Nicolas Sarkozy et son gouvernement ont désigné à la vindicte publique les Roms comme un groupe criminogène et indésirable. Brice Hortefeux a affirmé que les infractions à la loi étaient beaucoup plus fréquentes chez les Roms que dans le reste de la population.
Comment le sait-il ? Son affirmation semble gratuite ou purement empirique car la législation française empêche le recours au comptage ethnique. Cette méthode est rejetée avec vigueur –surtout par la gauche- au nom de principes angélistes et sous prétexte qu’il faut éviter de réintroduire les nomenclatures ayant permis jadis les rafles et les déportations. Fort bien.
En attendant la France du XXIème siècle ne dispose d’aucune données chiffrées sur les difficultés rencontrées par tel ou tel segment de sa population. Echec scolaire, chômage, insertion, criminalité, ces phénomènes existent mais il est interdit de les mesurer à la lumière des origines géographiques, culturelles ou ethniques des individus concernés. Cela serait pourtant une clé décisive, une manière de cerner les problèmes et d’y apporter des solutions modulées et efficaces.
Cela se fait, avec succès et depuis longtemps, dans de nombreux pays démocratiques où, pour corriger les inégalités et combattre les discriminations, on procède à des enquêtes statistiques précises et régulières. C’est le cas en particulier au Royaume Uni qui n’est pas vraiment une dictature.
Mais en France, en vertu d’on ne sait quelle sacro-sainte vérité républicaine unanimiste, il n’y a pas de blancs, pas de noirs, pas d’asiatiques, pas d’arabes. Ces catégories n’existent pas.
Il est donc interdit de dire par exemple que la population noire d’origine africaine est celle qui rencontre chez nous les plus grandes difficultés d’intégration. Les travailleurs sociaux le vivent au quotidien, les policiers peuvent en témoigner tout comme les fonctionnaires de la Justice.
Un chercheur du CNRS vient à ce sujet de faire paraître une étude qu’il a réalisée pendant 8 ans dans 25 villes (« Le Déni des cultures » - éditions du Seuil). Il a suivi le parcours de plusieurs milliers d’adolescents dans ces quartiers. Ce sociologue, Hugues Lagrange, fait un constat assez limpide : il y a, parmi les « mis en cause » dans les procès-verbaux de police judiciaire (antérieurement à toute décision judiciaire donc, sachant qu'une personne suspectée est présumée innocente), une surreprésentation de jeunes personnes issues de l'Afrique sahélienne. En plus de l'influence de l'origine sociale, il estime que des différences culturelles expliquent cette situation. Selon lui, les familles de ces jeunes « mis en cause » sont en difficulté financière, sans formation et avec une appréhension très limitée de la culture du pays d'accueil.
Ce sociologue met en relief une réalité qui échappe totalement à toute approche cohérente et raisonnée de la part des pouvoirs public. Il est illégal de vouloir quantifier ces phénomènes. L’étude de Lagrange montre pourtant de manière criante que les jeunes issus de l’Afrique sahélienne vivant en France sont infiniment moins socialisés et beaucoup plus impliqués dans la délinquance que les jeunes français ayant des origines, plus ou moins anciennes, en Afrique du Nord et, a fortiori, que les jeunes français dont les familles sont installées sur le territoire depuis plus longtemps encore.
Hier soir, le magazine « Envoyé Spécial » sur France 2 diffusait un long reportage sur les rivalités entre bandes dans le 13ème arrondissement de Paris. Les membres de ces bandes, vivant dans Paris intra-muros, étaient tous des jeunes originaires d’Afrique sub-saharienne. Pas un seul maghrébin et pas un seul asiatique, même si nous sommes dans le 13ème !
Ne croyez-vous pas qu’il serait utile d’établir des statistiques fiables sur l’origine de toutes les populations vivant en France afin d’évaluer les besoins spécifiques et d’échafauder des solutions pour celles qui sont le plus en difficulté ?
Dans les administrations, il est notoire que les noirs (Antillais ou d’origine africaine) sont nombreux dans les postes subalternes et quasiment absents dans les échelons supérieurs. On le sait, on le devine mais aucune donnée objective ne permet de l’affirmer s’il agissait d’établir un meilleur équilibre.
Avant de lancer un chantier, il faut en mesurer l’ampleur et les contours. Ou alors, préfère-t-on continuer à se voiler la face, à travailler dans le flou, sans résultat mais avec bonne conscience ?