que ce brave Waldeck-Rousseau.

Nicolas Sarkozy a déjà sa statue de cire au musée Grévin à Paris.

Et au musée Tussaud de Londres.
 
Mais cela ne suffit pas. Parmi les pistes sur lesquelles nos artistes devraient travailler dès maintenant, je propose une statue équestre, toujours du meilleur effet :

D’autant que le président est un cavalier émérite :
Mais, compte tenu de la dimension du personnage (je le dis sans ironie), je pense qu’il faut opter pour quelque chose de beaucoup plus monumental. Il faut chercher l’inspiration en Corée du Nord ou au Turkmenistan. Dans ces pays, on sait honorer les grands leaders.


Sur un blog légèrement frondeur (cliquez ici)j’ai trouvé une ébauche qui me paraît très convaincante.
Il suffit maintenant d’ouvrir une souscription nationale afin d’ériger ce monument. La France l’a bien fait pour Waldeck-Rousseau. Nicolas Sarkozy ne mérite pas moins.