"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

dimanche 27 février 2011

Exit MAM, bonjour Gérard Longuet !


Entre les Césars et les Oscars, Nicolas Sarkozy nous a présenté sa liste de lauréats : le nouveau nouveau nouveau gouvernement de la France (10ème ajustement ou remaniement depuis 2007).

Comme prévu Michèle Alliot-Marie déguerpit piteusement en laissant une lettre de démission forcée qui vaut son pesant de cacahuètes :

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Monsieur le président de la République, ‘cher Nicolas’ (ajouté à la main),

Depuis neuf ans, je sers notre pays avec fierté et bonheur, à la tête des ministères régaliens que le président Jacques Chirac puis vous-même avez bien voulu me confier.

C'est un honneur. C'est une responsabilité.

Je me suis efforcée d'y répondre en veillant, dans mes fonctions comme dans mon comportement personnel, à toujours respecter les exigences, non seulement de la légalité, mais aussi de la dignité, de la moralité et de la loyauté.

Depuis quelques semaines, je suis la cible d'attaques politiques puis médiatiques véhiculant, pour créer la suspicion, contre-vérités et amalgames. J'y ai répondu point par point afin de rétablir la vérité.

Depuis quinze jours, c'est ma famille qui subit de la part de certains médias un véritable harcèlement dans sa vie privée, pour tenter d'y chercher de quoi m'affaiblir à défaut de l'avoir trouvé chez moi.

Cette campagne n'entrave en rien mes relations avec mes partenaires internationaux ni ma capacité à remplir la mission que vous m'avez confiée, comme chacun a pu le constater récemment au Brésil ou hier encore dans le Golfe. Je ne puis néanmoins accepter que certains utilisent cette cabale pour essayer de faire croire à un affaiblissement de la politique internationale de la France.

J'ai trop de considération pour les hommes et les femmes du ministère des Affaires étrangères et européennes qui servent notre pays avec dévouement et compétence, pour accepter que leur action puisse être affectée par cette manipulation.

J'ai une trop haute idée de la politique au service de la France pour accepter d'être utilisée comme prétexte à une telle opération.

J'ai une trop grande loyauté et amitié à votre égard pour accepter que votre action internationale puisse, en quoi que ce soit, en souffrir.

Bien qu'ayant le sentiment de n'avoir commis aucun manquement, j'ai donc décidé de quitter mes fonctions de ministre des Affaires étrangères et européennes.

En conséquence, je vous demande donc de bien vouloir accepter ma démission.

Je vous prie de croire, Monsieur le président de la République, à l'assurance de ma haute considération. ‘Avec ma fidèle amitié’ (ajouté à la main).

Michèle Alliot-Marie

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MAM s’éclipse enfin en ayant le «sentiment de n’avoir commis aucun manquement». C’est la plus grosse blague de la journée.

Son compagnon Patrick Ollier avait participé à l’équipée tunisienne de MAM en décembre dernier. Il reste au gouvernement. C’est d’une grande cohérence. Il n’y restera pas longtemps. Le dossier de ses compromissions avec la Libye est trop épais.

Brice Hortefeux, doublement condamné par la justice, passe à la trappe et va jouer les utilités à l’Elysée. Il est remplacé au ministère de l’Intérieur par un homme adoré des flics, Claude Guéant. Parfait pour préparer les élections.

Alain Juppé passe aux Affaires étrangères. C’est un retour. Il a déjà occupé ce poste. De quoi rassurer les diplomates, peut-être pas tous. Il n’est pas sûr que Boris Boillon, le plagiste de Tunis, soit exactement le genre de beauté que Juppé affectionne.

Passons sur le fait que Juppé est «un repris de justice», comme le souligne souvent la méchante presse anglo-saxonne. Il a purgé sa peine et a le droit à la réinsertion.

Une question cependant concernant Juppé : comment concilier les Affaires Etrangères avec la gestion quotidienne de Bordeaux, l’une des plus grandes villes de France ? Le patron du Quai d’Orsay voyage beaucoup et souvent loin. Comment pourra-t-il trancher à distance sur le ramassage des ordures ménagères ou sur l’urbanisme dans sa bonne ville ?

Dans le nouveau casting de Nicolas Sarkozy, mon préféré, c’est quand même Gérard Longuet, nouveau ministre de la Défense. Celui-là, il a un palmarès d’enfer. D’abord, il est né à Neuilly. C’est un immense atout.

Fondateur en 1964 avec Alain Madelin du groupuscule d’activistes d’extrême droite ‘Occident’, Gérard Longuet a fait le coup de poing en 1967 à l’université de Rouen contre des étudiants d'extrême gauche. L’un d’eux a sombré dans le coma. Longuet est inculpé, incarcéré puis condamné à 1 000 francs d'amende pour complicité de «violence et voies de fait avec armes et préméditation», en même temps que douze autres militants d'extrême droite, dont Alain Madelin et Patrick Devedjian. Longuet a déclaré plus tard : «J'assume avoir été d'extrême droite. On s'est simplement trompés sur le modèle colonial, qui ne pouvait perdurer ».

Pendant ses études à l’ENA (1971-1973), Gérard Longuet rédige le premier programme économique du Front National qui vient d’être créé par Jean-Marie Le Pen.

Plus tard, dans les années 80-90, il est ministre mais doit démissionner pour des affaires obscures de financement du Parti Républicain auquel il appartient (le parti de François Léotard). Il s’en sort miraculeusement grâce à une loi d’amnistie. Il est aussi providentiellement relaxé pour une magouille concernant la construction de la villa de Saint-Tropez.

Longuet devient sénateur et se fait un peu oublier.

On note toutefois sa déclaration de 2008 : «Qu'il y ait un lien entre homosexualité et pédophilie, ça peut arriver. Notamment dans des écoles catholiques, on a pu voir ça».

Il se fait remarquer à nouveau l’année dernière en s’opposant à la nomination du socialiste Malek Boutih à la tête de la Halde en déclarant : «Il vaut mieux que ce soit le corps français traditionnel qui se sente responsable de l’accueil de tous nos compatriotes. Si vous voulez, les vieux Bretons et les vieux Lorrains - qui sont d’ailleurs en général Italiens ou Marocains - doivent faire l’effort sur eux-mêmes de s’ouvrir à l’extérieur. Si vous mettez quelqu’un de symbolique, extérieur, vous risquez de rater l’opération». Symbolique, extérieur, étranger au ‘corps traditionnel français’, c’était Malek Boutih, français né de parents algériens.

Bref, nous sommes contents de retrouver Gérard Longuet qui incarne à lui seul les valeurs de tolérance, de probité et de modernité qui traversent ce nouveau nouveau nouveau gouvernement tout entier.

Le jour le plus long pour MAM et POM



ANYHOW y reviendra dès que la sanction aura été infligée à ce couple gouvernemental.

samedi 26 février 2011

John Galliano à "La Perle" : injures haute-couture

Si vous n’êtes pas un branché urbain, un jet-setter de la fashion week, un people décalé, bref, si vous n’êtes personne, vous ne connaissez pas «La Perle», bar-brasserie très «hype» du Marais, à Paris. L’établissement se trouve au 78 de la rue Vieille-du-Temple, dans le 3ème arrondissement de la capitale. Pour vous expliquer ce que vous manquez, voici une petite description de l’endroit que j’ai trouvée sur un site :

­­­­­­­­­­­­De jour comme de nuit, La Perle grouille de monde. Le matin, livreurs, commerçants et habitués du quartier se pressent pour déguster le premier café du jour. A midi, ceux qui travaillent dans le quartier apprécient d’y prendre une pause déjeuner. La journée, les retraités viennent volontiers prendre une pâtisserie ou une boisson chaude. A la tombée de la nuit, étudiants, jeunes branchés, bande de copains ont fait de ce bar tout simple, sans fioriture leur quartier général. Volutes de fumée, musique rock ou électro, cigares, cocktails bières ou champagnes... à chacun ses plaisirs. Un vrai bar de quartier où toutes les générations se retrouvent, une ambiance de fête et de chaleur au quotidien.

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Oui, c’est ça «La Perle», la chaleur au quotidien et le diabolo menthe à 4,5 €. Et c’est là que jeudi soir s’est produit un événement dont le protagoniste est John Galliano, né il y a 50 ans à Gibraltar, fils d’un plombier anglais et d’une espagnole férue de flamenco. John Galliano est un célèbre couturier, directeur artistique chez Dior (groupe LVMH). Il est «Commander of the British Empire» (Commandeur de l'ordre de l'Empire britannique). Il a bien changé l'Empire britannique, depuis la reine Victoria...

Jeudi soir, John Galliano avait un peu bu. Mais pas des diabolos menthe. Vers 21 h, à la terrasse de «La Perle», il interpelle un couple assis à une table voisine. La conversation prend très vite un tour très animé. Galliano lance d’abord à Géraldine (35 ans) la phrase suivante (en anglais) : «Sale face de juive, tu devrais être morte !». Puis Galliano agrippe la jeune femme par les cheveux avant de s’en prendre verbalement à son compagnon d’origine asiatique, Philippe (41 ans) : «Putain de batard asiatique, je vais te tuer !». Des témoins s’interposent. Ce qui n’empêche pas Galliano de proférer d’autres amabilités : «Ferme ta gueule, sale pute ! Je ne supporte pas ta voix de sale pute ! Tu es tellement moche que je ne supporte pas ta vision. Tu as des bottes bas de gamme, des cuisses bas de gamme. Tu n’as pas de cheveux, tes sourcils sont moches, tu es dégueulasse, tu n’es qu’une pute !».

Géraldine n'a pas "pas de cheveux" mais Galliano les a quand même empoignés...

Le couturier, pour prouver son expertise en matière de bottes haut de gamme, a conclu l’échange en s’identifiant : «Je suis le créateur John Galliano !».

Voici le témoignage sonore de Géraldine, recueilli par Europe 1 :



La police est intervenue et a embarqué le malotru éméché. Le couple (qui rapporte les propos cités ci-dessus) a porté plainte. Galliano, dégrisé, conteste formellement les faits. Il va néanmoins avoir du mal à contrer les témoignages des nombreux autres clients du bar qui ont assisté à la scène.

La maison Dior a prestement suspendu Galliano de ses fonctions. Chez LVMH, on est devenu très prudent après les propos sur les «nègres» du parfumeur Jean-Paul Guerlain (autre marque LVMH).

Evidemment, c’est très embêtant pour Dior : Galliano devait présenter vendredi prochain au musée Rodin son défilé automne-hiver. L’injure antisémite, si elle est confirmée, est très préjudiciable pour la marque. Et l’injure anti-asiatique est très mal venue pour Dior qui réalise un tiers de son chiffre d’affaires en Asie.

John Galliano, s’il est condamné, risque 22.500 € d’amende (une broutille pour lui) et six mois de prison.

Mais il est toujours possible de tirer parti de l’adversité. La prison, finalement, ce serait peut-être une aubaine, une inspiration nouvelle pour le créateur de mode.

En 2000, Galliano nous avait gratifié de son mémorable défilé «Clochards» : hommage luxueux et romantique, selon le couturier, «à l'ingéniosité que déploient les déshérités pour se vêtir». Les associations de défense des SDF avaient manifesté à l’époque devant le siège de Dior.

Après les clochards, Galliano pourrait profiter d’un possible séjour derrière les barreaux pour inventer une collection «taulards»...

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Il existe une courte vidéo tournée le 12 décembre 2010 "la Perle". Elle a été récupérée par le quotidien britannique "The Sun" visible en cliquant ici. On y voit et on y entend très clairement le couturier proférer des insultes racistes.

vendredi 25 février 2011

Alain Delon au théâtre avec sa fille Anouchka

J’ai vu Alain Delon sur la scène du théâtre des Bouffes Parisiens dans cette pièce écrite pour lui aux petits oignons par Eric Assous et intitulée «Une journée ordinaire», un texte sur mesure qui nous présente un père veuf et vieillissant, inconsolé de la mort de son épouse dans un accident de voiture. Le père vit avec sa fille unique de 20 ans qui cherche à acquérir son indépendance. C’est le propos du spectacle joliment mis en scène par Jean-Luc Moreau. Deux heures sans entracte.

Au bout du compte, le tout fonctionne très bien. Les dialogues sonnent juste. Pour ajouter du piquant à l’affaire, Delon a face à lui une jeune actrice qui est sa propre fille, Anouchka Delon, dont la mère néerlandaise Rosalie van Breemen a donné également à Delon un fils.

Anouchka a l’âge du rôle : 20 ans. Elle se débrouille très bien en donnant la réplique à son illustre père. Pour compléter la distribution, on trouve Elisa Servier, comédienne chevronnée (qui incarne la maîtresse cachée du père veuf) et un débutant, Christophe de Choisy (le petit ami d’Anouchka, à la scène comme à la ville). Pendant les moments que ce jeune homme inconnu partage avec Delon, je me suis demandé ce qu’il ressentait en étant confronté à ce monstre sacré toujours en vie.

Je ne dirai pas que c’est la pièce la plus inventive que j’aie jamais vue. C’est un écrin adroitement préfabriqué pour mettre Delon en valeur. Il a le beau rôle de bout en bout, y compris à la fin où il craque nerveusement et éclate en sanglots, seul en scène.

C’est du théâtre assez conventionnel mais très honnêtement produit et interprété.

On passe, à dire vrai, un moment fort agréable et le public est conquis.

Et puis, après tout, on vient pour voir Delon «en vrai».

Notre pays compte assez peu de stars. Delon n’a jamais rien fait à Hollywood mais c’est quand même une star. Il est le premier à en être convaincu.

Son début de carrière cinématographique est éblouissant, en commençant par «Plein soleil» (René Clément – 1960) où il est lumineux et rayonnant de beauté.
Suivent aussi : «Rocco et ses frères» (Visconti – 1961), «L’éclipse» (Antonioni – 1962), «Le guépard» (Visconti – 1963). Rien que ça, ce n’est pas rien.

Le reste de sa filmographie est beaucoup plus inégal, avec une brassée de navets navrants. Dans la longue liste des films de Delon, on peut néanmoins distinguer «Le Samouraï» (1967) et «Le cercle rouge» (1970) de Jean-Pierre Melville ou encore «Monsieur Klein» (Joseph Losey – 1976).

Bref, c’est Delon, l’homme qui parle de lui à la troisième personne, immense vedette en Asie, personnage infatué de lui-même mais acteur infatigable qui, sous une apparence bourrue, fait preuve de sincérité et de générosité. Le bonhomme paie de sa personne depuis très longtemps.

Alain Delon a maintenant 75 ans. Oui, déjà ! Il est tous les soirs au théâtre avec sa fille. Il a l’air d’y prendre un vrai plaisir et ce plaisir se transmet dans la salle.

On ne demande rien de plus à un acteur.

jeudi 24 février 2011

Les week-ends sarthois de François Fillon en avion officiel

Peut-être aviez-vous lu l’article d’Anyhow publié le 6 février dernier et intitulé «Avions officiels : qu’importe le Falcon pourvu qu’on ait l’ivresse du pouvoir».

J’y évoquais l’usage immodéré des avions de la République par le président Sarkozy et certains ministres, souvent pour des trajets très courts. Je mentionnais aussi les déplacements aéronautiques du premier ministre François Fillon pour ses week-ends privés dans son fief de la Sarthe.

‘France-Soir’ a mené l’enquête avec précision.

Coût du voyage aller et retour, selon les calculs de 'France-Soir', pour les déplacements de fin de semaine du chef du gouvernement dans la Sarthe : 27.000 €. (lire cet article sur le site du quotidien en cliquant ici)

Voici le texte :

­­­­­­­­­Week-end du Premier ministre : Un avion de la République pour 255 kilomètres

Quand il se rend chez lui, à 1 h 20 de TGV de Paris, le Premier ministre emprunte un avion de la République. Autorisé, mais légèrement absurde.

Armés d’appareils photos, une vingtaine de personnes stationnent face à quatre gendarmes derrière la grille du petit aéroport d’Angers-Marcé, dans la Sarthe, à quinze kilomètres d’Angers. Aux couleurs de la République française, le Falcon 7X du Premier ministre, François Fillon, vient d’atterrir, comme tous les dimanches après-midi. Nous sommes le 20 février 2011, il est très exactement 15 h 15. Et là, les commentaires fusent : « Il pourrait prendre le TGV », « C’est nous qui payons ». Les photographes amateurs mitraillent le Falcon 7X. Ils sortent du musée de l’Aviation, édifié sur l’aéroport d’Angers-Marcé. Ces habitués râlent. Mais en réalité, ils espèrent que le Premier ministre, qu’ils surnomment affectueusement « François de Solesmes » (du nom de sa commune de résidence, à 50 km de là), vienne les saluer.

Discrétion

Tout a commencé lorsque François Fillon a été nommé Premier ministre, le 17 mai 2007. Au début, pour rejoindre sa propriété de Solesmes, à mi-chemin entre Angers et le Mans, François Fillon a utilisé un hélicoptère Super-Puma de l’Armée de l’Air. Le ballet se répétait toutes les semaines. Il suivait l’exemple de François Mitterrand qui, durant les quatorze années de son septennat, a utilisé presque tous les week-ends le même hélicoptère pour voyager, en compagnie de Mazarine et de sa maman, entre Paris et Clermont-Ferrand.

Très vite, pour rentrer chez lui le week-end, le Premier ministre a délaissé le Super-Puma pour des avions gouvernementaux, le Falcon 900, puis le Falcon 7X. Un habitant de Solesmes témoigne : « Le bruit des turbines du Super-Puma est tellement puissant et reconnaissable que tout le village et ses environs savaient que le Premier ministre était arrivé pour le week-end. »

Loin du bling-bling

En effet, loin du bling-bling parisien, François Fillon le terrien vient se ressourcer pratiquement tous les week-ends dans son petit manoir de Beaucé. Edifié au XVIIe siècle par des descendants de Du Guesclin, il surplombe un joli terrain en pente, des bois et des prés. Ici pâturent les chevaux shetland de son épouse, Pénélope Fillon, à côté du tracteur du Premier ministre. Dans son magnifique village médiéval de Solesmes, François Fillon n’est qu’un conseiller municipal.

Bienfaiteur

Solesmes fait partie de la communauté de communes de Sablé-sur-Sarthe, une ville dont François Fillon a été le maire de 1983 à 2001. Cette ville de 13.000 habitants, dont il est le député depuis 1981, et ses alentours ont bénéficié des attentions de François Fillon. Il y a favorisé le maintien du tissu industriel, avec 12.000 emplois pour 28.000 habitants. Il y a favorisé la filière agroalimentaire (production de veaux, vaches, porcs et poulets) d’une usine de voitures électriques, et surtout la création, en 1989, d’une gare TGV à Sablé-sur-Sarthe. Les riverains admettent : « Il n’y avait aucune raison pour que le TGV s’arrête entre le Mans et Angers, mais on ne va s’en plaindre. »

Avion, TGV ou voiture… mêmes durées

Le TGV a mis le fief du Premier ministre à une 1 h 20 de Paris-Montparnasse. Cette gare est elle-même à dix minutes de l’hôtel Matignon pour un convoi officiel. Mais François Fillon boude le TGV. Il emprunte systématiquement le Falcon 7X aux couleurs de la France, à l’initiative des services de sécurité. Pourtant, sans parler du prix, sur ce trajet le TGV est imbattable en temps ; il met le bureau parisien de M. Fillon à deux heures de sa résidence de Solesmes.

Pour démontrer la supériorité du TGV sur l’avion, retournons sur l’aéroport d’Angers-Marcé, le dimanche 20 février 2011 à 15 h 15. Le plein refait et moteur tournant, le Falcon 7X de l’Etec (escadron de transport d’entraînement et de calibration) attend le Premier ministre qui arrive à 16 h 15 dans une C6, escortée d’une Vel Satis et d’une Espace. Pour venir de Solesmes, sa C6 met une demi-heure en empruntant l’autoroute A11. Une fois dans l’avion, François Fillon va attendre vingt minutes pour décoller, c’est le temps des procédures aériennes. Ensuite, le 7X rallie l’aéroport de Villacoublay en une demi-heure. Muni d’un gyrophare, une autre C6 le conduit en 25 minutes à l’hôtel Matignon. Faisons les comptes : entre parcours routiers, procédures au sol et vol, 1 h 40 à 1 h 45 minutes en Falcon. Avec le gyrophare et la sirène deux tons, la C6 du Premier ministre ne mettrait pas plus de 1 h 45 pour relier, par l’autoroute A11, le village de Solesmes à l’hôtel Matignon. Conclusion : en TGV, en voiture officielle ou en avion, les temps de trajets sont très proches… mais nettement plus chers en Falcon 7X.

Un usage de la Ve République

Alors pourquoi le Premier ministre, réputé rigoureux et soucieux d’équilibre budgétaire, préfère-t-il le Falcon 7X au TGV ou à la voiture ? En fait, François Fillon se conforme aux usages de la République française en matière de déplacements des plus hautes personnalités de l’Etat.

En effet, le président de la République et le Premier ministre sont tenus, « pour des raisons de sécurité », de voyager sur les vols de l’Etec (avions de l’armée de l’air), même lorsqu’ils se déplacent pour des raisons privées. Dans ce cas, ils paient personnellement leur place, ainsi que celle des membres de leurs familles, sur la base d’un tarif kilométrique commercial.

Le vendredi 18 février dernier, François Fillon avait débarqué du Falcon 7X à Angers-Marcé, vers 18 h 30, pour aller présider à 19 heures le conseil de la communauté de communes de Sablé-sur-Sarthe. Le lendemain, il a posé la première pierre d’une école à Pruillé-le-Chétif, fief communiste dans la banlieue du Mans, pour soutenir le candidat de l’UMP, à la veille des cantonales. Le dimanche 20 février, François Fillon s’est reposé dans sa propriété, avant de prendre à nouveau le Falcon 7X. Dans ce cas précis, il ne semble pas tenu de payer le voyage.

Nous avons interrogé le service de presse du Premier ministre, sur la pertinence de ces déplacements systématiques en avions, plutôt qu’en TGV ou en voiture, sur une aussi courte distance. La réponse fut immédiate : « Voyager en train obligerait les services de sécurité à déminer systématiquement le TGV, à l’aller comme au retour, causant de graves désagréments pour les passagers. Quant à la voiture, c’est une question de temps, et aussi de sécurité. »

Comment font-ils ailleurs ?

A notre époque, placée sous le signe de l’austérité budgétaire et des économies, les Premiers ministres étrangers donnent l’exemple de la simplicité et de l’économie. Le week-end, la chancelière allemande Angela Merkel rejoint sa résidence secondaire, à une centaine de kilomètres au nord de Berlin, au volant de sa voiture personnelle. La semaine, elle fait ses courses au supermarché, près de la chancellerie, où elle fait la queue comme tout le monde et règle avec des espèces tirées de son porte-monnaie. Trois gardes du corps ne la lâchent pas d’une semelle, mais de manière extrêmement discrète.

Même philosophie à Londres où le Premier ministre anglais, David Cameron, délaisse le plus souvent sa jaguar blindée et les avions gouvernementaux pour utiliser, aussi bien pour ses déplacements officiels que privés, les avions de ligne et le train. Trois gardes du corps le suivent également, avec l’ordre de se faire le plus discret possible.

En revanche, le Premier ministre espagnol, Fernando Zapatero, utilise uniquement les moyens techniques fournis par le gouvernement (voiture blindée et avion), en raison de la menace terroriste d’ETA. Quant au très riche Premier ministre italien, Silvio Berlusconi, il utilise le plus souvent son avion privé et ses voitures personnelles, à ses frais.

Enfin, dans les pays scandinaves, la règle de l’économie est une religion pour tout le gouvernement. Les Premiers ministres utilisent leurs voitures personnelles pour tout déplacement privé et le train pour leurs déplacements officiels à l’intérieur de leurs pays.

Combien ça coûte ?

Le coût des vols aller et retour effectués par le Premier ministre entre Vélizy-Villacoublay et l’aéroport d’Angers-Marcé lors du week-end décrit ci-contre peut être évalué à 27.000 €. L’appareil gouvernemental a en effet effectué un premier vol le vendredi avant de retourner à sa base (total : 1 heure de vol). Le dimanche, l’avion reproduit le même trajet pour venir chercher le Premier ministre (1 heure de vol également). Il y faut ajouter 1 h 30 d’immobilisation au sol, moteurs allumés, pour les check-lists et le roulage.

En empruntant le réseau routier avec une Citroën C6, le voyage entre Paris et Sablé-sur-Sarthe, en pays de Loire, soit 510 km aller et retour, aurait coûté environ 110 €, dont 40 € de péages. La durée totale de ce trajet aurait été de cinq heures.

En utilisant le réseau ferré, dans un TGV Atlantique, dans un wagon de 36 places, privatisé pour des raisons de sécurité, en 1re classe, le coût total du trajet Paris-Montparnasse – Sablé-sur-Sarthe et retour se serait élevé à 5.800 €. La durée du trajet aurait été de 1 h 25 pour l’aller et autant pour le retour

Par Yvan Stefanovitch @France-Soir

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mercredi 23 février 2011

Michèle Alliot-Marie et Patrick Ollier, le couple de l'année...


Pendant que le colonel Kadhafi s’accroche à son pouvoir vacillant en répandant le sang de son peuple, l’inénarrable Michèle Alliot-Marie continue de défendre, bec et ongle, la diplomatie qu’elle incarne sous le contrôle du président Nicolas Sarkozy.

Voici le texte du dernier communiqué en date de MAM (MAM = Mensonge Après Mensonge). Merci de ne pas éclater de rire en lisant ces quelques lignes.

"Que ce soit notamment dans le cadre de l'Union européenne, à l'ONU, au G8, au G20, en Afrique, au Proche et Moyen-Orient, la politique étrangère menée par le président de la République est claire, ambitieuse, courageuse et efficace."

Claire, ambitieuse, courageuse et efficace. Qu’en termes galants ces choses-là sont dites !

Que ces belles paroles ne nous empêchent pas d’explorer le parcours libyen de Patrick Ollier, membre du gouvernement français et compagnon de MAM.

Le site OWNI a très bien travaillé sur ce dossier Ollier. C’est à lire en cliquant ici.

Mouammar Kadhafi et Nicolas Sarkozy : photos souvenirs (avec Boris Boillon)

Si vous avez des difficultés à consulter les photos de la visite du colonel Kadhafi à Paris en décembre 2007 sur le site de la présidence de la République française, c'est normal. Elles sont très bien cachées.
L'Elysée dément formellement avoir effacé ces images historiques, mais elles semblent désormais classées dans des fichiers enfouis dans les profondeurs du site présidentiel.
Pour vous faire gagner du temps et afin que vous puissiez contempler sans peine ce magnifique album souvenir, Anyhow vous le propose ici.


Ambiance chaleureuse et souriante

sauf pour le colonel qui regarde le plafond

Sur ce détail, à gauche du président, son conseiller diplomatique Jean-David Lévitte et Boris Boillon (alors conseiller pour le Maghreb et le Moyen-Orient)

Au premier plan, Claude Guéant (secrétaire général de l'Elysée). Remarquez que le dossier de Monsieur Guéant est assorti à la couleur du jus d'orange. C'est ça, le raffinement à la française....

Sur la photo de la sortie du colonel, on aperçoit juste derrière le président, son porte-parole de l'époque David Martinon (catapulté ensuite à Los Angeles comme consul général, après une brouille légendaire à Neuilly) et Boris Boillon, celui qui est notre désormais célébrissime ambassadeur en Tunisie.
Dans le même registre, je vous invite à consulter sur une autre page d'ANYHOW, les photos si émouvantes avec d'autres grand humanistes comme Ben Ali et Moubarak.

mardi 22 février 2011

Hommage au travail bien fait


J’aime quand le travail est bien fait.

En quelques jours, j’ai pu observer et bénéficier de l’expertise de quatre vrais professionnels. Ce ne sont pas des stars, pas des vedettes du journalisme ou de la politique. Seulement des artisans ou des techniciens compétents, courtois et rigoureux. Quatre professionnels qui ont fait le ‘job’, en temps et en heure, avec précision.

Permettez-moi de vous relater ici des expériences domestiques, des épisodes minuscules qui ont cependant valeur d’exemple.

Le dernier en date, c’est mon interlocuteur de chez ‘Orange’ avec qui j’ai passé près de deux heures au téléphone ce matin. La situation me paraissait inextricable : plus rien ne fonctionnait, mon Internet, ma télé, mon téléphone fixe. Mon interlocuteur, avec une infinie patience, m’a guidé dans les méandres d’une reconfiguration totale de mon installation. Etape par étape, il m’a pris téléphoniquement par la main. Je ne sais pas où il se trouvait, peut-être au Maroc, en Tunisie ou à l’Ile Maurice. C’est souvent ainsi que ça se passe, quand on joint une plate-forme téléphonique, une ‘hot-line’. Résultat : tout fonctionne à nouveau magnifiquement. Le technicien d’Orange m’a rappelé une demi-heure plus tard pour vérifier que tout était en marche. Joli boulot.

Le deuxième exemple est ce couvreur venu inspecter mon toit pour une réfection qui s’impose. Là encore : précision, savoir-faire et sérieux.

Troisième exemple : cet artisan venu réparer un volet roulant cassé. Il a rapidement identifié le problème et l’a résolu en un temps record, sans m’infliger une facture exorbitante.

Quatrième et dernier exemple : un chauffagiste que j’avais appelé pour vérifier ma chaudière à gaz. Nous avions rendez-vous à 13 h 30. A 13 h 29, il sonnait à ma porte. Il s’est ensuite parfaitement acquitté de sa tache.

Vous me connaissez : je suis un grand râleur. Mais quand le boulot est accompli, dans les règles et selon le contrat tacite pré-établi, il faut le dire. Il faut rendre hommage à celles et ceux (et ils sont nombreux) qui, jour après jour, sont dignes de leur profession, dans l’anonymat et la discrétion, en affrontant des problèmes concrets sur lesquels il est impossible de tricher.

Il y a tant de leçons à tirer de cette attitude pour d’autres corporations plus médiatisées : les politiciens, les diplomates, les journalistes et un grand nombre de prétendus artistes.

Les aventures de Boris Boillon (suite)



Sacré Boris !
Tous les jours, une petite révélation. La vidéo qui fait du buzz maintenant, c’est l’apparition de Boris Boillon, qui était encore ambassadeur en Irak, sur le plateau de Canal+ en novembre dernier. C’est donc assez récent.
Boris Boillon, que Kadhafi appelle affectueusement «mon fils», considérait que le colonel libyen n’était plus un terroriste.


Vous irez expliquer ça aux familles des centaines de morts de ces derniers jours en Libye...
Il faut dire que Boris Boillon est sur la ligne (verte) de son boss, Nicolas Sarkozy qui, on s’en souvient, avait accueilli en grandes pompes à Paris en 2007 le grand humaniste Kadhafi, guide de la Révolution.
Il semble maintenant que la Révolution se fasse plutôt contre le guide.
Cette jolie photo officielle aurait été retirée récemment du site de l'Elysée. La présidence de la République dément cette information en affirmant qu'elle n'y a jamais figuré. (Davantage de photos souvenirs en cliquant ici)

Et pendant ce temps-là, Michèle Alliot-Marie est en mission de la plus haute importance au Brésil. On devrait lui préparer d'urgence une visite sur l'ile de Pâques ou à Saint-Hélène, tant il est nécessaire qu'elle soit éloignée le plus longtemps possible du Maghreb et du Proche-Orient où elle est honnie (Honnie Moubarak, notamment).

Malgré (ou à cause de) l'éloignement de MAM en Amérique du Sud, une équipe de choc de la France qu'on aime et qu'on vénère vient de débarquer en Tunisie : Christine Lagarde, ministre de l'Economie, Laurent Wauquiez, ministre des Affaires européennes (ah bon, la Tunisie, c'est en Europe ?) sans oublier l'inénarrable Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat au tourisme. Le boulot de Frédéric Lefebvre, c'est de promouvoir le tourisme en France, non ? Pas de sauver le tourisme tunisien. Mais passons.
Voici une photo de l'événement.
On ne voit hélas pas Frédéric Lefebvre mais on voit les autres autour de Mohammed Ghannouchi, premier ministre tunisien.
On voit aussi (juste derrière Christine Lagarde) Boris Boillon, notre ambassadeur de France local, ravi de la crèche mais pas en maillot de bain, cette fois.

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Voici, sur le même sujet, une tribune libre publiée aujourd’hui par «Le Monde»

"On ne s’improvise pas diplomate"
Un groupe de diplomates français de générations différentes, certains actifs, d'autres à la retraite, et d'obédiences politiques variées, a décidé de livrer son analyse critique de la politique extérieure de la France sous Nicolas Sarkozy. En choisissant l'anonymat, ils ont imité le groupe Surcouf émanant des milieux militaires, dénonçant lui aussi certains choix du chef de l'Etat. Le pseudonyme collectif qu'ils ont choisi est "Marly" – du nom du café où ils se sont réunis la première fois. Ceci est leur premier texte public.
La manœuvre ne trompe plus personne : quand les événements sont contrariants pour les mises en scène présidentielles, les corps d'Etat sont alors désignés comme responsables.
Or, en matière diplomatique, que de contrariétés pour les autorités politiques ! A l'encontre des annonces claironnées depuis trois ans, l'Europe est impuissante, l'Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés et Washington nous ignore ! Dans le même temps, nos avions Rafale et notre industrie nucléaire, loin des triomphes annoncés, restent sur l'étagère. Plus grave, la voix de la France a disparu dans le monde. Notre suivisme à l'égard des Etats-Unis déroute beaucoup de nos partenaires.
Pendant la guerre froide, nous étions dans le camp occidental, mais nous pesions sur la position des deux camps par une attitude originale. Aujourd'hui, ralliés aux Etats-Unis comme l'a manifesté notre retour dans l'OTAN, nous n'intéressons plus grand monde car nous avons perdu notre visibilité et notre capacité de manœuvre diplomatique. Cette perte d'influence n'est pas imputable aux diplomates mais aux options choisies par les politiques.
Il est clair que le président n'apprécie guère les administrations de l'Etat qu'il accable d'un mépris ostensible et qu'il cherche à rendre responsables des déboires de sa politique. C'est ainsi que les diplomates sont désignés comme responsables des déconvenues de notre politique extérieure. Ils récusent le procès qui leur est fait. La politique suivie à l'égard de la Tunisie ou de l'Egypte a été définie à la présidence de la République sans tenir compte des analyses de nos ambassades. C'est elle qui a choisi MM. Ben Ali et Moubarak comme "piliers sud" de la Méditerranée.
Un WikiLeaks à la française permettrait de vérifier que les diplomates français ont rédigé, comme leurs collègues américains, des textes aussi critiques que sans concessions. Or, à l'écoute des diplomates, bien des erreurs auraient pu être évitées, imputables à l'amateurisme, à l'impulsivité et aux préoccupations médiatiques à court terme.
Impulsivité ? L'Union pour la Méditerranée, lancée sans préparation malgré les mises en garde du Quai d'Orsay qui souhaitait modifier l'objectif et la méthode, est sinistrée.
Amateurisme ? En confiant au ministère de l'écologie la préparation de la conférence de Copenhague sur le changement climatique, nous avons abouti à l'impuissance de la France et de l'Europe et à un échec cuisant.
Préoccupations médiatiques ? La tension actuelle avec le Mexique résulte de l'exposition publique d'un dossier qui, par sa nature, devait être traité dans la discrétion.
Manque de cohérence ? Notre politique au Moyen-Orient est devenue illisible, s'enferre dans des impasses et renforce les cartes de la Syrie. Dans le même temps, nos priorités évidentes sont délaissées. Il en est ainsi de l'Afrique francophone, négligée politiquement et désormais sevrée de toute aide bilatérale.
Notre politique étrangère est placée sous le signe de l'improvisation et d'impulsions successives, qui s'expliquent souvent par des considérations de politique intérieure. Qu'on ne s'étonne pas de nos échecs. Nous sommes à l'heure où des préfets se piquent de diplomatie, où les "plumes" conçoivent de grands desseins, où les réseaux représentant des intérêts privés et les visiteurs du soir sont omniprésents et écoutés.
Il n'est que temps de réagir. Nous devons retrouver une politique étrangère fondée sur la cohérence, l'efficacité et la discrétion.
Les diplomates français n'ont qu'un souhait : être au service d'une politique réfléchie et stable. Au-delà des grandes enceintes du G8 et du G20 où se brouillent les messages, il y a lieu de préciser nos objectifs sur des questions essentielles telles que le contenu et les frontières de l'Europe de demain, la politique à l'égard d'un monde arabe en révolte, nos objectifs en Afghanistan, notre politique africaine, notre type de partenariat avec la Russie.
Les diplomates appellent de leurs vœux une telle réflexion de fond à laquelle ils sauront apporter en toute loyauté leur expertise. Ils souhaitent aussi que notre diplomatie puisse à nouveau s'appuyer sur certaines valeurs (solidarité, démocratie, respect des cultures) bien souvent délaissées au profit d'un coup par coup sans vision.
Enfin, pour reprendre l'avertissement d'Alain Juppé et d'Hubert Védrine publié le 7 juillet 2010 dans Le Monde "l'instrument [diplomatique] est sur le point d'être cassé". Il est clair que sa sauvegarde est essentielle à l'efficacité de notre politique étrangère.
©Le Monde
et la réponse de l'Elysée, à cette tribune libre, par la voix du conseiller spécial du président de la République, Henri Guaino :


"C'est un tract politique qui a toutes les caractéristiques du tract, d'abord dans la façon de s'exprimer", en ce qu'"il n'y a pas d'argumentation, juste des jugements à l'emporte-pièce et enfin dans le fait qu'il est anonyme comme un tract", a déclaré ce mercredi matin Henri Guaino, conseiller spécial du chef de l'Etat, sur France Info, à propos de la tribune publiée la veille dans Le Monde par un groupe de diplomates anonymes critiquant sévèrement la politique étrangère française.
Les auteurs de cette tribune, "qui sont-ils ? De jeunes ambitieux qui cherchent des places, des diplomates retraités aigris?", s'est interrogé Henri Guaino. Cette publication montre que "la campagne électorale a commencé. Voilà, nous en avons les premières manifestations", a-t-il poursuivi.
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Et encore ceci qui réconfortera les diplomates français, canal historique. C’est un témoignage recueilli par Vincent Jauvert sur le site du Nouvel Observateur. Vous y trouverez un admirable plaidoyer en faveur de Pierre Ménat, l'ambassadeur français viré de Tunis et muté à La Haye après la chute de Ben Ali.
Voici le texte du 'Nouvel Observateur'
"Pourquoi j'ai signé la tribune contre la diplomatie de Sarkozy"
Hier "Le Monde" a publié une tribune très critique sur la politique étrangère de Nicolas Sarkozy dont il est beaucoup question aujourd'hui. Elle était rédigée par un groupe de diplomates actifs et à la retraite qui s'est surnommé « Marly ». J'ai interrogé l'un des rédacteurs du texte - qui souhaite rester anonyme. Voici son témoignage.
« Nous nous sommes retrouvés le 9 février dans le musée du Louvre, au café Marly (d'où le nom de notre groupe). Nous étions une demi-douzaine. Nous avons rédigé un premier texte, puis nous l'avons fait discrètement circuler. Au total, une trentaine de personnes (dont une vingtaine de diplomates toujours en activité) ont apporté leur touche à cette tribune.
Pourquoi maintenant ? Il y a eu plusieurs éléments déclencheurs. D'abord bien sûr le sentiment d'un vide sidéral après la révolution égyptienne. Alors qu'Obama s'exprimait tous les jours, l'Elysée était muet, ne savait que dire, si ce n'est critiquer son ambassadeur sur place.
Les diplomates ont été très choqués par les fuites organisées par l'Elysée contre l'ambassadeur en Tunisie, Pierre Ménat. On n'a montré aux journalistes qu'une partie de son télégramme sur la révolte. Malgré ce que l'on a écrit, Ménat parlait bien de l'hypothèse d'« un départ précipité » de Ben Ali. Il a servi de bouc émissaire d'une politique désastreuse. De telles fuites émanant de l'Elysée pour viser l'un de ses collaborateurs, c'est inédit !
Puis il y a eu la nomination de Boris Boillon à Tunis. Nous avions appris que Michèle Alliot-Marie avait proposé le nom d'un diplomate aguerri, l'actuel ambassadeur à Tripoli, François Gouyette. Mais l'Elysée a préféré envoyer ce jeune homme impulsif et immature. Malgré ce qui a été dit, nous savions qu'il a été un très mauvais ambassadeur à Bagdad. Encore une nomination incohérente après celle de Rama Yade à l'Unesco qui considère son poste comme une base alimentaire pour poursuivre sa carrière politique. Toujours le mépris du président de la République pour les diplomates - mépris dont il ne se cache même pas ! D'où la prise en main des dossiers sensibles de la diplomatie par le secrétaire général de l'Elysée, le préfet Claude Guéant.
Enfin et surtout il y a le style désordonné, amateur, de la diplomatie sarkoziste, obsédée par les coups. Il n'y a aucune vision à long terme. L'affaire Cassez est symbolique de cet état d'esprit: on est prêt à rompre avec Mexico pour une histoire de droit commun! Les diplomates rédacteurs de la tribune - de droite comme de gauche, énarques ou pas - considèrent que le président de la République a renoncé à une politique étrangère originale, singulière, visible qui était la marque de fabrique du gaullisme, qui a été reprise par François Mitterrand et Jacques Chirac.
Que faire ? A court terme, il faut tirer d'urgence les leçons de la Tunisie. On doit entretenir des relations avec des dictatures mais il ne faut plus être complaisant comme Nicolas Sarkozy l'a été. Dans ces pays, il faut autoriser les diplomates à rencontrer les représentants de l'opposition. C'est ce qu'a fait le Département d'Etat. En Tunisie et en Egypte, les Américains avaient des contacts avec les opposants. Lorsque leurs homologues français souhaitaient faire de même, Paris leur tapait sur les doigts. Il ne fallait pas froisser l'autocrate en place. Cela doit cesser."
©Le Nouvel Observateur