Je vais vous dire un truc, ce 21ème siècle, je ne le sens pas bien, pas bien du tout.
J'ai comme un mauvais pressentiment, surtout en France.
L'une des nombreuses raisons de mon désarroi ? Ce que je viens de voir, voir de mes yeux vu. Et je suis affligé.
Une manif d'étudiants et lycéens passait sous mes fenêtres. Je suis descendu dans la rue pour voir ça de plus près. C'est édifiant et inquiétant.
Ils étaient un petit millier avec banderoles et slogans.
L'objet du refus est connu : la loi Pécresse de réforme de l'Université, loi votée au cours de l'été dernier par un parlement fraîchement et démocratiquement élu, loi cosignée par le principal syndicat étudiant, l'UNEF, syndicat présidé par Bruno Julliard.
Ce jeune homme, de moins en moins jeune, aura 27 ans en février prochain. Il poursuit néanmoins ses études de droit. Ou sont-ce ses études qui le poursuivent ?
Son mandat de président de l'UNEF s'achève en 2009. Il faut espérer alors que Bruno Julliard aura poursuivi ses études au point de les rattraper. Il aura alors presque 30 ans, l'âge où tout est encore possible.
Le seul défaut de cette loi Pécresse ? Sa pusillanimité. La réforme est trop étriquée, pas assez ambitieuse. C'est une réformette, mais elle va timidement dans le bons sens.
La loi a donc été votée en août dernier et, je le répète, le principal syndicat étudiant en est le cosignataire.
En Novembre 2007, les étudiants se réveillent. Je parle de ceux qui roupillaient déjà au fond des amphis de psycho et de socio, les glandeurs également inscrits en Histoire de l'Art, j'en passe et des bien pires.
Ils se font tout un cinéma soudain. Ce sont des artistes. A défaut d'être productifs, ils se croient créatifs. Et ils inventent des chimères autour de cette toute petite loi Pécresse, si chétive qu'on souhaiterait la couver pour qu'elle ne meurt pas comme un oisillon malingre.
Et ils sont là, les énergumènes noyautés par un trotskisme frelaté, ils vocifèrent contre "la marchandisation" de l'Université. Aucun risque, mauvaise marchandise, mauvaise camelote, l'Université française. Personne n'achète. 40% d'échec après la première année. C'est invendable.
Les godelureaux qui manifestent sur nos boulevards rejettent la sélection. Vaste blague. La sélection est faite d'avance. Un paumé qui sort avec un diplôme en peau de lapin après deux années à Tolbiac ou à Nanterre peut toujours aller se brosser pour trouver un job décent.
J'en reviens à mes observations dans la rue. J'ai vu cette banderole incroyable : "Insurrection lycéenne". Ça ne mérite pas quelques coups de pied au cul, une ânerie pareille, franchement ? Insurrection ! C'est Lénine contre les Tsars de Russie ? Madame Pécresse, vous avez au moins un mérite : exacerber le vocabulaire de notre jeunesse !
Mon irritation a décuplé quand, un peu plus loin, dans ce cortège poussif, j'ai entendu un autre cri.
Ce mot hurlé dans les rues de Paris venait de gamins et de gamines, tous munis de téléphones portables, se photographiant mutuellement dans une joyeuse atmosphère de kermesse.
Ces jeunes gens et jeunes filles arboraient des sourires béats, surtout ceux qui se donnaient du tonus en buvant de la Kronenbourg au goulot.
Ce cri dans le cortège, c'était : "Résistance !".
"Petits cons", si j'ose dire.
J'aurais voulu vous voir, vous les enfants du 21ème siècle, vous les lycéens "résistants" (contre Pécresse ! Quel courage !), j'aurais voulu vous voir le 11 Novembre 1940.
Au soir de ce jour-là, des lycéens parisiens, au péril de leur vie, sont allés place de l'Etoile. Ils se sont rassemblés devant la tombe du soldat inconnu, à l'Arc de Triomphe.
La police française et l'occupant allemand ont chargé, ont tiré, ont tué et ont arrêté.
On pouvait parler alors légitimement de "Résistance".
Lycéens, étudiants de 2007 !
Le mot "Résistance" est un bien grand mot contre la loi anodine de Valérie Pécresse.
Tout ce qui est excessif est insignifiant.
Ne pas mesurer les perspectives historiques est un affront.
Un affront intolérable.