"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')
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dimanche 11 septembre 2011

Un 11 septembre peut en cacher beaucoup d'autres

Que s’est-il passé le 11 septembre ? Beaucoup plus de choses qu'on ne nous le dit aujourd'hui. 

Le 11 septembre 1973, un coup d’état militaire, soutenu par les Etats-Unis, renverse le président chilien Salvador Allende, un socialiste démocratiquement élu. Allende, assiégé dans son palais présidentiel à Santiago, se suicide avec un AK 47 que lui avait offert Fidel Castro. Le régime d’Augusto Pinochet qui lui succéda pendant les 17 années suivantes est responsable de la mort ou la disparition d’environ 3000 personnes. Les prisons chiliennes ont compté 150.000 prisonniers politiques pendant les années Pinochet. Près de 30.000 ont été torturés.

Le 11 septembre 1968, une Caravelle d’Air France effectuant la liaison entre Ajaccio et Nice s’abime dans la Méditerranée, au large de Nice. Aucun survivant parmi les 95 occupants de l’appareil. Les causes exactes de la catastrophe n’ont jamais été totalement élucidées. L’hypothèse d’un tir accidentel de missile a été avancée.


Le 11 septembre 1917, Georges Guynemer, pilote de chasse émérite de la Première Guerre Mondiale (et amant passager de l’actrice-chanteuse Yvonne Printemps), meurt au front aux commandes de son appareil, au dessus de la ville belge de Peolkapelle. L’avion de Guynemer et les restes du pilote n’ont jamais été retrouvés. 

Le 11 septembre 1714, les troupes du roi Philippe V d’Espagne, après un siège de 11 mois, prennent la ville de Barcelone aux mains d’un contingent britannique en déroute. C’est la dernière bataille de la «Guerre de Succession» pour le trône espagnol. L’anniversaire de cette date est devenu le jour de la fête «nationale» de la Catalogne  (Diada Nacional de Catalunya), célébrée aujourd’hui.

Le 11 septembre 1962, un groupe musical de Liverpool qui se fait appeler «The Beatles» enregistre la chanson de la face A de son premier 45 tours : «Love me do» dans le studio n°2 de la société EMI sur Abbey Road à Londres. Il faut 18 prises pour que l’enregistrement soit satisfaisant. Une première séance de studio, une semaine plus tôt, n’avait pas été jugée concluante. Le 11 septembre 1962 est une humiliation pour le batteur Ringo Starr, écarté de cet enregistrement par le producteur George Martin au profit d’un musicien de studio, Andy White. Sur l’enregistrement du 11 septembre, Ringo Starr en est réduit à jouer du tambourin. Il restera néanmoins le batteur du groupe jusqu’à sa séparation en 1970. Le 45 tours (premier disque des «Beatles» qui contient «P.S. I love you» sur la face B) sort en Grande-Bretagne le 5 octobre 1962. C’est la revanche de Ringo Starr : le 45 tours propose «sa» version, celle enregistrée pendant la première séance du 5 septembre. Il est à la batterie. Mais sur le premier album (33 tours) des «Beatles», sorti le 22 mars 1963 («Please Please me»), on entend la version du 11 septembre 1962 : Andy White est à la batterie et Ringo Starr au tambourin !

Le 11 septembre 1984, le pape Jean-Paul II est au stade olympique de Montréal pour un rassemblement de la jeunesse québécoise. Une jeune fille de 16 ans prénommée Céline Marie Claudette entonne la chanson «Une Colombe» devant les 65.000 spectateurs et le souverain pontife. Cette jeune fille se fera ensuite connaître dans le monde entier sous le nom de Céline Dion. Jean-Paul II est mort le 2 avril 2005. Il a été béatifié le 1er mai 2011. Céline Dion chante toujours. Sa béatification n’est pas envisagée.

Le 11 septembre 1733, à l’âge de 66 ans, le musicien François Couperin meurt à Paris. Maître du clavecin, compositeur prolifique, il était apprécié de Louis XIV qui ne lui accorda pourtant jamais le poste officiel de claveciniste du roi. Organiste de Saint-Gervais et de la Sainte-Chapelle, Couperin a laissé deux messes sublimes, sommets du répertoire musical français.

Le 11 septembre 1524, Jeanne de Chauldrier, épouse de Louis de Ronsard, donne naissance à leur fils cadet, prénommé Pierre, dans un manoir de la région de Vendôme. Pierre de Ronsard devient l’un des plus grands poètes français de tous les temps. Cofondateur du groupe littéraire «La Pléiade», il échafaude en 30 ans une œuvre immense, touchant à tous les genres poétiques. Les écoliers français ne connaissent de lui que le fameux : «Mignonne allons voir si la rose».

Le 11 septembre 1885, à Eastwood dans le Nottinghamshire (Angleterre), une ancienne institutrice mariée à un mineur alcoolique donne naissance à David Herbert Richards Lawrence, plus célèbre sous le nom de D.H. Lawrence, écrivain britannique majeur du XXème siècle, auteur protéiforme et novateur que l’on connaît surtout pour son sulfureux ouvrage «L’Amant de Lady Chaterlley». C’est le récit pimenté des amours entre une aristocrate et son garde-chasse. Le roman contient plusieurs scènes sexuelles explicites et utilise un mot tabou pour l’époque : «fuck».  Publié d’abord à Florence (Italie) en 1928, le livre ne paraitra en Grande-Bretagne qu’en 1960, trente ans après la mort de son auteur (à Vence, dans le Midi de la France). Cette publication n’a été possible qu’après un procès retentissant. Le livre fut enfin autorisé. Cet épisode fait toujours jurisprudence en matière de liberté d’expression au Royaume-Uni.

Le 11 septembre 1945, à Munich, dans l’Allemagne défaite par le Seconde Guerre Mondiale, vient au monde Franz Beckenbauer. Il est devenu le plus grand footballeur allemand, toutes générations confondues. Parmi ses mutiples trophées, il gagne deux fois la Coupe du Monde (comme capitaine en 1974 et comme entraineur en 1990).

Le 11 septembre 1979, à Saint-Genis-Laval, dans la grande banlieue de Lyon, naissance du footballeur Eric Abidal, l’un des joueurs les plus brillants de sa génération, défenseur sobre et très efficace. Il excelle actuellement au FC Barcelone. Ecarté des terrains pendant plusieurs mois en 2011 à cause d’une tumeur au foie opérée avec succès, il fait un retour triomphal en Espagne puis à Wembley pour la finale de Ligue des Champions remportée par l’équipe catalane contre Manchester United (3-1).

Le 11 septembre 1965, naissance de fils cadet du président syrien Hafez el-Assad. Le jeune Bachar fait des études de médecine et se spécialise dans l’ophtalmologie. Son frère Bassel, héritier politique désigné, meurt dans un accident de voiture en 1994. Bachar est investi de nouvelles responsabilités et arrive à la tête du pays en 2000, à la mort de son père. Bachar el-Assad, présent à la tribune d’honneur du 14 juillet 2008 sur les Champs-Elysées à Paris à l’invitation de Nicolas Sarkozy, réprime actuellement dans le sang une rébellion populaire qui menace son régime dictatorial. 

Le 11 septembre 2001, il s’est aussi passé quelque chose à New York, en Pennsylvanie et à Washington. Mais vous êtes probablement au courant.

mercredi 7 septembre 2011

Pour en finir (un peu) avec le 11 septembre

Je suis un «rescapé» du 11 septembre 2001. Enfin, j’exagère. 


J’ai quitté New York le soir du 1er septembre de cette année-là. Je venais de vivre douze années aux Etats-Unis, dont dix à 1500 mètres du World Trade Center. Le 1er  septembre, c'était un samedi. Le matin de ce jour-là, je suis allé prendre mon petit déjeuner au "Starbucks" du World Financial Center, des immeubles de bureaux qui font partie du complexe du World Trade Center. Mon dernier petit déjeuner de résident à New York... Après avoir bu mon "espresso doppio" et avalé mes muffins, je suis passé à pied entre les deux tours jumelles, le "New York Times" sous le bras. Il était environ 8 heures du matin. Le temps était splendide. Dix jours plus tard, au même endroit à la même heure, le mardi 11 septembre, il faisait également très beau. Le ciel s'est vite obscurci, à 8h46, mais pas pour des raisons météorologiques.

Dix ans après cette date fatidique, je souhaiterais davantage de modération dans la commémoration médiatique qui s’ébauche en France et qui fonctionne de manière frénétique de l’autre côté de l’Atlantique, d’après les amis avec qui je suis en contact là-bas. Petit rappel : un anniversaire n’est pas une information. Les journalistes moutonniers l’oublient toujours.

Je ne nie pas l'horreur de l'événement et ses nombreuses conséquences pour des milliers d'individus et leurs familles. Je mesure le choc ressenti par les New Yorkais et les Américains en général, même une décennie plus tard.

J'aime profondément ce pays. Mon premier voyage remonte à 1969. J'avais 16 ans. Ce voyage a marqué ma vie et la marque encore.

Mais il faut aussi que les Américains apprennent à prendre du recul, à relativiser, à considérer ce qui se passe ailleurs.

La guerre en Irak, voulue par un président élu et réélu, est une faute lourde, cautionnée par un pays démocratique et ses institutions, avec l'assentiment tacite ou exprimé de presque tous les médias, y compris les plus intelligents. Cette guerre a fait des milliers de morts, dans tous les camps, sous des prétextes infondés : Saddam Hussein ne possédait pas d’armes de destruction massive et son pays n’était pas une base d’Al-Qaida.

Je pourrais aussi évoquer le Vietnam, pays que j'ai découvert il y a peu et qui a énormément souffert de la guerre lancée (et perdue) par les Etats-Unis, toujours au nom de la démocratie. Le napalm, les massacres, ce n’était pas une plaisanterie. L'origine de ce conflit asiatique remontait, il est vrai, aux errances coupables du colonialisme français...

Le 11 septembre 2001 n'est pas la pire tragédie ou le tournant le plus décisif de l’Histoire contemporaine ni même de ce siècle encore tout jeune. Il y en aura d'autres. La catastrophe de Fukushima pourrait ou devrait avoir des conséquences plus profondes sur notre manière de consommer, de produire de l’énergie, de vivre en accord avec notre environnement et de faire de la politique. C’est du moins ce que l’on peut espérer. Mais ceci est une autre histoire.

Je critique suffisamment les Français qui ne voient le monde que par le petit bout de leur lorgnette embuée. Les Américains ont aussi parfois la vue basse en oubliant les carnages du passé.

Et pourtant, dans leur courte Histoire, les Etats-Unis ont traversé des bains de sang bien plus effroyables. La guerre de Sécession (Civil War) avec ses plus de 600.000 morts a été plus meurtrière que la Seconde Guerre Mondiale pour l'ensemble des troupes américaines engagées sur tous les fronts de ce conflit. Il ne s'agit pas d'établir un palmarès des hécatombes. Ce n'est pas un macabre concours.

Le choc du 11 septembre, contrairement à ce qu’on a dit à l’époque, n’a pas fondamentalement modifié les habitudes et les comportements des Américains. C’est un événement tragique et ponctuel. C’est seulement un épisode de l’histoire américaine et du monde. Ce n’est pas un événement fondateur.

Le 11 septembre s’inscrit dans un processus historique beaucoup plus large : la chute du communisme qui a mis fin à la politique des blocs issue de la Guerre Froide, favorisant la montée du fondamentalisme islamiste avec ses avatars extrêmes du terrorisme.

Le 11 septembre n’est pas, à mes yeux, une date clé comme le voyage de Christophe Colomb suivi du peuplement de l’Amérique par les Européens, l’invention de l’imprimerie ou du moteur à explosion, l’arrivée d’Hitler au pouvoir ou la chute du mur de Berlin.

Ce que les hommes de Ben Laden ont réalisé avec une cruelle réussite est un acte sanglant, considéré à juste titre comme odieux par toute personne ayant un minimum de conscience. Mais ce n’est ni le début ni la fin de quoi que se soit. «Plus rien ne sera jamais comme avant», a-t-on dit le 12 septembre 2001. C’est faux.

Les Etats-Unis ont continué sur leur lancée, avec le meilleur et aussi le pire de ce grand pays à la fois généreux et incroyablement injuste : le capitalisme financier fait des ravages, la politique de santé reste bancale, le système éducatif est déficient, la violence gangrène toujours les villes et les campagnes à cause de la prolifération des armes à feu, la peine de mort reste en vigueur, le racisme perdure malgré les acquis des années 60.


Le lieu commun, quand les Etats-Unis sont meurtris ou attaqués, est de dire : "L'Amérique a perdu son innocence". On l'a dit à propos de l'attaque japonaise contre la base de Pearl Harbor en 1941. On l'a répété pour l'assassinat de John F. Kennedy à Dallas en 1963. L'expression a été ressortie pour le 11 septembre 2001. On ne perd pas son innocence plusieurs fois. C'est comme le pucelage. Aucun pays ne peut être considéré totalement "innocent" ou "coupable". La France a plusieurs taches indélébiles sur ses pages d'Histoire (les guerres napoléoniennes et Vichy, pour ne citer que deux exemples). Les Etats-Unis se sont construits sur deux "péchés originels" : l'éradication presque totale de la population indigène, les tribus indiennes, par les armes, les mauvais traitements, l'alcool et les maladies. Et la pratique de l'esclavage qui n'a pas été une exclusivité américaine.


Mais ce pays, je l’aime pour et malgré ce qu’il est. Et pour ce qu’il est capable de devenir. C’est une nation jeune. Laissons-lui sa chance.

Un mot encore, car c’est souvent négligé : le 11 septembre 2001 a eu un énorme retentissement grâce à la concentration des médias à New York. Par hypothèse, imaginez la même chose dans une ville d’Afrique, sans caméras disponibles en direct immédiatement ni un fort contingent de journalistes vivant sur place. Nous en aurions beaucoup moins parlé. Aussi parce que, globalement, les Africains, on s’en fout. Et c’est bien regrettable. Pas de journalistes et de caméras en ce moment en Somalie (car c’est matériellement impossible). Circulez, il n’y a rien à voir dans ce pays exsangue et qui crève de faim.

La destruction des tours jumelles a bénéficié d’un énorme effet de loupe à New York car les networks (ABC, NBC, CBS), les chaines d’infos en continu et les stations locales avaient des studios, des équipes, du matériel utilisables sur le champ. 

Le second avion
L’image du premier avion percutant la première tour n’a été bien captée que par une seule caméra, celle du jeune français Jules Naudet qui faisait un documentaire sur les pompiers du sud de Manhattan et qui se trouvait, par hasard, dans le secteur du World Trade Center à ce moment-là. Il existe une autre vidéo, prise par un amateur sous un autre angle, mais de moins bonne qualité. Pour l’arrivée du second avion, des dizaines de caméras étaient déjà en action pour retransmettre en direct le second acte du scénario terroriste. La tragédie, réelle, a été infiniment grossie par le prisme médiatique de la ville la mieux équipée technologiquement au monde.

Alors que reste-t-il du 11 septembre ? La douleur, le chagrin et le deuil des familles des victimes, évidemment. Le traumatisme des blessés et de tous ceux qui ont vécu sur place ces terribles journées. Il reste aussi le bourbier militaire en Afghanistan, renforcé par la complaisance de l’Occident à l’égard du Pakistan et des monarchies du Golfe. Il reste Guantanamo, pénitencier américain qui échappe à toutes les lois internationales. Il reste également une paranoïa sécuritaire instaurée par l’administration de George W. Bush. Cette obsession antiterroriste n’a pas diminué avec Barack Obama.

Dans ce domaine, Ben Laden a réussi durablement à rendre les voyages en avion très pénibles, avec la multiplication des contrôles et des interdictions plus ou moins baroques. Et si c’était ça, finalement, l'«héritage» («legacy» en anglais) le plus tangible du 11 septembre ?

samedi 11 septembre 2010

9/11, ça suffit !


C’est épuisant ce pathos annuel autour des célébrations du 11 septembre 2001. On ne peut pas m’accuser de ne pas aimer les Américains. Mais dès qu’ils ont une écorchure, neuf ans plus tard, ils pleurnichent encore.
De quoi s’agit-il ? Un mardi matin avec un grand ciel bleu au dessus de New York, tout est paisible, tout est normal. Et puis soudain, rien n’est plus normal. Deux avions détournés s’écrasent sur chacune des deux tours du World Trade Center. Au passage, c’était moche, le World Trade Center et sa destruction est plutôt un bienfait architectural.
Au même moment ou presque, un autre avion se vautre en Pennsylvanie et un quatrième érafle le Pentagone à Washington.
Bilan total : 2995 morts dont les 19 terroristes. Bilan politique : énorme succès de Ben Laden dont les hommes, avec quelques lames de rasoir, ont occis les pilotes. Autre conséquence : une trouille bleue de l’Amérique qui n’avait pas été attaquée sur son territoire depuis 1941, depuis l’attaque sur la base navale de Pearl Harbor qui avait fait à peu près le même nombre de victimes : environ 2500 morts.
Les Etats-Unis sont un pays fragile et adolescent. Le 11 septembre 2001 n’est pas un tournant historique. La chute du mur de Berlin, dans notre histoire récente, l’est bien davantage.
Voulez-vous entendre parler de pays meurtris ?
Hiroshima (bombe américaine) : 250.000 morts japonais.
Débarquement anglo-américain en juin 1944 en Normandie : 50.000 civils français tués.
Ça fait combien de 11 septembre, tout ça ?