Le Dar al-Kamila est une grande maison richement décorée, entourée d’un parc magnifique de trois hectares, soigneusement entretenu. Plusieurs livres d’art ont décrit avec ravissement le charme des lieux. C’est un bijou, cet endroit.
Le drapeau français flotte fièrement sur l’édifice. C’est en effet la résidence officielle de l’ambassadeur de France en Tunisie.
On ne peut pas dire en effet que l'analyse pointue de la situation en Tunisie faite par Pierre Ménat ait beaucoup contribué à aider le gouvernement français, déjà passablement désemparé, dans l’anticipation de la chute de Ben Ali.
A sa décharge, Pierre Ménat n’est pas un spécialiste du Maghreb. Après l’ENA, il a travaillé au ministère de l’Intérieur à Paris puis au Quai d’Orsay où il s’est surtout occupé des affaires européennes. Il a aussi été ambassadeur en Roumanie et en Pologne. Il était loin des palmiers !
Il débarque en Tunisie en septembre 2009. Il est rapidement conquis.
Le 8 décembre de la même année, il reçoit dans sa jolie résidence la presse tunisienne, autrement dit : la presse contrôlée par le régime de Ben Ali. Pierre Ménat déclare : «Je suis ici depuis peu de temps, deux mois et demi, et il y a une chose que j’ai apprise : c’est la force de l’amitié tuniso-française. Je la connaissais, bien sûr, mais - pour ne pas paraître complètement en dehors des réalités - j’ai pu constater que l’amitié tuniso-française était capable de surmonter un certain nombre de difficultés. Notre relation est exceptionnelle. J’ai déjà dit que j’avais une impression positive, aujourd’hui j’ai une impression de plus en plus positive sur ce pays ou sur notre amitié qui s’incarne dans beaucoup de projets.»
Ah, les «difficultés» comme dit Pierre Ménat, il y en a toujours ! Monsieur l’Ambassadeur, fort de son impression de plus en plus positive sur le pays, a toujours su les surmonter dans l’année qui a suivi, au nom de la France.
Jeudi de la semaine dernière, après le dernier discours prononcé par le président tunisien précédant son départ précipité, l’ambassadeur Ménat avait rassuré sa patronne, Michèle Alliot-Marie, ministre des Affaires Etrangères qui venait de s’illustrer en proposant devant l’Assemblée Nationale de faire profiter Ben Ali du «savoir-faire» de la police française.
L’ambassadeur avait certifié par un télégramme diplomatique (lire à ce sujet en cliquant ici un article postérieur à la rédaction de la présente chronique) à la cheftaine de notre diplomatie que la colère du peuple tunisien allait s’apaiser après les concessions très tardives faites par Ben Ali à la télévision de son pays jeudi soir.
Michèle Alliot-Marie était tellement apaisée elle-même qu’elle était partie le lendemain en week-end dans son fief de Saint-Jean-de-Luz. C’est là qu’elle s’était fait surprendre par l’annonce de la fuite du potentat tunisien, vendredi soir.
«J’ai demandé à mes services, avant de partir, si les événements risquaient de s’accélérer. Ils m’ont répondu par la négative», a confié benoitement la ministre. La source première des services diplomatiques français sur la Tunisie, c’est l’ambassade à Tunis dirigée par Pierre Ménat. Sinon, pourquoi avoir une ambassade ?
«Le Canard Enchainé» raconte que Nicolas Sarkozy a poussé une de ces grosses colères dont il est coutumier : «J’en ai plus appris sur la crise tunisienne par l’épouse d’Eric Besson (qui est d’origine tunisienne) et par Besson lui-même que par notre ambassadeur à Tunis !»
Sacré Besson, toujours présent et efficace au bon moment !
A la place de l’ambassadeur Ménat, je ne ferais pas de projet à long terme en Tunisie. Sa mutation est dans l’air et ça ne sent pas le jasmin. Le président Sarkozy n’aime pas les diplomates en général. Il ne doit pas porter Pierre Ménat dans son cœur.
La performance de notre ambassadeur en Tunisie me rappelle le destin d’April Glaspie.
Si vous avez oublié ce nom, je vais vous rafraîchir la mémoire.
Elle fut la première femme à être nommée ambassadeur des Etats-Unis dans un pays arabe. En 1989, elle prend son poste à Bagdad.
April Glaspie connaissait bien la région : elle avait servi à des postes moins importants dans les ambassades américaines au Koweït, en Syrie et en Egypte.
Le 25 juillet 1990, en tant qu’ambassadeur des Etats-Unis, elle rencontre Saddam Hussein pour la première et la dernière fois. Elle s’inquiète auprès de lui de la présence massive de troupes irakiennes près de la frontière du Koweït. Saddam Hussein la roule dans la farine. Il affirme qu’il va accepter, ce qui est faux, une médiation de paix tentée par la Ligue Arabe et le président égyptien Moubarak.
April Glapsie rentre à son ambassade et envoie un télégramme au Département d’Etat à Washington. Tout est dans Wikileaks. Elle y explique que, selon elle, Saddam Hussein ne veut pas la guerre. Huit jours plus tard, le 2 août 1990, les troupes irakiennes envahissent le Koweït. C’est le début de la première guerre du Golfe, menée du côté américain par Bush père.
A la suite de la rupture des relations diplomatiques en l’Irak et les Etats-Unis, April Glaspie a rapidement quitté Bagdad. Contrainte au silence, elle a été reléguée ensuite à des postes subalternes avant de prendre sa retraite en 2002.
Que Pierre Ménat ne s’inquiète cependant pas outre mesure. Il a la chance d’être un diplomate français. A la différence des Etats-Unis, notre République est bonne fille pour ses serviteurs, même les plus défaillants. S’il doit quitter Tunis la queue entre les jambes, on le recasera.
Ce ne sont pas les planques qui manquent chez nous. Dommage tout de même que le poste d’ambassadeur auprès de l’UNESCO vienne tout juste d’être attribué à une grande experte de la diplomatie, Rama Yade. Pierre Ménat aurait été parfait pour le job.
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Un grand salut aux lecteurs nombreux de ce blog en Tunisie. Nous pensons beaucoup à eux.
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Pour un aperçu en images d'une des réceptions données par l'ambassadeur dans sa résidence, consultez les photos de sa soirée Karaoké de Février 2010. Vous chantiez, j'en suis fort aise, et bien dansez maintenant ! Cliquez sur ce lien.
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Petit additif posté le mercredi 26 janvier - (Source : "Libération")
«Sans doute nous avons sous-estimé (les) aspirations du peuple tunisien à la liberté», a déclaré Nicolas Sarkozy lors de la sa conférence de presse, lundi, pour justifier son long soutien au président Ben Ali.
Ce n’était pourtant pas faute d’informations en provenance du quai d’Orsay et des diplomates en place à Tunis, écrit mercredi dans Libération Yves Aubin de la Messuzière, qui fut l’ambassadeur de France en Tunisie de 2002 à 2005: «Les rapports diplomatiques mettaient aussi l’accent sur l’exaspération et le mal-être de la jeunesse tunisienne, liés certes au problème de l’emploi mais aussi à l’absence d’espace et d’expression politiques», écrit le diplomate.
«L’antienne de Ben Ali, présentant son régime comme un rempart contre la menace islamiste, relayée avec complaisance par nombre de politiques en France, était considérée dans les notes diplomatiques comme le fonds de commerce du régime et le prétexte pour s’abstenir de toute ouverture politique jugée déstabilisante. (…) Les autorités politiques françaises étaient donc parfaitement informées des dérives du système Ben Ali», affirme l'ex-ambassadeur.
36 commentaires:
En effet, c'est un peu sidérant.
Faut-il que cet ambassadeur ait été happé dès son arrivée par la jet-set, les radios, le clan Ben-Ali, pour ne pas voir la réalité qui s'étalait sous ses yeux depuis, vous dites, plus d'un an?
Pour savoir ce qui se passait, minute après minute, au coeur même des manifestations, il suffisait de taper "tunisie" sur google.
On avait accès à des analyses d'experts, à tout, et on comprenait que c'était enfin parti pour la fin de Ben Ali et des Trabelsi.
Il ne l'a sans doute pas fait.
Ses différents contacts devaient faire tous partie du clan.
Pour savoir ce que ressentaient les tunisiens, il fallait pouvoir discuter avec les tunisiens de base, et ça lui était peut-être impossible.
Psychologiquement, c'est intéressant.
Un homme forcément intelligent peut donc se voiler la face, construire son monde, jusqu'à, de toute bonne foi, aller retransmettre ses fausses certitudes à sa ministre.
J'ai beaucoup observé, en vivant longtemps à l'étranger, l'inanité de la diplomatie française. Ce qui s'est passé récemment en Tunisie en est un nouvel exemple pathétique.
Pathétique, voilà le mot juste.
Pathétique, parce que derrière tout ça, il y a probablement de la bonne foi, des réflexions, une recherche de justesse.
Inanité de la diplomatie française: faut-il voir derrière tout ça une rigidité de la formation à l'ENA?
Une telle culture de l'élitisme que rien ne peut détourner nos énarques de leurs certitudes?
Déjà, quand on se fait appeler "excellence", il y a de quoi faire tourner n'importe quelle tête en "grosse tête", et toute contestation en agression, et toute impression en certitude.
Cher Anonyme qui précède,
Vous posez les bonnes questions. Les réponses sont simples : la France dans un pays qu'elle connait bien et où elle a des intérêts multiples a été sourde, aveugle et muette.
Ce qui est sidérant ce n'est pas qu'un homme intelligent et instruit puisse se faire enfumer comme le dernier des imbéciles par la clique de combinards qui gravitait au sein du pouvoir tunisien. Ce qui est sidérant c'est qu'il soit possible que la diplomatie française soit incapable d'employer des professionnels aptes à résister à une grossière relation d'influence mise en place par un régime comme celui de Ben Ali. Parce qu'on était loin de l'opération d'intoxication montée par le KGB, hein? La politique étrangère de la France est menée à la va-comme-je-te-pousse, sans méthode, sans rigueur et sans moyens. Et visiblement sans personnel formé. D'ailleurs suffit de voir qui est le patron de cette pétaudière: Michèle Alliot-Marie! LOL! La blague! Si ça avait été jugé important, c'est pas une potiche comme elle qui aurait été nommée responsable.
C'est un vietnamien fidèle qui parle. Il faut savoir que les personnels d'ambassade connaisent mal la vie, la langue, les coutumes et les mentalités des vraies gens du pays hôte. Ces fonctionnaires expatriés qui travaillent peu et sont surpayés par nos impôts rendent en plus un service médiocre, et très cher, le moindre acte étant facturé à tarif prostitutionnel.
Beaucoup se comportent copmme des cheffaillons. Et ils savent bien : peu quittent le confort vaselinesque des affaires Etranges.
Vivement la Révolution, qu'on les remplace tous jusqu'au dernier par des personnels motivés, et véritablement imprégnés de culture locale.
En plus, ils renseigneront le gouvernement français peut être à bon propos.
Ce qui est sûr, c'est qu'on n'entend pas parler de cet ambassadeur par un quelconque membre du gouvernement, ni du quai d'Orsay.
Une sorte d'omerta? Une protection? ou une décision qui se prépare dans l'ombre, peut-être même à l'insu du principal intéressé?
Protégé, ou pas protégé, après sa bourde, cet ambassadeur?
Si vous êtes à l'étranger, continuez d'envoyer des témoignages sur le travail des diplomates français. Je suis preneur.
Par curiosité, je suis allé regarder la prestation de Pierre Ménat sur TV5.
Un homme de dossier, plus que de communication, au premier abord. peu de charisme, mais beaucoup de ressources: la fin de l'interview est beaucoup moins bafouillante et embarrassée que le début.
Voilà maintenant que les médias s'en prennent à son prédecesseur, Serge Degallaix, qui aurait vraiment "mouillé" dans les combines.
Voilà l'ambassadeur actuel presque blanchi de son incapacité à évaluer la situation.
Je pense néanmoins que Pierre Ménat devrait rendre des comptes.
Aux Etats-Unis, il serait convoqué rapidement par une commission du Congrès pour expliquer sa déficience dans un moment clé du pays où il était en poste.
La tradition française est hélas beaucoup plus indulgente pour des hauts fonctionnaires défaillants.
J'ai lu que Pierre Ménat était convoqué le 1er février devant une commission parlementaire.
Une manière de rendre des comptes, au moins théoriquement.
J'ai lu aussi qu'Ihmed Trabelsi était invité à sa table en tant que maire de La Goulette, ce qui peut être reconnu comme incontournable.
N'empêche, son télégramme à MAM prouve qu'il attendait des infos de tout sauf d'internet, où, en naviguant 15 mn, il aurait appris l'essentiel.
Serait-il d'un autre âge?
Très bien pour la commission parlementaire, même si je n'en attends pas beaucoup.
A propos de la surveillance par nos diplomates d(Internet et des réseaux sociaux, c'est effectivement un problème de génération.
"Le Monde" a raconté cette semaine que les services de renseignements français restent focalisés sur la "menace islamiste" qui leur fait si peur. Dans l'affaire tunisienne, ils étaient forcément à côté de la plaque.
Ils ne sont pas allés sur les blogs, sur Twitter ou sur Facebook. Ils y auraient perçu facilement le bouillonnement qui a conduit à la fuite de Ben Ali.
Toujours facile évidemment de dire ça a posteriori. Mais le décalage est réel.
L'ambassadeur Ménat n'échappe pas à ce travers. C'est un homme de 60 ans, formé à l'ancienne, dans la tradition du Quai d'Orsay.
Les télégrammes américains sur la Tunisie, révélés par Wikileaks, montrent une approche tout à fait différente de la diplomatie. Sans doute parce que les Américains ne sont dans leur zone d'influence. Ils cherchent d'autres sources.
Les Français, en Tunisie, s'estiment -à tort- connaisseurs du terrain. Je dis cela sans même évoquer les compromis, les mondanités et les indulgences coupables à l'égard du régime.
C'est un aveuglement nourri par de la naïveté et une bonne part d'arrogance.
Cet épisode, désastreux pour la France, devrait être l'occasion d'une remise en cause totale des méthodes et des objectifs à la fois de notre diplomatie et de nos services de renseignement.
Je doute malheureusement que cela se produise....
Arrogance entraîne naïveté, pas une naïveté niaise, mais la naïveté du manque de remise en question, de la certitude du pouvoir, conséquence des courbettes et des titres...
"Excellence"!! Que voilà un titre désuet, propre à détourner un ambassadeur du doute!
Voilà une première réforme qui ne ferait de mal à personne.. supprimer cette appellation ridicule.
C'est excellent, Votre Excellence...
Naviguer sur internet un jour de pluie, et chercher des compléments d'info, ça amène à trouver une article de Jetset magazine intitulé "focus sur le parcours et les projets de son Excellence",daté de début 2010, suivi d'un portrait chinois assez rigolo.
Ce que Pierre Ménat trouve le comble de la bêtise, c'est "de ne pas vouloir voir la réalité".. qui l'eût cru.
Votre mot "arrogance" trouve là tout son sel. Etre certain de voir la réalité, toujours, tout le temps, au point d'accuser ceux qui peuvent se tromper de bêtise, ce n'est même plus de l'arrogance, c'est de la sclérose, de l'autisme.
Anecdote supplémentaire: ce qu'il penserait emmener sur une île déserte, c'est, outre Proust et Mozart, culture oblige, un maillot de bain... pour protéger sans doute sa pudeur du regard (ou du bec) malveillant des oiseaux de mer.
Très savoureux.
Grâce à vous, j'ai consulté cet article dans "Jet-Set Magazine".
J'y ai également découvert les photos d'une soirée Karaoké à la résidence de l'ambassadeur (j'ai ajouté le lien à la fin de mon article).
Pas facile de voir, de ces salons festifs, ce qui se passait au même moment à Sidi Bouzid ou ailleurs dans le pays.
C'est une histoire d'arroseur arrosé.
"La bêtise, c'est de ne pas voir la réalité": dommage que Pierre Ménat ne sache pas se servir de google; il en tirerait les conséquences qui s'imposent.
Votre soirée karaoké, très jet-set, ces photos de VIP tunisiens reçus à l'ambassade, comme ces invitations sur plusieurs radios privées tenues par le clan Trabelsi, confirme ce que PimPamPoum disait: "cet ambassadeur s'est fait enfumer" par la poudre aux yeux.
Facile à critiquer, mais qui ne se ferait pas avoir par son égo, surtout un égo cultivé depuis des années par une fonction prestigieuse et des courbettes à tout propos, jusqu'à devenir surdimensionné?
Que l'ambassadeur soit incompétent, c'est une chose.
Que l'Elysée s'appuie uniquement sur le feed back d'un enarque perdu dans sa tour d'ivoire pour se forger une opinion sur une situation que tout le monde sait brulante est proprement hallucinant - et en tous cas absolument pas crédible. Ou alors, virons vite les directions des DAS, DGSE, DST, RG,UCLAT,DRM etc... et remplaçons les par des navigateurs internet...
Cela coutera moins cher !
Je trouve les commentaires très durs pour l'ambassadeur de France en Tunisie, car il convient de reconnaitre que le rôle d'un ambassadeur est complexe, puisqu'il est un gouvernement en exil à lui tout seul ; et un gouvernement se choisit toujours un ambassadeur à son image : telle est la loi de la diplomatie.
Urbain dit que l'ambassadeur est incompétent, puis que c'est un énarque perdu dans sa tour d'ivoire: c'est au moins aussi dur que tous les commentaires qui précèdent.
Ses collègues, le 15 janvier, d'après les commentaires qu'on peut lire partout, l'ont dit "à l'ouest". L'histoire ne dit pas si c'est seulement le 14, ou si c'est un état permanent.
Ce qui est bizarre, c'est seulement qu'il n'ait pas eu la curiosité d'aller chercher par lui-même, sur son ordinateur, à suivre les évènements, et ça en dit long sur une tour d'ivoire éventuelle.
C'est un peu facile. N'avez-vous pas songé une seconde au fait que Pierre Ménat a peut-être dit autre chose dans son télégramme, mais que son message a été détourné afin de rejeter la responsabilité sur lui et d'appliquer aisément la théorie du fusible?
J'espère que l'avenir nous dira ce qu'a vraiment dit Pierre Ménat dans son télégramme.
Si votre théorie est exacte, c'est d'une perversité monstrueuse de la part de ses supérieurs hiérarchiques.
Cette invention, le 15 janvier, serait une préméditation très calculée, en fonction d'évènements qui n'étaient pas encore vraiment confirmés.
Ca semble un peu tiré par les cheveux, mais pourquoi pas?
Ceci dit, cela ne met pas MAM à l'abri d'être elle aussi un fusible.
Pierre Ménat s'expliquera prochainement devant une commission parlementaire. On y verra peut-être plus clair. D'après ce que l'on sait pour l'instant de sources concordantes, son télégramme du jeudi soir 13 janvier (après le dernier discours de Ben Ali) expliquait à sa hiérarchie au Quai d'Orsay que le président tunisien avait, selon l'ambassadeur français, repris le contrôle de la situation.
La diplomatie n'est pas une science exacte.
Il y a cependant des erreurs de jugement qui sont, un jour ou l'autre, éclaircies par l'analyse historique.
Le roi Louis XVI, le 14 Juillet 1789, avait écrit ce simple mot sur son journal personnel : "Rien". Rien parce qu'il avait chassé à Versailles et qu'il était rentré bredouille.
Qui va à la chasse perd sa place.
Pierre Ménat est un grand garçon, il a roulé sa bosse au Quai d'Orsay depuis une paire d'années.
Faisons-lui confiance pour se défendre si son télégramme a été travesti, détourné, ou inventé.
On ne doit pas pouvoir le rouler si facilement.
L'occasion lui est offerte le 1er février, lors de cette audition parlementaire.
Suite du feuilleton à ce moment-là.
D'accord, attendons. Même si on sait ce qui sort généralement d'une commission parlementaire en France : souvent pas grand chose.
Cette commission parlementaire aura lieu, apparemment, à huis-clos.
Dommage.
C'est bien ce que je pense : rien n'en sortira.
Quelqu'un peut-il expliquer ce qu'est un "télégramme diplomatique"?
Pouquoi pas un mail, un coup de téléphone?
Ce doit être une spécificité diplomatique qui n'a rien à voir avec les télégrammes bleus que nous connaissons, nous, simples mortels, et qui n'existent peut-être même plus à l'heure actuelle.
Les télégrammes diplomatiques sont échangés entre les diplomates en poste à l'étranger avec leur administration centrale (le Quai d'Orsay pour la France), ou parfois entre diplomates d'un même pays en poste dans des lieux différents mais couvrant une même zone géographique ou stratégique ou dont les dossiers sont liés (négociations commerciales, désarmement, etc.)
Toutes les diplomaties du monde utilisent encore ce système qui passe par des réseaux sécurisés. Mais il est évident que le téléphone, Internet et les mails complètent les informations envoyées par télégramme.
Le télégramme diplomatique a une valeur officielle, surtout quand il est signé de l'ambassadeur ou de son adjoint. Tous les télégrammes sont conservés, archivés. Ils sont assortis d'un code indiquant leur niveau de confidentialité : du plus secret (réservé à un petit nombre de décideurs politiques) au plus banal qui est largement accessible aux fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères.
La diplomatie de chaque pays produit une énorme quantité de télégrammes. La plupart ne sont jamais exploités. Certains ne sont même jamais lus.
Voici ce que j'écrivais en décembre sur ce sujet :
http://anyhow-anyhow.blogspot.com/2010/12/de-la-legerete-des-telegrammes.html?spref=fb
Merci pour votre réponse claire.
Je suis allé voir aussi votre article du mois de décembre.
Le télégramme qui nous occupe n'avait rien de secret, puisque dès samedi 15, il était retransmis à tous les journaux. L'hypothèse d'Urbain semble donc peu plausible.
Peut-être aurez-vous des infos sur ce qui se dira à huis-clos le 1er février.
un peu fort vos commentaires... Il y a dans le privé nombres de cadres qui "s'encanaillent" le soir avec leurs subalternes... et qui font du bon travail dans la journée... Pierre Ménat est un ambassadeur différent et efficace a sa manière... on a seulement donné un os a ronger à la meute...
Que dire de l'IFC, de la mission économique et de tous ceux obligés de passer sous les fourches des Trabelsi et qui s'en plaignaient en haut lieu...
Frédérique Mitterand l'ignorait ?
Tout le monde savait et surtout le président Sarkozy !
De bien belles analyses que je vois là...
N'oublions pas que le rôle d'une ambassade et de son ambassadeur est d'appliquer la politique étrangère française dictée par le ministre et l'Elysée.
J'aimerai donner 20 euros/dinars à toutes les personnes qui avaient annoncé que ZABA ne dormirai pas en Tunisie le vendredi 14 au soir avant de le savoir dans l'avion.
Personne ?
Personne ne le savait, même pas les membres du gouvernement tunisien. Mais l'erreur d'analyse de l'ambassadeur Ménat sur les prémices de cette crise majeure n'en demeure pas moins préoccupante. Et son appréciation du discours de Ben Ali, le 13 janvier, est un grossier contresens. Une faute professionnelle, notamment en ce qui concerne le jugement qu'il porte dans son télégramme sur la foule qui a manifesté joyeusement à Tunis juste après ce discours. Il était clair, et les médias français l'ont souligné immédiatement, qu'il s'agissait d'une manifestation de soutien tout à fait artificielle organisée par le régime.
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