Entre les Césars et les Oscars, Nicolas Sarkozy nous a présenté sa liste de lauréats : le nouveau nouveau nouveau gouvernement de la France (10ème ajustement ou remaniement depuis 2007).
Comme prévu Michèle Alliot-Marie déguerpit piteusement en laissant une lettre de démission forcée qui vaut son pesant de cacahuètes :
Monsieur le président de la République, ‘cher Nicolas’ (ajouté à la main),
Depuis neuf ans, je sers notre pays avec fierté et bonheur, à la tête des ministères régaliens que le président Jacques Chirac puis vous-même avez bien voulu me confier.
C'est un honneur. C'est une responsabilité.
Je me suis efforcée d'y répondre en veillant, dans mes fonctions comme dans mon comportement personnel, à toujours respecter les exigences, non seulement de la légalité, mais aussi de la dignité, de la moralité et de la loyauté.
Depuis quelques semaines, je suis la cible d'attaques politiques puis médiatiques véhiculant, pour créer la suspicion, contre-vérités et amalgames. J'y ai répondu point par point afin de rétablir la vérité.
Depuis quinze jours, c'est ma famille qui subit de la part de certains médias un véritable harcèlement dans sa vie privée, pour tenter d'y chercher de quoi m'affaiblir à défaut de l'avoir trouvé chez moi.
Cette campagne n'entrave en rien mes relations avec mes partenaires internationaux ni ma capacité à remplir la mission que vous m'avez confiée, comme chacun a pu le constater récemment au Brésil ou hier encore dans le Golfe. Je ne puis néanmoins accepter que certains utilisent cette cabale pour essayer de faire croire à un affaiblissement de la politique internationale de la France.
J'ai trop de considération pour les hommes et les femmes du ministère des Affaires étrangères et européennes qui servent notre pays avec dévouement et compétence, pour accepter que leur action puisse être affectée par cette manipulation.
J'ai une trop haute idée de la politique au service de la France pour accepter d'être utilisée comme prétexte à une telle opération.
J'ai une trop grande loyauté et amitié à votre égard pour accepter que votre action internationale puisse, en quoi que ce soit, en souffrir.
Bien qu'ayant le sentiment de n'avoir commis aucun manquement, j'ai donc décidé de quitter mes fonctions de ministre des Affaires étrangères et européennes.
En conséquence, je vous demande donc de bien vouloir accepter ma démission.
Je vous prie de croire, Monsieur le président de la République, à l'assurance de ma haute considération. ‘Avec ma fidèle amitié’ (ajouté à la main).
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MAM s’éclipse enfin en ayant le «sentiment de n’avoir commis aucun manquement». C’est la plus grosse blague de la journée.
Son compagnon Patrick Ollier avait participé à l’équipée tunisienne de MAM en décembre dernier. Il reste au gouvernement. C’est d’une grande cohérence. Il n’y restera pas longtemps. Le dossier de ses compromissions avec la Libye est trop épais.
Brice Hortefeux, doublement condamné par la justice, passe à la trappe et va jouer les utilités à l’Elysée. Il est remplacé au ministère de l’Intérieur par un homme adoré des flics, Claude Guéant. Parfait pour préparer les élections.
Alain Juppé passe aux Affaires étrangères. C’est un retour. Il a déjà occupé ce poste. De quoi rassurer les diplomates, peut-être pas tous. Il n’est pas sûr que Boris Boillon, le plagiste de Tunis, soit exactement le genre de beauté que Juppé affectionne.
Passons sur le fait que Juppé est «un repris de justice», comme le souligne souvent la méchante presse anglo-saxonne. Il a purgé sa peine et a le droit à la réinsertion.
Une question cependant concernant Juppé : comment concilier les Affaires Etrangères avec la gestion quotidienne de Bordeaux, l’une des plus grandes villes de France ? Le patron du Quai d’Orsay voyage beaucoup et souvent loin. Comment pourra-t-il trancher à distance sur le ramassage des ordures ménagères ou sur l’urbanisme dans sa bonne ville ?
Dans le nouveau casting de Nicolas Sarkozy, mon préféré, c’est quand même Gérard Longuet, nouveau ministre de la Défense. Celui-là, il a un palmarès d’enfer. D’abord, il est né à Neuilly. C’est un immense atout.
Fondateur en 1964 avec Alain Madelin du groupuscule d’activistes d’extrême droite ‘Occident’, Gérard Longuet a fait le coup de poing en 1967 à l’université de Rouen contre des étudiants d'extrême gauche. L’un d’eux a sombré dans le coma. Longuet est inculpé, incarcéré puis condamné à 1 000 francs d'amende pour complicité de «violence et voies de fait avec armes et préméditation», en même temps que douze autres militants d'extrême droite, dont Alain Madelin et Patrick Devedjian. Longuet a déclaré plus tard : «J'assume avoir été d'extrême droite. On s'est simplement trompés sur le modèle colonial, qui ne pouvait perdurer ».
Pendant ses études à l’ENA (1971-1973), Gérard Longuet rédige le premier programme économique du Front National qui vient d’être créé par Jean-Marie Le Pen.
Plus tard, dans les années 80-90, il est ministre mais doit démissionner pour des affaires obscures de financement du Parti Républicain auquel il appartient (le parti de François Léotard). Il s’en sort miraculeusement grâce à une loi d’amnistie. Il est aussi providentiellement relaxé pour une magouille concernant la construction de la villa de Saint-Tropez.
Longuet devient sénateur et se fait un peu oublier.
On note toutefois sa déclaration de 2008 : «Qu'il y ait un lien entre homosexualité et pédophilie, ça peut arriver. Notamment dans des écoles catholiques, on a pu voir ça».
Il se fait remarquer à nouveau l’année dernière en s’opposant à la nomination du socialiste Malek Boutih à la tête de la Halde en déclarant : «Il vaut mieux que ce soit le corps français traditionnel qui se sente responsable de l’accueil de tous nos compatriotes. Si vous voulez, les vieux Bretons et les vieux Lorrains - qui sont d’ailleurs en général Italiens ou Marocains - doivent faire l’effort sur eux-mêmes de s’ouvrir à l’extérieur. Si vous mettez quelqu’un de symbolique, extérieur, vous risquez de rater l’opération». Symbolique, extérieur, étranger au ‘corps traditionnel français’, c’était Malek Boutih, français né de parents algériens.
Bref, nous sommes contents de retrouver Gérard Longuet qui incarne à lui seul les valeurs de tolérance, de probité et de modernité qui traversent ce nouveau nouveau nouveau gouvernement tout entier.